dimanche 23 mai 2010

PHILOSOPHIE AFRIACAINE

EXPOSE 1 : LES NOTION D’ESPACE ET DE TEMPS
INTRODUCTION

Les notions d’espace et de temps sont deux réalités intimement liées à l’homme mais qui lui ont toujours posé des problèmes de compréhension. L’être humain, s’interrogeant sur ces réalités dans lesquelles il baigne, a déployé un éventail d’arguments aboutissant à plusieurs réponses. En effet, la question se posait de savoir, non seulement qu’est-ce que l’espace et le temps, mais également existent-ils en dehors de l’homme ou alors sont-ils une création de ce dernier.
Notre travail se propose de ressortir la réponse africaine relative aux notions d’espace et de temps. Pour ce faire, nous allons solliciter l’éclairage des grecs Platon et Aristote à laquelle nous ajouterons la compréhension égyptienne. Ceci nous permettra de justifier la pensée africaine qui a toujours été qualifiée de mythologique. Avant d’argumenter sur la conception africaine de l’espace et du temps, avec une illustration chez les bassas du Cameroun, nous verrons l’apport de la relativité dans l’enrichissement de la compréhension de ces deux réalités.
I. L’ESPACE ET LE TEMPS SELON PLATON ET ARISTOTE

Avant Platon, les notions d’espace, de temps et de mouvement ne sont pas dégagées de façon abstraite.
Dans la Grèce pré-platonicienne, l’espace et le temps sont représentés par deux dieux de l’Olympe à savoir : Hestia et Hermès. Ils siègent sur la grande statue de Zeus à l’Olympe. Hestia et Hermès sont liés par un rapport d’amitié et se présentent toujours ensemble.
Hestia représente le féminin et le dedans. Elle est vouée au-dedans, comme détentrice des trésors et des secrets ; elle emmagasine, elle thésaurise, elle est gardienne de l’argent ; elle imite la terre en recueillant la semence et délimite les patrimoines familiaux. Elle est également le symbole du foyer et de l’unité des citoyens. Hestia est la déesse qui immobilise l’étendue autour d’un centre fixe ; elle correspond au principe de permanence[1] .
Quant à Hermès, il habite aux portes des maisons et des villes, on le trouve aux carrefours des routes. Pour lui, il n’y a ni enclos ni frontières. Il conduit les âmes à l’Hadès (le royaume des morts). Il est le médiateur entre les hommes et les dieux[2].
L’espace exige donc un point fixe dans le centre de la cité, l’Agora. Dans l’Agora, il y a douze portions qui correspondent aux douze dieux et aux douze mois de l’année, chaque mois correspondant à un dieu. Les dieux restent donc possesseurs de l’espace et du temps mais l’organisation de l’espace appartient à l’homme. Ainsi, le temps est mesuré de deux manières :
- Le calendrier civil est établi sur une durée de 360 jours (soit 10 fois 36 jours), c’est un temps homogène
- Le calendrier religieux se construit selon les fêtes, c’est un temps hétérogène.
Pour Platon, « le temps est la mesure de l’éternité, l’image mobile de l’éternité »[3]. C’est l’âme qui vit le temporel. L’éternité est caractérisée par la substance indivisible et la permanence incorporelle. La temporalité cyclique est définit par la substance divisible, changeante et matérielle. Le temps est ce par quoi l’éternité se manifeste. Ainsi le temps est irréversible. On ne peut pas revenir en arrière contrairement à l’espace où on peut aller et venir[4].
Platon ne se réfère pas seulement aux révolutions sidérales planétaires mais aussi aux cycles planétaires relationnels et notamment au cycle soli-lunaire. A partir de ce cycle, d’une durée de vingt neuf jours et demi et non de vingt sept jours, a été élaborée la notion de « mois ». La lune, après avoir parcouru son circuit, rattrape le soleil. Cette diversité de périodes et de rapports ponctue le temps.
Pour Aristote « le temps n’est pas l’image mobile de l’éternité, le temps n’est pas le mouvement mais, il se situe par rapport au mouvement »[5]. Pour démontrer que le temps n’est pas le mouvement mais qu’il ne peut exister sans lui, Aristote donne un exemple demeuré célèbre, celui des dormeurs de Sardaigne : « deux guerriers fatigués, au terme d’une bataille, s’endorment d’un sommeil profond sur une plage en Sardaigne. A leur réveil, ils n’ont pas conscience du temps qui s’est écoulé pendant leur sommeil. De leur point de vue, il ne s’est écoulé aucun temps entre le moment de leur endormissement et celui de leur réveil »[6]. Le problème que soulève Aristote est la différence entre le temps physique et le temps psychologique.
Le temps psychologique n’existe que par la conscience que l’on en a, il n’est pas mesurable. Le temps physique est continu et visible : ce sont les attributs du temps. La longueur du temps est faite de succession d’instants, il est donc mesurable. C’est l’instant qui permet d’envisager un temps passé et un temps futur et c’est à cause de l’instant que le mouvement peut se définir, mais il reste insaisissable. Par conséquent, l’instant est toujours identique et toujours autre. Dans ces conditions comment l’homme perçoit-il le temps ? Par la succession, la durée, la simultanéité. Par la mémoire, par le projet du futur. D’autre part, si le temps est perçu comme objet en mouvement, il reçoit une orientation : le passé, le présent et le futur, c’est la flèche du temps.
Ces conceptions du temps et de l’espace restent inchangées jusqu’au IVe siècle où saint Augustin dans « Les Confessions » montre que le passé et le futur sont pensés par nous en même temps que le présent. Il existe donc un temps du passé, un temps du présent et un temps de l’avenir co-présents dans notre conscience. Cette notion est liée à l’expérience psychologique du temps.
II. ESPACE-TEMPS DANS LA PENSEE EGYPTIENNE

