dimanche 23 mai 2010

PHILO ANCIENNE ET MEDIEVALE

EXPOSE 2 : L’INEFFABILITE RETROUVEE : PLOTIN
INTRODUCTION
La question de la recherche de l’absolu ou encore de l’origine de toute chose est l’un des problèmes majeurs de la philosophie depuis son origine. A cette préoccupation, s’ajoute celle de la possibilité de fonder un discours sur cet absolu. Platon et Aristote dans leur recherche du premier principe, avaient posé comme absolu le Bien pour le premier et le premier moteur pour le second, en admettant comme réalités intelligibles l’âme et l’intellect divin.
Du travail qui nous a précédé, nous notons que chez Platon, il se posait déjà le problème du langage ou alors, la difficulté d’établir un discours sur l’absolu. Ceci est dû à l’impossibilité de la nature humaine à l’atteindre. Ce problème de l’ineffabilité de l’absolu sera retrouvé avec une forte insistance chez Plotin, d’où le thème de notre travail : l’ineffabilité retrouvée chez Plotin. Après avoir opéré un dépassement de ses prédécesseurs sur la question de l’absolu, Plotin consacrera une partie de sa philosophie à la recherche de l’existence possible d’un moyen pour parler de l’absolu ineffable. Dès lors, quel est l’absolu chez Plotin et comment le pose t-il ? Bien plus, comment le problème de l’ineffabilité du premier principe ou de l’absolu déjà abordé par Platon, se retrouve t-il chez Plotin. Enfin, existe-t-il réellement un moyen pour parler de l’absolu ?
Pour apporter une réponse à ces interrogations, il nous a semblé idoine de diviser notre travail en quatre parties. Dans la première nous présenterons la théorie des hypostases chez Plotin indispensable dans la saisie de l’absolu chez Plotin. La deuxième quant à elle, présentera l’Un dans sa nature et comme réalité ineffabilité selon Plotin. La troisième partie, sera focalisée sur le discours sur l’Un. Enfin, nous aborderons la dernière partie dans une perspective critique afin de dégager l’originalité de la pensée de Plotin.

I. LA THEORIE DES TROIS HYPOSTASES
Platon expliquait l’intelligibilité à travers les idées, le principe de toute chose provient du monde des idées où trône comme absolu, l’idée du Bien. Chez Aristote par contre, les réalités intelligibles sont l’âme et l’intellect. C’est cette dernière qui pense toute chose, qui est simple et impassible[1].
Les considérations de Plotin sur les hypostases viennent s’inscrire dans sa vision du monde qui déplore cet oubli de leur par lequel les âmes sont tombées pour courir à l’opposé de Dieu et s’attacher aux choses d’ici bas[2]. Pour cela, il est nécessaire de faire redécouvrir aux êtres ce à quoi ils appartiennent et les faire ressouvenir des trois hypostases, c’est-à-dire de ce qui ne relève pas du multiple, du mouvement ou du périssable.
Nous allons présenter ces hypostases suivant l’ordre ascendant.
1. L’âme
La réalité véritable est pour Plotin, une vie spirituelle unique qui part de l’Un pour aboutir au monde sensible : c’est la vie spirituelle hypostasiée. Comme les parties d’une même ligne sont ajoutées bout à bout la continuité du courant existerait bien encore pour un observateur extérieur, mais non pour chacun des fragments qui le composent. Pour qu’ils participent effectivement à leur vie spirituelle, il faut donc que chaque forme de la réalité se dilate, pour ainsi dire, ou en termes plotiniens, s’assimile à la réalité supérieure. De là le double aspect de chacune des hypostases de Plotin et en particulier de l’âme. L’âme a une place particulière dans la chaîne des hypostases, elle est la dernière des raisons intelligibles et des raisons qui sont dans le monde intelligible ; elle est la première de celles qui sont dans l’univers sensible, c’est pourquoi elle est en rapport avec les deux[3].
Etant à un niveau donné, l’âme est toujours capable de monter à un niveau supérieur de la vie spirituelle, ce niveau est pour elle un idéal ou, comme le dit Plotin en sa langue imagée un démon. L’âme est donc comme le dit Inge, la grande voyageuse au pays métaphysique. Elle est pour l’imagination réaliste de Plotin, l’expression même de la continuité qu’il y a entre les formes les plus humbles de la vie physique et les plus élevées de la vie spirituelle. Enfin l’âme est la force organisatrice dans le monde sensible.
2. L’intellect divin
L’âme, d’où émanent toutes les forces qui organisent et vivifient l’univers sensible, peut par un mouvement de conversion, se recueillir en elle-même et remonter à son principe qui est l’intelligence. L’intelligence marque un degré dans la vie spirituelle, une étape dans le voyage ascensionnel de l’âme vers sa fin dernière.
L’esthétique de Plotin est effet imprégné de cette idée que la beauté ne s’ajoute pas aux choses comme un accident extérieur, mais en contribue véritablement l’essence. Les idées identiques à l’intelligence, sont ce qui donne aux choses leur valeur de beauté. Ainsi donc, l’Intelligence est pénétrée de l’Un lorsqu’elle se dirige vers lui, mais quand elle revient vers elle, elle se trouve remplie de multiplicité qui constituent pour ainsi dire autant de reflets et de « ratés » de l’Un. L’intelligence, incapable de contenir la puissance qu’elle reçoit de l’Un, la fragmente et la multiplie, afin de pouvoir le supporter partie par partie[4]. Qu’en est-il de cette intelligence ? Elle doit à l’Un sa lumière où elle en découle, elle est ce qui détermine les idées. L’intelligence est multiple lorsqu’elle veut penser le principe qui est au-delà. L’intelligence communique des Idées de l’âme tout en restant lui-même entièrement libre pour la contemplation des idées[5].
La vie, la pensée et toutes choses viennent de ce que l’Intelligence se subdivise à partir de l’Un indivisible.
3. L’Un
Dans les considérations de Plotin sur l’Un ou le Bien, on trouve aisément les idées platoniciennes, ayant trait au même sujet. Le passage de l’intelligence à l’Un n’est ni temporel ni spatial, il exprime un débordement de perfection et de plénitude, une dérivation et un épanchement. L’Un ne sort pas en dehors de lui-même pour remplir un espace ou un temps quelconque, ce qui vient de lui en vient sans qu’il y ait mouvement. Enfin, l’Un opère par rayonnement et débordement[6].




II. L’ABSOLU CHEZ PLOTIN : L’UN
1. La nature de l’Un
La conception plotinienne de l’Absolu se résout à nous présenter l’Un comme une réalité suprême, totalement transcendante et qui est source de la dérivation tant de l’Intellect, de l’âme que du monde physique. Autrement dit, l’Un est considéré comme générateur de tous les autres existants se plaçant au dessous de lui. En effet, l’Un n’est pas la somme des existants, mais il les précède tous, car pour Plotin « tous les êtres viennent de l’Un, qui est simple et qui ne montre, dans son identité, aucune diversité et aucun repli »[7]. Ainsi, par sa nature, l’Un est un, car il est infini et par conséquent il n’est pas une chose, il n’a ni qualité, ni quantité, il n’est ni en mouvement, ni en repos, ni dans un lieu, ni dans un temps, bref, il est au-delà de toute considération et de toute catégorie. De ce fait
« L’Un n’est donc ni la totalité des êtres (puisque alors il ne serait plus un), ni l’Intelligence (car de cette manière aussi, il serait la totalité des êtres, puisque l’Intelligence est cette totalité), ni l’être, car l’être c’est toute chose »[8].
Pour Plotin, aucun nom n’est susceptible de dire l’Un ou de l’exprimer valablement, mais puisqu’il est nécessaire de le nommer, alors il est convenable de l’appeler l’Un. En effet, de lui, on ne dira rien avec exactitude, car les mots manquent pour exprimer sa totalité. Ainsi, par sa puissance, il est au-delà de tout, il se suffit et ne dépend de rien. L’un est donc la source première de toute réalité. Déjà avec Platon, on le désignait par l’idée du Bien, étant comme la source et ce vers quoi l’univers doit se tourner pour trouver la perfection. L’Un est ainsi, la plus haute des hypostases qui engendre nécessairement les autres hypostases. On ne peut dire de celui-ci qu’il est, mais qu’il donne la vie, qu’il est l’être, mais qu’il donne l’être, ni qu’il est bon, mais qu’il est le bien.
Par ailleurs, il est important de souligner avec Plotin que
« L’Un étant parfait, surabonde ; et cette surabondance produit une chose différente de lui. La chose engendrée se tourne vers lui ; elle est fécondée et en tournant son regard sur elle-même, elle devient intelligence, son arrêt, par rapport à l’Un, la produit comme être, et son regard tourné vers elle-même comme Intelligence. Et puisqu’elle s’est arrêtée pour se regarder elle -même, elle devient à la fois Intelligence et Etre »[9].
Ainsi, de par son pouvoir d’émanation des réalités intelligible et du monde physique, il est loisible de dire que l’Un ne contient ni division, ni multiplicité, ni distinction, ni changement. Dès lors, aucun attribut ne peut lui être assigné, pas plus que la pensée, car toute pensée implique une distinction entre le penseur et l’objet pensé. De même, l’Un ne peut pas avoir de volonté, ni d’activité non plus car cela impliquerait également une nette distinction entre un agent de volonté ou d’agissement et son objet. Quand est-il de la question de l’ineffabilité de l’Un ?
2. L’ineffabilité retrouvée
La considération de la nature de l’Un nous a conduit à découvrir sa réalité intrinsèque notamment celle de savoir que l’Un est un principe transcendant et générateur de vie. A cet effet, l’Un s’inscrit dans la logique de l’indéfinissable et de l’indéterminable, de l’impensable bien qu’il soit immobile, omniprésent et sans aucune altérité. Il est donc au-delà de toute parole et par ricochet de tout langage. Il est ineffable.
« L’Un est au-delà de la connaissance, comme il est au-delà de l’Intelligence ; il n’a pas besoin de la connaissance que de nulle autre chose […] L’Un est antérieur au quelque chose. C’est pourquoi, en vérité, il est ineffable ; qui que vous disiez, vous diriez quelque chose : or ce qui est au-delà de toutes choses, ce qui est au-delà de la vérité qui est en toutes choses, n’a pas de nom ; car ce nom serait autre chose que lui ; il n’est pas quelqu’une d’entre toutes les choses, et il n’a point de nom parce que rien ne se dit de lui comme d’un sujet »[10].
C’est donc dire que l’Un se situe au-delà de tout discours. « Etant parfait en ce qu’il ne cherche rien, ne possède rien et n’a besoin de rien, l’Un est pour ainsi dire en acte de sureffluence et sa surabondance produit un autre que lui »[11].
Ainsi, la notion de l’Un ineffable chez Plotin s’inscrit en droite ligne dans la quête de l’Absolu les anciens notamment chez Platon. En effet ce dernier s’est arrêté juste à l’Intelligence qui est générateur de l’Idée du Bien considérée comme le point culminant de son Absolu. Dans La République, Platon avait déjà postulé l’évidence selon laquelle le sensible qui est sans cesse évanouissant, en flux perpétuel, ne saurait être objet de connaissance, car il contient à coup sûr des contraires. Platon tente ainsi de démontrer que dans le monde sensible, il n’y a aucune réalité en soi[12]. et dans la VIIème lettre, il a également parlé de la difficulté à parler de l’absolu à cause de la déficience du langage humain[13].C’est dans ce sillage que Plotin arrive à faire une réactualisation de la question de l’ineffabilité de l’absolu qui le conduit à l’Un comme origine et achèvement de toutes choses ou encore comme l’alpha et l’oméga car de même qu’il a la faculté de dériver les êtres à partir de sa simplicité, de même tous les êtres dérivés de lui, retournent à lui. Il ya donc comme un mouvement ascendant et descendant vers l’Un.
III. LE DISCOURS SUR L’UN

Aristote avait postulé l’intellect divin comme premier principe qui était responsable de l’organisation de l’univers à travers l’âme. Plotin critiquera cette conception en refusant l’intellect divin comme premier moteur étant lui même une réalité composée, contenant en son sein une dualité dans la mesure où il est sujet pensant et objet de la pensée[14].Tout en se pensant lui-même, l’intellect introduit la notion de la multiplicité qui fait appel au discours. Ce qui revient à dire qu’il ne peut pas être le premier principe. C’est pourquoi Plotin pense qu’il y a une réalité qui soit antérieur à l’intellect, qu’il soit simple donc une. Mais, comment tenir un discours sur ce qui est un, sur ce qui est au-delà de toute catégorie ?
En effet, tenir un discours sur l’un suppose que celui-ci est multiple. Or, nous venons de voir que Plotin pose l’Un comme un principe absolument simple, qui est au dessus de toute détermination, une réalité au dessus de toute intellection, de toute vie : « D’une manière générale donc, l’un est le terme premier ; l’intelligence, les idées et l’être ne sont pas des termes premiers»[15]. Donc, il ne peut être dit, il est ineffable et indicible comme le pense Plotin du fait qu’il se situe au-delà de toute pensée. Nos paroles ne peuvent pas arriver à le dire. Ce qui nous permet de dire que le discours sur l’un n’est pas possible. S’il est impossible, comment pouvons-nous parler ou encore communiquer l’Un ? Il n’y a-t-il pas une sorte de langage ou de discours qui soit approprié pour le communiquer ?
1. Le silence comme seul discours possible : la contemplation
D’après le Larousse de poche, le silence est : « Le fait de se taire, de ne pas parler»[16]. Si donc le silence exclu toute sorte de parole, comment peut-elle être un discours ? Platon dans le livre VII de La République, avait déjà souligné la difficulté qu’il y a à parler du Bien, de la réalité intelligible. Car la vision dont dispose la réalité suprême demeure incommunicable, parce qu’elle produit une forme d’éblouissement insupportable[17].
Nous avons vu plus haut la notion des trois hypostases et parmi ces trois notions, l’un est la plus haute, suivi de l’intellect divin et enfin de l’âme. Le vrai bonheur de l’âme consiste à contempler l’intellect et celui-ci à contempler l’un. L’âme à travers l’intellect arrive à la contemplation de l’un. C’est dans cette contemplation que l’âme parvient à l’extase qui apparaît comme le point ultime où celle-ci enquête de bonheur, réalise sa destinée : «Telle est la fin véritable de l’âme, le contact avec cette lumière, la vision qu’elle on a non pas grâce à une autre lumière, mais grâce à cette lumière même qui lui donne la vision. Car c’est cette lumière par laquelle elle est éclairée, qu’il lui faut contempler ; le soleil non plus n’est pas ou par une autre lumière que la sienne»[18]. Cette expérience qui est au-delà de nous reste incommunicable et indicible à cause des limites du langage qui ne peuvent expliquer cet événement, une joie inexprimable qui envahit l’âme. C’est dans ce sens que Plotin affirme :
« Par nature, l’âme aime Dieu, à qui elle veut s’unir… ; purifiée des souillures de ce monde et préparée à retourner vers son père, elle est dans la joie. Pour ceux qui ignorent cet état, qu’ils imaginent d’après les amours d’ici bas ce que doit être la rencontre de l’être le plus aimé ; les objets que nous aimons ici sont mortels et caducs ; nous n’aimons que des fantômes instables ; et nous ne les aimons pas réellement ; ils ne sont pas le bien que nous cherchons. Le véritable objet de notre amour est là bas, et nous pouvons nous unir à lui, en prendre notre part et le posséder réellement, en cessant de nous dissiper dans la chair »[19].
Face à cette expérience que nul ne peut expliquer, l’on est appelé personnellement à la faire car pense Plotin, on peut bien indiquer le chemin qui mène à la contemplation et à l’extase, mais contempler, vivre l’extase, c’est l’acte qu’on ne peut communiquer. L’extase apparaît comme la seule expérience qui permet à l’âme d’éprouver la joie ineffable et si donc on ne peut pas le dire, la seule attitude ou langage ou encore le seul discours possible serait le silence. Le silence ici se veut comme une forme de langage qui reste non dit compte tenu de limites. L’âme doit adopter le silence mystique dans cette union avec l’un[20]. C’est dans ce silence profond qu’elle s’approche de plus en plus de l’un. Mais qu’a cela ne tienne Plotin, préconise une possibilité de parler de l’un. Quelle est donc cette possibilité malgré le silence qui semble être l’attitude la mieux aisée pour dire l’un ?
2. Comment parler de l’Un
Bien que le silence soit la manière favorable pour nous, de communiquer l’un, il nous faut avouer qu’il à un caractère polémique. C’est pourquoi, Plotin dans Ennéades V, pense qu’il y a une autre manière de parler de l’un. Mais avant d’en arriver là, il développe une théorie sur l’incognicibilité du premier principe pour dire que l’un étant la réalité la plus simple de toutes ne se pense pas sinon, elle serait multiple et nous ne pouvons pas non plus la pensée mais si c’est le cas, comment alors parler de ce que l’on ne connaît pas?
« Nous pouvons parler de lui, mais non pas l’exprimer lui même. Nous n’avons de lui ni connaissance ni pensée»[21]. Bien qu’étant incognicible, sans l’atteindre d’après notre connaissance « Nous ne sommes pas tout à fait sans le saisir ; nous le saisissons assez pour parler de lui, mais sans que nos paroles l’atteignent en lui-même. Nous disons ce qu’il n’est pas ; nous ne disons pas ce qu’il est. Nous parlons de lui en partant des choses qui lui sont inférieures. Pourtant rien n’empêche que nous le saisissons, sans l’exprimer par les paroles»[22]. Donc en réalité, ce discours ne dit rien sur l’un lui-même, il ne le décrit pas mais, il nous aide à nous rapprocher de l’un et ceci, à travers des réalités qui lui sont inférieures car il est au delà de tous les attributs. C’est pourquoi, Plotin qualifie ce discours d’apophatique ou d’anagogique d’où découlera la théologie négative.
IV. INTERET PHILOSOPHIQUE
Ce nous trouvons d’original dans la pensée de Plotin c’est que pour atteindre la réalité de l’Un, nous n’avons plus besoin de guide, ni d’instruction, mais il faut marcher seul, par un cheminement dont le terme sera l’union. Plotin dans son 9ème traité (Enn. VI, 9) reprend l’image platonicienne du cheminement vers le Bien à travers la dialectique[23]. Mais tandis que le cheminement platonicien est dialectique et s’opère dans le discours et le dialogue, le cheminement plotinien est mystique et s’opère dans l’au-delà du langage, dans l’expérience, le silence et l’intériorité. Si pour Platon c’est la capacité à dialoguer qui serait seule susceptible de permettre le progrès de la raison de manière purement intellectuelle vers la saisie des êtres en soi que sont les formes intelligibles, et de là à l’intellection de la forme du bien, pour Plotin, le besoin de parler est la sanction d’une déchéance qui a privé la créature de sa perfection originaire.
Evoquant « l’authenticité de la communication » dans son essai sur La Parole, Georges Gusdorf ne pouvait s’empêcher de faire référence au langage du mystique, afin de traduire la primauté du silence sur la parole[24]. Pour légitimer sa pensée, il se réfère à Plotin dans où il est dit : « là-haut, tout corps est pur, chacun est comme un oeil ; rien de caché ni de simulé ; en voyant quelqu’un, on connaît sa pensée avant qu’il ait parlé»[25].
Toutefois, ne pouvoir rien dire ne signifie pas qu’il n’y a rien à dire. Le silence peut être l’indice d’un afflux, d’une plénitude d’essence. Ainsi en est-il dans la théologie apophatique chez le Pseudo Denys ou Grégoire de Nysse, où, dans le silence, s’effectue le contact avec l’être. Ainsi en est-il également dans l’émotion amoureuse ou esthétique : l’intensité du vécu abolit toute possibilité de formulation. Pourtant, il ne suffit pas de recourir au silence pour échapper à l’emprise du langage et, comme le dit Jean Trouillard à propos du mysticisme plotinien : « User du langage comme d’un défaut dans la pureté du silence peut conduire à faire du silence une contre expression, de la nuit un secret et du néant une substance mystérieuse »[26].
Nous constatons dans la pensée de Plotin, tout discours sur l’Un est impossible, nous ne pouvons que parler de ce qui est autour afin de nous en approcher. L’œuvre de Plotin a un accent mystique nouveau, on y sent comme le désir et l’effort d’une âme qui veut se trouver et s’anéantir tout à la fois dans l’Un universel et ineffable. L’Un désigne assurément un principe ineffable identique au Bien, mais en même temps un état permanent de l’esprit et de l’âme qui l’enracine immédiatement dans son origine et que Plotin nomme « la source de l’esprit », « la racine de l’âme » ou encore « le centre de l’âme »[27]. C’est un retour à la simplicité originelle où « l’âme redevient ce qu’elle était »[28].
CONCLUSION
Au terme de notre réflexion sur l’ineffabilité retrouvé chez Plotin, Nous notons que la transcendance néoplatonicienne n’est jamais extériorité, mais antériorité génératrice, point de départ inépuisable. Contrairement à Platon et Aristote qui se sont limités à l’âme et l’intellect comme réalité intelligible, Plotin nous montre moyennant le principe de causalité qu’il y a une réalité antérieure à l’intellect dont la connaissance et le discours nous est impossible. Il nomme cette réalité l’Un, car elle est nécessairement simple et cause de tout ce qui existe. Face à cette réalité ineffable, le silence apparaît comme la seule attitude possible car, l’action véritable nait de la plénitude de la contemplation. Bien plus, elle est la contemplation même dans son effusion spontanée. Mais le besoin de communiquer aux autres ce que nous avons contemplé dans le silence, amène Plotin donner les conditions de possibilité d’un discours sur l’Un. Nous arrivons à parler de lui en partant des choses qui lui sont inférieures. L’un n’est pas saisi comme un, mais à travers les médiations qui le font absent. La nécessité de la procession est donc de pure surabondance. Notre âme peut entreprendre d’abord la connaissance de l’intellect divin, pour enfin dépasser et suspendre toute intellection dans le silence mystique de l’union avec l’Un. « L’âme engendre des dieux dans le silence par son contact avec l’Un, elle engendre la beauté, elle engendre la justice, elle engendre la vertu. Voilà tout ce que conçoit l’âme fécondée par la divinité et tel est sont principe et sa fin »[29]. Le discours sur l’Un est enfin de compte essentiellement anagogique c’est-à-dire mystique ou encore allégorique. Au lieu de le décrire, ce discours ne fait que nous en approcher.


BIBLIOGRAPHIE
ARISTOTE, Traité de l’âme, T.1, Paris, Edition Ernest Leroux, 1990.
E. BREHIER, La philosophie de Plotin, Paris Belles lettres, 1928.
G. GUSDORF, La parole, Paris, P.U.F., 1998.
J. MOREAU, Réalisme et idéalisme chez Platon, Paris, P.U.F., 1951.
J. TROUILLARD, La mystagogie de Proclos, Paris, les Belles lettres, 1982.
PLATON, Lettres, trad. Luc Brisson, Paris, GF. Flammarion, 1987.
La République, trad. G. Leroux, Paris, GF. Flammarion, 2002.
PLOTIN, Ennéades, trad. E. Brehier, Paris, Belles lettres, 1936.

Dictionnaires

Le Larousse de poche, Paris, Vuef, 2003.




EXPOSE 3 : LE RETOUR EN DIEU CHEZ PLOTIN, PROCLUS, GREGOIRE DE NySSE, PSEUDO-DENYS.
INTRODUCTION
La pensée néoplatonicienne s’est préoccupée de la question de l’Absolue, comme étant un principe ineffable. La croyance à ce principe et la possibilité de l’ union intime et directe de l’esprit humain à ce principe furent le filon développé par le néoplatonisme antique et médiéval. L’union entre l’esprit humain et ce principe constitue à la fois un mode d’existence et un mode de connaissance étranger et supérieur à l’existence et à la connaissance normale[30].La philosophie dans son essence se veut aussi une théologie et elle ne traite de l’homme et du monde qu’en fonction d’un principe premier, transcendant, cause universelle, en les considérant comme ses créatures manifestant sa perfection ou cherchant à remonter vers lui.
Notre travail consiste à un retour de l’homme vers le principe absolue. Comment l’âme humaine peut-elle accéder à la divinité ? quelles sont les voies disponibles que proposent les différents auteurs dans la mesure où ce retour est la condition sine qua none de l’existence de cette âme ? pour ce faire, nous nous attarderons sur la doctrine du néoplatonisme avec Plotin qui recommande l’ascension de l’âme vers Dieu comme principe de son maintien et de sa reconnaissance. Ensuite nous verrons Proclus son disciple qui, à son tour considère le retour à Dieu comme accomplissement de l’âme, enfin nous étudierons des philosophes croyants qui, dans leur effort de concilier « foi et raison » vont montrer aux autres chrétiens comment s’unir à Dieu, la cause de notre vie, d’où nous découlons pour ainsi atteindre le bonheur qui était le nôtre avant la chute originelle.
I. LE RETOUR EN DIEU CHEZ PLOTIN
I.1 L’un comme principe générateur

L’un a été présenté comme la perfection. En effet, vu sa simplicité, c’est le berceau de la complexité du réel : vu son unité, il se présente comme l’origine de la multiplicité du réel. Mais alors dit de cette façon, il serait difficile de l’admettre puisqu’il s’agira dans ce point de le démontrer. Comment comprendre que de l’un vienne la multiplicité ?

En effet Plotin pose ici une formulation particulière du problème de l’un et du multiple et à ce sujet, il convient d’abord d’intégrer le principe plotinien de toute génération. « Dès qu’un être arrive à son point de perfection, nous voyons qu’il engendre ; il ne supporte plus de rester en lui-même mais il produit un autre être »[31]. C’est donc la perfection qui confère au premier le pouvoir de procréer et de transmettre, à travers la création, une partie de sa perfection. C’est donc pourquoi l’être qu’il va engendrer est immédiatement après lui, supérieur à tous les êtres. Avec la création, il y a altération progressive de l’état de perfection ; l’intelligence ne saurait donc égaler l’un en perfection. De l’ordre de l’existence, l’un précède l’intelligence, puisqu’il est antérieur à la pensée qui n’est rien d’autre que l’acte de l’intelligence. De sa conception de lui-même quoi consiste en un repos éternel nait un être « si donc il reste en lui-même et si un être se produit, cet être vient de lui, alors qu’il est au plus haut ce qu’il est. »[32] Grâce à sa permanence, l’univers eternel s’ouvre au devenir ; c’est grâce à sa permanence que le monde advient à l’être.

La perfection chez l’un réside donc en une situation d’où nait un être qui n’a forcément pas une perfection ou une puissance égale à celle de sa cause efficiente, la pensée qui nait du repos de l’un lui est inférieure. Son attribut d’intelligence, elle ne l’acquiert que par un mouvement de retour vers le principe premier. Différente de l’intelligible mais semblable à lui. Le rapport qui s’établit entre le premier principe et le premier être généré est donc celui de l’original à l’imitation. Cette imitation est loin d’être la copie conforme de l’original, mais du mieux qu’il peut, l’intellect imite l’un en qui la perfection et le Bien sont éternellement actualisés. C’est en ce retour que l’intellect trouve le sens de son existence. L’on peut dire que si la perfection diminue de l’un à l’intellect, la dégradation suit également le même cheminement. En effet, le passage de l’un à l’intelligence nous fait passer du principe à l’être. Or ; l’un est au-delà de toute essence ; « l’être est identique à l’intelligence. »[33]
Ce passage du principe à l’être, Plotin l’explique à travers le mouvement qui s’opère entre l’acte de l’essence et l’acte qui résulte de l’essence. Le premier représente l’objet dans son actualité, et le second étant l’acte qui en suit nécessairement ; vu que la perfection entraine la génération. C’est le même procédé qui s’effectue qui façonne le réel en fonction des objets de l’intelligence.

Des trois hypostases, l’âme est celle qui agit directement sur le monde. « C’est toute âme qui crée tous les animaux en leur insufflant la vie »[34]. C’est la dimension parmi les trois grandes, qui est responsable de l’animation du monde. La genèse du cosmos ici est s’opère par médiation. En effet, telle que présentée, elle fait ressortir une création graduelle ; puisque l’âme qui fait advenir le monde à l’être est plus parfaite que le monde. C’est cette perfection qui lui confère le pouvoir d’animer et d’ordonner le monde. A ce niveau aussi, l’on peut ressentir les effets de l’acte de l’essence qui constitue l’âme en soi et l’acte qui résulte de l’essence ordonnateur de la matière ; « de même que les rayons solaires, éclairant le ciel obscur, le font briller et le font paraitre doré. »[35] Sans âme, il ne reste plus que la matière obscure. Ainsi donc, l’un se révèle être le principe générateur du monde.

I.2 CONTEMPLATION COMME ATTITUDE DE L’AME

Le retour vers le principe premier est une nécessité pour l’âme qui a toujours besoin d’effectuer une ascension vers ses origines. En effet, le bien dans le monde en dépend puisque des trois hypostases desquelles tient le monde, c’est elle qui est en relation avec lui. C’est la couroi de transmission entre le monde et le principe premier en qui réside la perfection. Le chemin retour n’est pas une contrainte qui s’impose à l’âme ; puisqu’il ya des cas où elle peut y déroger ; comme le présente Plotin : « D’où vient-il que les âmes aient oublié Dieu leur père, et que, fragment venus de lui et complètement à lui, elles s’ignorent elles–mêmes et l’ignorent ? Le principe du mal pour elle, c’est l’audace, la génération, la différence première et la volonté d’être à elles-mêmes »[36]. Telle est l’attitude de toute âme qui se corrompt tourner le dos au principe premier constitue donc la souillure de l’âme. Dans cette perspective, il est possible de dire que ce n’est que dans la contemplation que l’âme se réalise pleinement : l’âme n’est âme que par la contemplation, c’est la moyen d’arriver à Dieu, lui que l’homme ne peut rechercher que par l’intermédiaire d’un tel principe : « recherche Dieu avec assurance à l’aide d’un tel principe et remonte jusqu’à lui ; il n’est pas loin et tu y parviendras : les intermédiaires ne sont pas nombreux »[37]. L’on peut comprendre qu’il s’agit de l’âme comme moyen par excellence de recherche de la première cause et cela nécessite un effort. Ensuite, la recherche de Dieu à travers l’acte contemplatif nécessite pour qui le recherche une attitude éthique ; c’est ce qu’il est possible de comprendre à travers cette affirmation :

Poursuivre et admirer une chose, c’est pour l’être qui l’admire et la poursuit, se reconnaitre inférieure à elle ; se plaçant plus bas que les choses sujettes à naitre et périr, se croyant la plus méprisable et la plus mortelle des choses qu’il trouve, jamais il ne pourrait se mettre dans l’esprit la nature et le pouvoir de Dieu. [38]

Nous voyons bien là un rapport le générateur et le généré ; une cause et son effet. L’un que recherche l’âme est son créateur. Selon le principe plotinien, l’un est la perfection et l’âme est un parfait qui en tire sa nature. L’on peut dire que l’âme est imparfaite devant l’un. La présence devant l’un plonge l’âme dans un sentiment de parfait nullité. Mais c’est dans la contemplation que l’âme puise en ce principe les éléments qui lui permettent de se conserver dans son état de perfection. Cette contemplation à laquelle soit s’efforcer l’âme peut être assimilée à un exercice personnel auquel tout homme peut se livrer afin d’entrer en contact avec des réalités supérieures. Cet exercice entraine l’homme dans une sorte de méditation ; le mettant en relation avec des réalités intérieures. Il n’est pas possible de percevoir toutes les actions de l’âme ; « nous ne sentons pas tout ce qu’il y a dans l’âme ; ce qui pénètre jusqu’à la sensation arrive jusqu’à nous »[39]. La perception sensible se présente comme le mode ordinaire de connaissance des choses. Il n’est pas possible à toute personne non disposé de percevoir les choses dans leur essence comme elles existent dans l’âme. « Il est donc nécessaire, pour que nous percevions la présence de ces actions, de tourner nos perception vers l’intérieur de nous-mêmes, et d’y maintenir notre attention »[40]. La relation à l’un à travers l’intellect divin exige une vie intérieure qui crée le silence ; qui renferme le sujet sur lui-même et l’élève vers les réalités éternelles. L’éternité plotinienne revêt le caractère de la perfection raison pour laquelle elle est la propriété exclusive des trois hypostases plotiniennes.
I.3 ASCENSION ET PURIFICATION

Le cheminement vers le principe premier nécessite de la part de celui qui voudrait s’élever. Un effort de conversion. En effet, l’exigence de vertu est de mise pour tout sujet contemplatif. C’est la remarque qu’il fait dans son discours à l’intension des gnostiques, soulevant le fait qu’il ne soit pas très utile de dire aux hommes de regarder vers Dieu sans leur dire comment regarder. L’on ne saurait rechercher dieu tout en restant attaché aux choses qui ne permettent pas à l’esprit de l’homme de s’élever. Cela nécessite donc une disposition. Parler de ces choses qui retiennent l’ascension de l’homme vers les réalités supérieures, c’est faire allusion aux passions qui retiennent l’homme et qui réside dans sa sensibilité puisque « sans la vertu, véritable, Dieu n’est qu’un mot »[41].

Il convient à ce niveau de mentionner la grande différence entre les vertus dites civiles et les vertus divines. Les premières font de l’homme un sujet politique doué de dignité et de respect au sein de sa société, faisant de lui une ressemblance de Dieu ; les secondes constituent un moyen pour l’âme de s’évader du monde. Celles qui permettent à l’âme de s’élever ce sont les vertus supérieures. Elles sont dites divines parce que c’est grâce à elles que l’homme se fait la ressemblance à Dieu ; « si donc, on accorde que nous pouvons ressembler à Dieu, même par les vertus différentes des siennes, rien n’empêche d’aller plus loin et de dire que nous devenons semblables à Dieu par nos vertus propres »[42]. L’homme sage donc doit atteindre le cap de la vertu supérieure. Ainsi donc, autant qu’il est possible, il s’isole complètement du corps ; il ne vit pas de la vie de celui qui, au jugement de la vertu civile, est un homme bien. Ressembler à Dieu demande donc à l’homme le sacrifice de cette vie ; cela demande donc de l’effort de la part de l’homme qui est tendu vers la divinité. La purification constitue donc le point de départ de toute ascension vers le principe suprême. La purification est directement suivie de la conversion. Elle est nécessaire à l’union au premier principe. Ainsi l’ascension chez Plotin a trois paliers : « la purgation, l’illumination, et l’union »[43]. L’on peut donc retenir de Plotin que ceux qui n’ont pas la vertu ne peuvent absolument avoir aucun attrait pour les choses d’en haut. L’éthique ouvre donc l’homme à la transcendance.
I.4 CHEMINEMENT VERS LE PREMIER PRINCIPE.

Le retour à l’un demande à l’âme une intériorisation dans son élan de contemplation. Il s’agit de se couper de la réalité sensible pour admirer le principe grâce auquel elle crée toute chose dans le monde. « En effet, c’est lorsqu’elle regarde dans l’intelligence qu’elle a, à l’intérieur d’elle-même ses pensées propres et qu’elle agit. »[44] Après unité de ses deux parties à savoir celle qui agit dans le monde et la partie supérieure au voisinage de l’intelligence, elle la contemple sous toute sa forme. Son ascension est motivée par la quête d’un bien et cette quête se perfection encore plus lors qu’elle atteint l’intellect.

La contemplation devient parfaite lorsque le sujet qui contemple entre dans un rapport d’identité avec l’objet de la contemplation. Celle-ci se définit donc comme un cheminement tel que le présente Plotin : « la contemplation est en progrès de la nature à l’âme, et de l’âme à l’intelligence ; elle devient chaque fois plus intimement unie à l’être qui contemple »[45]. Au niveau de l’intelligence, il y a identité entre le sujet qui cherche le bien et l’objet de sa recherche. L’identité devient donc cette exigence qui s’impose à tout être en quête de l’un. S’opposant à l’altérité qui est la caractéristique du monde matériel sujet à la multiplicité, elle favorise l’unité au premier principe et à ce niveau, le sujet contemplatif fait l’expérience de ce que Plotin appelle ‘’la vie première’’. Différente de celle qui anime le monde cette vie est celle où la contemplation s’unit à son objet. Il importe donc pour retourner à l’un de lui ressembler.
La situation au niveau de l’intelligence ne suffit néanmoins pas pour pouvoir saisir le principe premier ; rien de clair ne peut être dit de lui bien que le définissant comme le bien. L’appeler le bien ne permet pas d’en avoir une connaissance concrète. C’est donc à ce niveau que va se jouer l’importance de la génération qui illustre qu’avant cette ascension vers l’un, il y a d’abord eu un mouvement descendant de l’un vers le monde. En effet, venue de lui, tout être porte en lui les marques du créateur ; et mieux dit : « il n’y a pas de lieu où il ne soit ; pour les êtres qui peuvent participer de lui, et puisqu’il est partout, il n’est pas d’endroit où nous ne puissions tenir quelque chose de lui ; en lui présentant ce qui en nous, est capable de le recevoir. »[46] L’unité au premier principe se réalise donc grâce à sa marque en tout être. A ce niveau, la parenté de l’un envers le sujet qui contemple joue un rôle très important dans le rapprochement entre le sujet et l’un. Il est le principe générateur du monde, le principe unique duquel vient la multiplicité. En tendant vers lui, l’intelligence doit ensuite retourner vers les réalités inférieures.

II. LE RETOUR EN DIEU CHEZ PROCLUS
II.1 Le mouvement de conversion

La conversion de son étymologie latine « conversio » signifie retournement, changement de direction. Cette conversion dans l’ensemble de la pensée grecque s’opérait dans de deux manières : A la manière de l’ epistrophé et celle de la metanoia. La première forme se réfère à un changement d’orientation impliquant un retour à l’origine, alors que la seconde signifie repentir, un repentir sous-tendant un profond bouleversement de l’être, une sorte de mutation et de renaissance. De ces deux formes nous entrevoyons une polarité de fidélité et de retour : un retour à l’origine et l’idée de renaissance. La conversion donc transforme la réalité humaine d’une part en la ramenant à son essence originelle (conversion- retour), et d’autre part en la modifiant radicalement (conversion- mutation)[47].
Pour Proclus, la conversion ne peut être conçu comme une rupture totale avec la manière habituelle de vivre. L’homme par une pratique permanente et assidue des exercices spirituels, doit faire un pèlerinage vers son essence première, il se doit de retrouver sa nature originelle. La conversion pour lui est donc « une répétition de l’événement originelle »[48]. En effet, cette conversion est un retour à soi, à sa véritable essence. « Se convertir, c’est pour ainsi dire se ramener par l’analyse à ce dont on s’est scindé par essence »[49].
Par cette démarche Proclus se démarque considérablement de Plotin pour qui, la conversion est un détournement du monde sensible, un dépouillement de la matière impure pour une conversion vers l’idée du Bien. Selon Proclus donc il n’y a pas de génération. Car la génération, dit-il est « un passage de l’absence de perfection à la perfection opposée »[50]. L’être est autoconstituant et autonome. Si un autoconstituant se soumet à la génération, il devient essentiellement imparfait, corrompu et aura besoin de recevoir sa perfection d’un autre. Du moment et l’instant où il se produit lui-même, il est parfait et autonome. Tout être qui se corrompt s’écarte de sa propre cause pour servir une cause qui n’est pas la sienne et qui ne lui est d’aucun secours, d’aucune construction.
La conversion nécessite irrémédiablement un retour vers soi-même, vers sa perfection et sa cohésion intérieure. « Ce vers quoi chacun se convertit par nature est ce dont il procède par essence »[51].
Proclus nous exhorte à cet effet de se mettre sur le chemin de la conversion par des exercices spirituels impliquant à la fois méditation et contemplation. Son disciple Marinos témoigne que son maître fut un exemple et un modèle d’une concrétude à s’inspirer. En effet, nous rapporte-t-il, même dans son sommeil Proclus ne cessait de méditer et avait pour seul souci la recherche de la sagesse. En outre, Proclus incitait également à l’initiation aux mythes et à l’activité poétique pour une meilleur disposition et ouverture spirituelle. Les mythes ont pour valeur une vertu secrète qui prépare à un accueil convenable et mûrement préparé par l’âme à se lier à la divinité. Quant à l’activité poétique, elle constitue un mode d’unité et d’harmonie qui sert de médiation et de transition. C’est le « délire » poétique qui est mû et meut, reçoit d’en haut une illumination qu’il communique aux autre êtres.
II. 2 Accomplissement de l’âme en communication avec l’Un

L’âme est une image de l’un, elle est semblable à l’un. Ils sont tous deux proches et ont une affinité très étroite. Ainsi l’un se donne sans paraître. « L’Un ne peut se manifester qu’en se transposant sur un plan qui n’est pas le sien »[52]. On ne peut pas accéder à l’un sans passer par la médiation de l’âme.
« L’un lie entre eux les êtres, mais de façon transcendante…L’âme aussi lie entre eux tous les êtres, mais de façon immanente »[53]. C’est les êtres liés qui constituent le milieu de la communication entre l’âme et l’Un. Ainsi, l’âme possède donc une fonction double, elle est le centre commun, la transition parce qu’à la fois liée et liante.
Néanmoins, l’âme est automotrice, génératrice d’elle-même. Elle est en communication et participe de l’Un. Tout âme est donc formé de tout parce qu’elle est au centre de l’univers. C’est en prenant conscience de son universalité qu’elle va faire coïncider la conversion de son activité avec celle de sa substance. Voilà pourquoi, Proclus affirme qu’il faut mettre son âme en équation avec elle-même pour s’approcher de l’Un, pour se transfigurer dans l’Un. Dès lors, il écrit dans le Commentaire du Parménide :
« Ce n’est pas du dehors que la purification peut venir à nous, c’est du dedans qu’elle jaillit de l’âme elle-même. Car tout mal vient du dehors et est ajouté à l’âme, tandis que tout bien vient du dedans. La nature de l’âme est de ressembler au Bien »[54]
L’âme par le lien intrinsèque qu’elle à avec l’Un, lui permet de participer par voie de communication essentielle à la perfection de l’Un qui la fonde. Chaque home est participation pure au moins à l’âme originelle. Malgré son exil par sa descente dans le devenir et la faiblesse, l’âme doit se réapproprier sa propre plénitude de son fort intérieur. Tout ce qui lui faut c’est d’être éveillée et non être enrichie par un élément extérieur, qui viendrait corrompre sa cohésion avec la cause universelle.
III. L’ASCENSION DE L’AME CHEZ GREGOIRE DE NYSSE
III.1 La notion et l’ascension de l’âme chez Grégoire de Nysse
III.1. 1 La notion de l’âme

Nous partons de la conception chrétienne de Grégoire, que l’humanité est créée par Dieu. Grégoire fut évêque de Nysse vers 372, par la volonté de Basile, il connut des difficultés et fut même déposé par les évêques ariens de la région pour avoir détourné les fonds, par la suite exilé. Après la mort de l’empereur arien en 378 il put rentrer à Nysse. Il prit part au concile d’Antioche de 379, de Constantinople de 381 où il fut précisé la doctrine officielle de l’Eglise face à l’arianisme. Théodore le proposa comme défenseur de l’orthodoxie. Il est mort en 394. pour Grégoire, l’âme n’existe pas à l’état isolé. Elle fait partie de l’humanité. L’image de Dieu n’est pas pour lui dans les individus mais dans l’humanité totale. Il dit ceci : « c’est la totalité de l’humanité qui est l’image de Dieu [55]». L’homme faisant partie de cette humanité a une âme. Il définit l’homme comme « un microscome, contenant en lui-même des éléments dont l’univers est rempli »[56]. Pour lui douter de l’existence de l’âme, c’est douté de celle de Dieu car l’existence de Dieu et l’existence de l’âme sont très étroitement liées. L’harmonie de la création proclame l’existence de Dieu. Grégoire dit ceci : « oui la sagesse qui dépasse l’univers, on peut grâce aux relations qui s’observent dans la nature des êtres, faites de sagesse et d’arts se la représente par analogie, dans cette organisation harmonieuse, mais par l’âme, quelle connaissance, au travers de signes corporels, pourraient en avoir ceux qui, dans les apparences, cherchent la trace de ce qui est cachée »[57]. Ainsi l’âme est puissance qui meut le corps. « Elle est une réalité immatérielle et incorporelle qui agit et meut selon sa nature propre et qui, à travers, les organes du corps, manifeste ses propres mouvements. »[58]

L’âme est une réalité créée, vivante, intellective, principe de connaissance sensible dans un corps fait d’éléments assemblés. « L’âme est une substance créée, vivante, spirituelle, qui introduit par elle-même dans un organisme corporel capable de sensation une puissance vivifiante et propre à saisir les réalités sensibles, tant que l’être capable de recevoir ces dernières présente ses éléments assemblés »[59]. L’âme est une réalité qui échappe à toute forme d’explication sensible, elle est immortelle, elle est toujours considérée dans son rapport au corps, jamais comme une réalité étrangère à lui.
Ainsi de cette nature et de son rapport avec le créateur, Grégoire conclut que le rapport corps-âme est le même que le rapport dieu- monde. L’âme indépendante du corps échappe à sa dissolution .C’est dans ce sillage qu’on comprend la relation corps-âme. Pour lui étant incorporelle et présente dans le corps selon une modalité qui échappe à l’homme, elle survit à la décomposition du corps restant toujours unie aux éléments du mélange.
III.1.2 L’ascension de l’âme

Parler de l’ascension de l’âme cela suppose au préalable une purification. Dans sa présentation du processus de purification, l’originalité de Grégoire réside dans sa conception de la double création de l’homme. Il fut d’abord crée dans un état de perfection, à l’origine, le corps était spirituel, incorruptible .Le péché mit fin à cet état et l’homme fut alors créé sensible, sexué et mortel. Ces éléments étrangers, surajoutés et non naturels, lui cachent son véritable moi et l’empêchent de se reconnaître comme image de Dieu. Il lui faudra se purifier de ses passions, de ses tuniques de peau, des sens qui imposent leur domination et jugent du bien et du mal d’après leur propre nature. Le péché réside dans cette adoption d’un mauvais critère, d’une fausse table de jugement. La libération consistera à restaurer en son état primitif l’image de Dieu momentanément cachée. Il insiste particulièrement sur les étapes de la purification qui doit permettre de retrouver ce qui nous fait image de Dieu: la liberté. La restauration intégrale, union avec Dieu, sera donc le terme de ce mouvement. Ce terme ne sera pourtant pas un repos, et c’est l’autre originalité de Grégoire, qui conçoit la perfection non plus comme stabilité mais comme constant dépassement de soi, comme un infini progrès de l’amour de l’âme pour Dieu.

Par ailleurs, la purification de l’âme passe par le dépouillement des passions c’est-à-dire abandon effectif du monde. Le dégagement de la vie charnelle, du poids corporel qui appesantit l’âme, de ces tuniques de peau qu’il faut transformer en tunique aériennes afin qu’au jour de la trompette finale nous puissions nous élever vers les hauteurs

L’attachement à la vie charnelle doit être supprimé sinon il demeure même après la mort. Pour lui le désir est sans doute une passion, mais il est le moyen pour aller à Dieu mais c’est un moyen dont peut se passer l’âme libérée des passions. L’âme doit être orientée vers le beau et le bien sinon elle risque de s’orienter vers ce que l’on n’a pas là commence le problème car Dieu ignore l’espoir et le souvenir qui naissent du désir mal orienté. L’âme orientée vers Dieu ne connaît plus le désir auprès de Dieu ; l’amour du beau ne peut jamais cesser. Notons que pour Grégoire les passions ne sont pas comme pour Platon, le désir et le courage opposés à la raison, mais une perversion de la volonté.
La purification en même temps est l’œuvre de Dieu : l’âme est attirée par Dieu qui purifie : « si Dieu est transcendant et au dessus de toute prise, la pire illusion est de croire que nous puissions nous approcher de lui par des moyens humains, mais c’est de lui seul que nous devons attendre qu’il se communique à nous »[60] ; et cela ne peut pas se faire sans souffrance. Il prend l’exemple comment on travaille l’or. La souffrance purificatrice est naturelle et proportionnée au mal. La peine expiatrice est la condition de la liberté.
La libération du mal nous permet de nous assimiler à Dieu qui devient tout en tous. Dieu se donne et dilate celui qui le reçoit. Car sa volonté est de faire partager ses biens et de dilater sans cesse celui qui les reçoit. D’où ce dernier doit être purifier des passions corporelles, sans que pour autant son désir d’avoir un corps soit sain. Il ajoute la résurrection reconstituera le corps et le fera beaucoup plus beau. Cette purification nous permet de faire une séparation totale des pièges du monde sensible et d’être illuminé.
III.2 Les différentes étapes de l’ascension
Chez Grégoire, le mouvement de la pensée se décompose en trois degrés :
La connaissance religieuse est d'abord lumière quand elle commence à apparaître […] Mais plus l'esprit, dans sa marche en avant, parvient à comprendre ce qu'est la connaissance des réalités et s'approche davantage de la contemplation, plus il voit que la nature divine est invisible. Ayant laissé toutes les apparences…, il va toujours plus à l'intérieur jusqu'à ce qu'il pénètre, par l'effort de l'esprit, jusqu'à l'Invisible et à l'Inconnaissable et que là, il voie Dieu. [61]
Grégoire dans cette citation reconnait trois degrés qui sont effectués par l’âme pour pouvoir contempler Dieu. Ces étapes commence d’abord par l’illumination de l’âme, ensuite l’âme recevra des connaissance qui permettrons de s’approcher de Dieu. Mais Dieu est toujours incognicible
III.2.1Premier degré : Séparation et illumination
Pour Grégoire, le premier degré est à la fois séparation et illumination. C’est un étape qui dévoile le péché et provoque la purification intérieure, laquelle doit aboutir à l'apathéia, c'est-à-dire, à l'absence de passions. Ce degré est symbolisé par l'épisode du Buisson Ardent et correspond au baptême.
Chez Grégoire, la vie spirituelle suppose d'abord une séparation, illustrée par la figure de Moïse quittant sa mère adoptive pour rejoindre ses frères. « Quand il fut sorti de l'enfance, instruit, durant son éducation de prince, de la culture profane, il ne choisit pas cependant ce qui passait pour glorieux chez les païens et n'accepta pas plus longtemps de reconnaître pour mère celle qui l'avait adopté, mais qui ne l'était pas réellement »[62] La séparation prépare l'illumination intérieure du Verbe, ce qu'illustre l'épisode du Buisson ardent :
Le premier enseignement que nous donne cette lumière, c'est de nous apprendre ce que nous devons faire pour nous tenir sous les rayons de la lumière véritable ; et c'est qu'il n'est pas possible à des pieds chaussés de courir vers la hauteur où la lumière de la vérité apparaît, mais qu'il faut dépouiller les pieds de l'âme du revêtement des peaux mortes dont notre nature a été revêtue aux origines lorsque nous fûmes mis à nu pour avoir désobéi au commandement divin. Quand nous aurons fait cela la connaissance de la vérité se manifestera d'elle-même. [63]
Dès lors, nous pouvons prévoir ce que sera l'apatheia : un état de l'âme pacifiée, invulnérable aux passions. Ainsi Moïse n'est-il pas atteint par les tentations de jalousie dont est blessé Aaron : " L'assaut de ceux qui l'attaquaient est émoussé à son contact "[64]. L'âme qui lutte contre les passions participe déjà à la vie divine : " Le but de la vie vertueuse, c'est la ressemblance avec Dieu. Et c'est pour cela que les âmes vertueuses s'appliquent à acquérir la pureté de l'âme et le dégagement de toute affection sensuelle, afin d'avoir en elle l'empreinte de la nature divine par le moyen d'une vie meilleur »[65]. La parrhesia (liberté : n’est pas un choix entre un bien et un mal abstrait mais entre la participation à l’humanité déchue ou à l’humanité ressuscité par le Christ. C’est dans le Christ, l’image de Dieu est restaurée pour toute l’humanité. L’humanité est une transformation de l’âme en Jésus-Christ. C’est lui qui éclaire l’âme dans le buisson ardent, celui qui la nourrit dans le désert), qui est le couronnement de l'apatheia, réintroduit l'âme dans une liberté de relation avec Dieu.
III . 2. 2 Deuxième étape : L'activité de l'intelligence
Le deuxième degré est le domaine propre de l'activité intellectuelle. l'âme se dégage peu à peu des obstacles, pour s'élever jusqu'à la beauté invisible. Ce deuxième degré est illustré par la pénétration dans la nuée, et Grégoire le met en lien avec la confirmation. Pour Grégoire de Nysse, ce passage vers l’invisible , il s'agit d'une montée de l'esprit qui consiste dans un dégagement du sensible et une accoutumance aux réalités invisibles :
Celui qui a abandonné les plaisirs de l'Égypte dont il était esclave avant d'avoir traversé la mer trouve d'abord la vie pénible et désagréable, privé qu'il est des jouissances passées. Mais le bois est jeté dans l'eau, c'est-à-dire si l'on adhère au mystère de la Résurrection qui a eu son principe dans le bois - par bois tu as compris évidemment la croix - alors la vie vertueuse devient plus douce et rafraîchissante que toute douceur dont le plaisir flatte les sens, douceur qu'elle puise dans l'espérance des biens futurs [66]
III.2.3 Troisième étape : la ténèbre
A ce troisième degré, nous abordons la vie mystique proprement dite. C'est le temps de la Ténèbre où Dieu n'apparaît jamais : il est comme une personne, c'est-à-dire une présence. l'expérience mystique, constitue l'ultime degré. L'âme atteint Dieu par une perception « sui generis » qui se traduit par le sentiment de sa Présence et s'achève par l'union. Ce degré est mis en relation avec l'Eucharistie. Toute la vie mystique est là, dans la nuit des sens et des concepts, alors que la présence de Dieu se fait de plus en plus proche. Qu’est-ce que la ténèbre ? Notons ceci : l’âme à la recherche de Dieu, croit d’abord l’atteindre dans les lumières qu’elle en reçoit, jusqu’ à l’échec en échec, elle finisse par comprendre que voir Dieu consiste à ne pas voir et que c’est dans cette quête elle-même que réside la connaissance de celui qui surpasse tout connaissance. Cette caractéristique se trouve chez Philon dans le traité sur la postérité de Caïn :
Moïse entra dans la ténèbre où, Dieu était c’est-à-dire dans les pensées secrètes et invisibles sur l’Etre […] Lorsque l’âme amie de Dieu cherche ce qui est l’Etre par essence, elle entre dans une quête informe et invisible : et c’est de cette quête que lui provient le plus grand bien qui est de comprendre que Dieu est totalement incompréhensible et de voir cela justement qu’il est invisible [67].

Lorsque on parle de ténèbre ceci fait intervenir la nuit. La nuit de sens n’est qu’une première étape : elle est suivi de la nuit de l’intelligence qui est figuré par la ténèbre ; il observe lui-même qu’il est étranger, que la connaissance de Dieu apparaisse comme ténèbre alors que d’abord la manifestation du Verbe avait paru lumière. Ténèbre est un terme équivoque. La connaissance de Dieu est lumière par rapport aux ténèbres du péché, mais elle est ténèbre par rapport à la réalité divine. Le sens de la ténèbre est l’excès de l’être divin par rapport à toute connaissance créée. C’est la théologie négative chez Grégoire à savoir que Dieu est transcendant ; croire qu’on le possède, ce serait le perdre, car ce qu’on posséderait ne saurait être lui[68].Pour Grégoire de Nysse, la ténèbre figure l'obscurité totale de l'esprit devant la réalité divine. « C'est dans la lumière que Dieu commença à se manifester à Moïse. Puis il parla avec lui dans la nuée. Enfin s'étant élevé davantage dans la perfection, il voit Dieu L'âme se mêle à ce qu'elle aime ».[69]
III.3 L'épectase : un progrès continuel vers Dieu
L'âme ayant atteint le sommet de son ascension, il pourrait sembler que son désir est comblé puisqu'elle est unie à son Bien-Aimé. Mais pour Grégoire apparaît une réalité nouvelle : la jouissance des biens divins ne fait qu'augmenter la soif de l'âme. La vie spirituelle consiste en un progrès continuel, appelé épectase d'après le texte de saint Paul : « Oubliant ce qui est derrière moi, et tendu vers ce qui est en avant…» (Ph. 3,13).
Pour Grégoire de Nysse " l'aventure " spirituelle est souvent présentée en formules paradoxales : « Trouver Dieu consiste à le chercher sans cesse. En effet, chercher n'est pas une chose et trouver une autre, mais le gain de la recherche c'est la recherche même. »[70] le but de la vie spirituelle est aussi de rendre l’âme à sa vrai nature cette nature de l’âme c’est d’être image de Dieu. C’est cette image qu’il s’agit de dégager en la purifiant de tout revêtement étranger qui, comme la rouille efface l’effigie. La vie mystique représente une succession de morts et de résurrections, à travers lesquels l'âme s'approche de Dieu qui habite en son centre. Le progrès vers l'intériorité consiste pour Grégoire, en une découverte toujours nouvelle de Dieu « de commencements en commencements par des commencements qui n'ont pas de fin ».[71]
PSEUDO-DENYS : Le retour en Dieu

L’activité philosophique de Denys est marquée par la recherche de l’absolu ou mieux le retour des êtres à leur cause. C’est-à-dire à Dieu. Dans son livre intitulé La Théologie mystique, Denys se pose la question de savoir comment il faut s’unir et rendre hommage à l’Auteur transcendant de toutes choses. Cette interrogation amène à percevoir rapidement sa trajectoire philosophique dans laquelle il donne une éducation fiable qui permettra à la fin aux uns et aux autres d’atteindre leur position originelle. Théologien et philosophe, il soutient que la relation entre Dieu et les êtres est comprise dans un double mouvement à savoir le mouvement descendant et le mouvement ascendant.

IV.1 Le mouvement descendant

Pour mieux comprendre tout le dynamisme autour de Dieu, il faut savoir que le sens du tout premier mouvement est donné par la réalité supérieure qui non seulement donne existence aux choses mais également maintien cette existence d’une manière pérenne et par conséquent, c’est de son harmonie qu’on obtient la possibilité de retour à la cause ultime. Rappelons que la conception grecque du monde est essentiellement un ordre hiérarchisé et immuable. Les êtres inférieurs supposent toujours un être supérieur qui par nature suppose un ordre éternel, condition de toute harmonie et de toute beauté et expression de l’origine divine de l’univers. Dans Ennéade V, 1 ; V,2 ; IV,8 et III, 8, Plotin montre comment toute chose dérive de l’Un absolument simple et transcendant suivant les niveaux hiérarchiques. Pour Proclus, le maître de Denys, c’est à travers ce système d’intermédiaire que la procession divine se trouve communiquée et que se produit la conversion de chaque être vers l’Un.[72]
Denys maintient cette origine divine de la hiérarchie et lui donne une place essentielle dans sa conception des relations entre Dieu et le monde. La procession n’est pas une diminution de l’Etre divin, mais une présence de Dieu tout entier en chaque être. Son dut est de protéger la conception chrétienne de Dieu et du monde et la rendre acceptable aux intellectuels platoniciens. Pour lui, Dieu est encore au dessus de l’un et les intermédiaires ou médiations ne disent pas réellement ce qu’et Dieu, mais permettent néanmoins d’initier les ordres inférieurs à la science des supérieurs et de servir de canal, d’une part à la procession descendante de Dieu et, d’autre part, à l’ascension des êtres vers la réalité transcendante, vers le Suressentiel, vers la Ténèbre plus que lumineuse du silence. Dieu n’est pas seulement « Un » et « Silence » : Il se « multiplie », il s’exprime et il apparaît. Il n’est pas seulement essence transcendante, mais aussi cause de êtres et opération révélatrice. Dans sa manifestation permanente, il ramène tous les êtres jusqu’au foyer de sa divinité.
IV.2 Le mouvement ascendant

Chaque fois qu’un être s’éloigne de son origine pour telle ou telle autre motivation, il est important qu’il revienne à la source question de se raviver, de se recharger d’une nouvelle énergie qui assurera son dynamisme. Dans ses développements philosophiques, Denys pose le retour de chaque être vers sa cause comme le mouvement le plus important et le plus nécessaire.
Si dans le mouvement descendant, Dieu et l’acteur principal sans lequel rien n’est possible, dans le mouvement ascendant, c’est l’homme qui est l’acteur principal et ce mouvement, c’est-à-dire cette élévation, exige de lui une attitude stricte et rigoureuse, une ascèse consistante qui, seule permettra le décollage de sa position très inférieur. A cause de son égoïsme et de ses pratiques impropres aux canons divins, l’âme humaine s’est considérablement éloignée de Dieu où elle est devenue affaiblie, paresseuse, incapable de rendre un culte à Dieu et finalement menacée de perdition. C’est une âme donc l’épaisseur existentielle manque toute concrétude et donc les actes sont régulièrement falsifiés. Le danger de l’éloignement de l’âme de son origine étant énorme, il est nécessaire d’envisager son retour lequel elle doit mériter à travers un comportement qui réponde non à la matière sensible mais aux essences intelligibles qui lui sont supérieures (intermédiaires) et finalement à Dieu qui transcende toute chose de façon suressentiel et ne se manifeste à découvert et véritablement qu’à ceux là qui vont au-delà de toute considération rituelle et de toute purification.[73] Denys veut montrer que Dieu se manifeste aux âmes qui abandonnent toutes les lumières divines, toutes les paroles et toutes les raisons célestes pour accéder au cœur même de la réalité ultime. Le retour de l’âme vers Dieu est un effort permanent une équation quotidienne à résoudre. C’est cherché à faire des pas supplémentaires qui rapprochent et garantissent l’équilibre, qui favorisent la coïncidence avec l’essence divine.
Dans l’une de ses lettres dédiée à son ami Timothée, Denys lui recommande de s’exercer sans cesse aux contemplations mystiques. Ce culte de l’effort peut être considéré comme une initiation philosophique à la contemplation. C’est une ascension, une montée graduelle nourrit par une bonne volonté et un désir réel de retourner ver sa cause, vers sa demeure. Comme tout bon théologien et dans son souci d’aider les âmes à retrouver rapidement le vrai sentier de la divinité, Denys souligne que c’est à travers une « extase » hors de toute fonction proprement humaine (corps, intellect, divin) que l’homme réalise de très près le mystère de sa rencontre personnelle avec Dieu. L’invitation adressée à Timothée exprime déjà la volonté de Denys de voir les âmes retourner à Dieu et elle porte aussi les conditions d’applicabilité et de réalisation d’un tel projet.
Abandonne, écrit-il à Timothée, les sensations, renonce aux opérations intellectuelles, rejette tout se qui appartient au sensible et à l’intelligence, dépouille-toi totalement du non-être et de l’être, et élève-toi ainsi, autant que tu le peux, jusqu’à t’unir dans l’ignorance avec Celui qui est au-delà de toute essence et de tout savoir. Car c’est en sortant de tout et de toi-même, de façon irrésistible et parfaite que tu t’élèveras dans une pure extase jusqu’au rayon ténébreux de la divine Suressence, ayant tout abandonné et t’étant dépouillé de tout. [74]

Nous savons généralement que passer d’un milieu de vie à un autre exige qu’on connaisse les conditions et les moyens favorable qui permettent son adaptation dans ce nouveau milieu de vie. Cela suppose également un abandon de ses habitudes, de sa tradition. Bref, de se libérer des vêtements anciens pour vêtir ceux qui sont nouveaux. C’est au pris des efforts colossaux et un courage gigantesque que les seigneurs de la guerre obtiennent la couronne sacrée.
Le dépouillement total qui conduit à la purification véritable et authentique est la condition nécessaire selon Denys pour tout âme qui veut s’élever vers Dieu. C’est elle qui met l’âme sur les traces de la divinité et la fidélité à dépouillement la permet non pas de voir ou de contempler Dieu dans son essence, car Dieu n’est pas visible, mais seulement le lieu où Dieu réside. C’est-à-dire que le dépouillement et la purification qui s’ensuit permettent d’entrer dans l’ordre visible et dans l’ordre intelligible des objets les plus divins et les plus sublimes qui ne sont que les raisons hypothétiques des attributs qui conviennent véritablement è celui qui est totalement transcendant.[75] C’est d’ailleurs à ce niveau d’ascension que Moise dépouillé de tout pour la rencontre de Dieu, avait pénétré la Ténèbre mystique de l’inconnaissance. Dans la tradition platonicienne, l’esprit pour connaître Dieu, doit se débarrasser de son état déchu et des êtres qui sont autour de lui, c’est-à-dire redevenir proprement lui-même. Meyendorff montre que pour Denys, ce « dépouillement » reste insuffisant. L’esprit doit sortir également de lui-même, car la connaissance de Dieu dépasse l’intelligence. Mais la rencontre de l’âme avec Dieu suppose prioritairement un mouvement descendant de Dieu, hors de lui-même, pour se rendre accessible et cognoscible, comme nous le montrions plus haut, et un mouvement ascendant des êtres qui d’abords récupèrent leur « analogie » avec Dieu, c’est-à-dire leur capacité de participer aux vertus de Dieu, et ensuite, sortant d’eux-mêmes, participent à l’être même de Dieu, mais non à son essence.[76]
Par ailleurs, Denys sait que cet exercice nécessaire n’est pas évident pour tout le monde. En tant que pasteur, il sait qu’il faut aller jusqu’aux extrémités de soi-même, accepter les plus dure éprouves de la vie, pour sortir, comme Job, victorieux devant le Dieu. Malheureusement, il y a les âmes qui traînent le pas, qui sont tombées dans la pénombre de la sensibilité. Il recommande à son ami Timothée de faire attention d’être dupé part les hommes de raison qui ont de la peine a accepter l’aboutissement salvifique de ce mouvement de retour qu’ils jugent prématurément par leur connaissance. Et si la révélation du mystère divin dépasse la portée de ces hommes de raison, que dire alors des vrais profanes, de ceux là qui, pour définir la cause transcendante de toute choses, s’appuient sur les réalités les plus bases et ne la croient nullement supérieure aux idoles impies dont ils façonnent les formes multiples.[77]

Il en résulte ici la prudence comme une nouvelle mesure qui concourt à la faisabilité de ce retour vers Dieu. Il faut s’éloigner des âmes qui maintiennent la fibre de corruption avec elles et penser à leur apporter la lumière plus que jamais illuminante. Réussir ce mouvement ascendant est notre point d’achèvement. C’est-à-dire la fin de notre parcours, de notre dynamisme pour vivre désormais dans la contemplation éternelle. C’est là qu’on célèbre le suressentiel selon un mode suressentiel, dans un rythme des ordres divins et dans une tenue exigée par la sainteté des lieux.
V. Intérêt philosophique

Après un exposé bref, sur le retour en Dieu. L’intérêt que nous portons sur notre travail est de savoir que la préoccupation majeur du néoplatonisme a été la recherche de l’absolue considéré comme principe suprême qui gouverne le monde et qui attire tous les êtres vers lui. Il est simple et ineffable.
Le deuxième intérêt qui découle de cet exposé, c’est l’influence de la philosophie platonicienne et néoplatonicienne sur l’époque médiévale chrétienne. Les néoplatoniciens à l’instar de Plotin et Proclus se sont atterrés de montrer ce que devient l’âme après s’être éloignée de son origine. Pour ces philosophes, l’âme effectue une quête continuelle vers son principe premier. Ils mentent l’accent sur des explications philosophiques que théologiques. Pour les théologiens médiévaux à l’instar de Grégoire de Nysse et de Pseudo Denys qui défendent la foi chrétienne à partir des explications du néoplatonisme, l’âme comble son désir lorsqu’elle est en perpétuelle communion avec son créateur.

Les deux tendances, néoplatonicienne et théologienne médiévales nous permettent de constater que la philosophie et la théologie ne sont pas des disciplines antagonistes, mais complémentaires. Les philosophes et les théologiens sont autour d’une même préoccupation, mais les méthodes et les moyens d’accéder à la réalité escomptée sont différents. Le retour en Dieu exige une certaine méthode à suivre qui serait de repasser par les canaux par lesquels la procession divine a été transmise, dans la mesure où chacun de ces auteurs accorde une place importante aux médiations c'est-à-dire à un ordre hiérarchique des êtres.

Si faire la philosophie c’est être en route, il est encore vrai que l’esprit humain, comme le soutient ces différents auteurs, soit aussi en route. L’activité philosophique au quotidien n’ a pas de repos. Même le temps de sommeil est un moment favorable pour philosopher .

Conclusion

Au terme de notre travail, ils nous revient de rappeler que notre exposé porté sur le retour en Dieu. C’est un mouvement essentiel et condition sine qua none de toute existence. A travers les texte de Plotin, Proclus, Grégoire de Nysse et Pseudo Denys, nous avons vu comment, l’âme humaine peut opérer cet ascension. Chez l’un et chez l’autre auteur, ce retour est possible à partir d’un dépassement du sensible, d’un dépouillement total de la matière, et d’une purification de tout ce qui n’entre pas dans les intervalles divins. Les êtres qui reçoivent la vie par la procession divine ce sont éloignés considérablement de leur nature première laquelle ils ressentent le désir de reconquérir pour atteindre la plénitude de leur existence. La quête de l’absolue exige de l’homme un comportement particulier qui favorise ses rapports non seulement avec l’absolu mais aussi avec son prochain.
BIBLIOGRAPHIE

ANNA KELESSIDOU G., Le voyage érotique de l’âme dans la mystique plotinienne, Sherbrooke, Québec, 1946.
BOUSQUET F., Esprit de Plotin. L’Itinéraire de l’âme vers Dieu, Québec, Naaman, 1976.
MEYENDORFF J., Le christ dans la théologie bysantine, Paris, les éditions du Cerf, 1969.
GREGOIRE de NYSSE, Contemplation sur la vie de Moïse, Paris, Cerf, 1941.
Idem. Sur l’âme et la résurrection, Paris, Cerf, 1995.
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PLOTIN, Ennéades de I-VI, Traduction de Émile Bréhier, Paris,
PLATON, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1948.
PSEUDO-DENYS, Les noms Divin, trad. M.de Gandillas Paris, 1943.
THONNARD F.J., Précis d’histoire de la philosophie, Tournai, Descellée, 1963.

DICTIONNAIRES

C.S. MONIQUE Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Paris, P.U.F., 1996
HUISMAN D., Dictionnaire des philosophes K-Z, Paris, PUF, 1993.


[1] Cf. Exposé n°1.
[2] Cf. Enn. VI, 1,1., trad. E. BREHIER, Paris, Belles lettres, 1936. (Nous utiliserons toujours cette traduction d’E. Bréhier dans notre travail)
[3] Cf. Enn. IV, 6,31
[4] Cf. Enn. IV, 7,15
[5] Cf. Enn. V, 9,3-4
[6] Cf. Enn. V, 1,1.
[7] E. BREHIER, La philosophie de Plotin, Paris, Boivin, 1928, p. 141.
[8] Enn. VI, 9, 2., trad. E. BREHIER, Paris, Belles lettres, 1936. (Nous utiliserons toujours cette traduction d’E. Bréhier dans notre travail)
[9] E. BREHIER, Op. cit.
[10] Enn. V, 3,13.
[11] Enn. V, 2, 1, 7-9.
[12] PLATON, La République, V, 478a, (trad. G. Leroux, Paris, GF-Flammarion, 2002, p. 308).
[13] PLATON, Lettres, VII, 343a. (trad. Luc Brisson, Paris, GF Flammarion, 1987).
[14] Enn. V, 4,2.
[15] Enn. VI, 9,2.
[16] Le Larousse de poche, Paris, Vuef, 2003.
[17] PLATON, La République, 533a-533b.
[18] Enn., V, 3,17.
[19]Enn.VI, 9,9.
[20]Enn. V, 3,17.
[21] Enn., V, 3,14.
[22] Idem
[23] PLATON, La République, VII, 531e-532b
[24] G Gusdorf, La parole, Paris, P.U.F., 1998, p. 58.
[25] Enn. IV, 3, 18.
[26] J. TROUILLARD, La mystagogie de Proclos, Paris, les Belles lettres, 1982, p. 102.
[27] Enn. VI, 9, 9, 2 ; VI, 9, 8,10.
[28] Enn. VI, 9, 9, 22.
[29] Enn. VI, 9, 9, 18-21.
[30] A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, pp.662-663.
[31] PLOTIN, Ennéades. V, 4, 1.
[32] Ibid, V, 4, 2.
[33] Ibid.
[34] Ibid., V, 1, 2.
[35] Ibid.
[36] Ibid., V, I, 1.
[37] Ibid., V, I, 3.
[38] Ibid., V, I, 1.
[39] Ibid., V, I, 12.
[40] Ibid.
[41] Ibid., I, 2, 9.
[42] Ibid., I, 2, 7.
[43] C.S. MONIQUE Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Paris, P.U.F., 1996, p. 1223.
[44] Plotin, Ennéades (Op.cit). V, I, 3.
[45] Ibid., III, 8, 9.
[46] Ibid.
[47] Encyclopedia universalis, Dictionnaires de philosophie, Albin Michel, Paris, 2000, p.285.
[48] Idem, p.288.
[49] Proclus : Eléments de Théologie, 35.
[50] Idem, (El. Th.45), p.90.
[51] Ibid, (El. Th.43), p.83.
[52] IbId, (Intro., p.49.)
[53] Ibid, p.51.
[54] Ibid, p.40.
[55] GREGOIRE de NYSSE, Sur l’âme et la résurrection, Paris, Cerf, 1995, p. 78.
[56], Ibid. p. 76.
[57] Ibid.
[58] Ibid. p. 78.
[59] Idem, p. 79.
[60] GREGOIRE de NYSSE, Contemplation sur la vie de Moïse, Paris, Cerf, 1941, p. 38.
[61] GREGOIRE de NYSSE, Vie de Moïse, 376D
[62] Ibid. I, 18.
[63] Ibid., II, 22.
[64] Ibid., II, 260.
[65] Ibid.
[66] Ibid, II, 92
[67]GREGOIRE de NYSSE, Sur l’âme et la résurrection, op. cit., p. 21.
[68] Ibidem, p. 40.
[69] Idem.
[70] Ibid, p. 41.
[71] Ibid, p. 44.
[72] Cf. J. MEYENDORFF, Le christ dans la théologie bysantine, Paris, les éditions du Cerf, 1969, p. 135.
[73] PSEUDO-DENYS, La Théologie mystique, I, 1000 C, 3.
[74] Ibid, I, 1000 A, 1.
[75] Ibid, I, 1000 D.
[76] J. MEYENDORFF, op.cit, p. 126.
[77] Cf. DENYS, op. cit., I, 2, 1000 A.

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