Avec l’antiquité égyptienne, le temps était déjà conçu comme une donnée objectivable et saisissable par l’homme, sectionné en ses parties que sont : l’éternité, la pérennité, l’année, le mois, la quinzaine, le jour, l’heure et la minute. Le temps conçu comme éternité renvoie à un cycle d’années et consistait, selon eux, à un cheminement vers HORUS. L’année, constituée de douze mois de trente jours, plus cinq jours épagomène, rythmait l’évolution de ce temps conçu comme éternité, si bien que comme le dit OBENGA : « le temps, c’est essentiellement le retour de l’an ; le nouvel an »[7]. L’on peut bien remarquer à ce niveau que la conception du temps définissait une trajectoire circulaire, puisque HORUS se constitue comme le début d’une éternité qui doit s’achever en lui ; et l’année elle aussi, est éternellement retour sur elle-même ; ce qui ne doit pas être entendu comme répétition éternelle des mêmes évènements.
L’espace-temps entre en ligne de compte avec la compréhension de la notion de saison. En effet, « trois saisons de quatre mois chacune rythmait les travaux et les jours des habitants de l’Egypte ancienne »[8]. Les interactions espace-temps vont donc régir l’organisation du pays des pharaons surtout en ce qui concerne l’activité agricole. Il n’est pas possible à l’homme de programmer son activité sans tenir compte de ce facteur sans lequel l’activité économique bat de l’aile. L’on peut donc se rendre compte de ce que l’objectivation du temps est l’œuvre des égyptiens bien des siècles avant notre ère.
Nul doute que la civilisation égyptienne dans l’antiquité ne s’est livrée à la quête de la maitrise du temps qui s’est manifesté dans la cité dans divers domaines. La connaissance du ciel ou astronomie affirme le temps dans sa dimension cosmologique. En effet, l’origine du temps correspond à l’origine du monde, d’où le fait que comme le dit OBENGA « tout les rythmes vitaux (années, saisons, mois, calendriers rituels, travaux journaliers) sont autant d’affirmation de la destinée humaine dans la temporalité »[9]. Dans la dynamique de vas-et-viens périodique, l’on peut percevoir cette mise en commun de l’homme et du cosmos. L’homme à l’étude du ciel peut donc se demander avec raison si le temps n’est donc pas rien d’autre que ce mouvement des corps célestes puisqu’en faisant l’expérience du temps, il fait aussi celle des différents changements des états de du cosmos.
Les pratiques comme la momification des morts, le renouvellement périodique de la force du pharaon, ne constituent-ils pas autant de manifestations de la volonté des égyptiens de maitriser le temps et l’influence réciproque qu’il entretient avec l’espace. La pensée égyptienne a donc pu cerner en profondeur la nature antagoniste et problématique de l’espace-temps ; le temps comme éternité et comme portion d’instant vécu par l’homme dans un espace défini, et OBENGA déclare à cet effet que : « l’unification de l’espace et du temps devient l’unité du moi et du monde, solidairement, consubstantielle »[10]. Ceci dit, il est donc possible de comprendre que l’expérience de la présence de l’homme au monde est celle de l’expérience simultanée du temps et de l’espace à travers lesquelles, l’harmonie et la symbiose sont maintenues entre le microcosme et le macrocosme. A travers cette symbiose et cette harmonie, l’on peut voir en l’homme cette force cosmique, par sa capacité à surpasser les limites que lui conférait le dualisme anthropologique de la tradition grecque, le limitant au simple statut d’élément passif d’un tout.
III. ESPACE-TEMPS ET GENERATION DU MONDE

Jeter un regard critique sur les mythes égyptiens, c’est ça la fonction de la philosophie qui se veut être un exercice discursif basé sur l’argumentation rationnelle. Toutefois, il faut reconnaitre au mythe, sa valeur explicative de la vérité, bien qu’il fasse appel à l’imagination. « C’est la préhistoire de la philosophie »[11] dit OBENGA et d’un point de vue historique, il convient de s’y fier. Cela nous permettra d’avoir les premières impressions de l’espèce humaine sur ce cosmos dont les mystères lui sont encore cachés. Le mythe est la première manifestation de l’émerveillement de l’homme à l’expérience de l’être. Il n’est donc pas insensé d’espérer apercevoir les dernières lumières des origines en se fiant aux premières intuitions des premiers hommes à avoir laissé à la postérité, leurs impressions sur le cosmos et ses débuts.
Avant la création, il y avait le NOUN. Elle ne se fait donc pas ex-nihilo mais avec ce principe qui contient déjà en son sein, la totalité de la matière à mettre en œuvre. Le démiurge est « une sorte de conscience latente au sein de cette même eau primordiale »[12]. Il faudra attendre donc que cette eau, prenant conscience d’elle-même par l’entremise du démiurge, se manifeste en tant que création. « Au commencement, il y a la matière, obscure, abyssale, mais puissante, créatrice, novatrice et génératrice des dieux eux-mêmes et du reste de la création. »[13]Du fait que l’explication cosmogonique des égyptiens ne mette pas en exergue un démiurge ou un dieu créateur au dessus de la matière, rapproche d’une théorie fondamentalement d’actualité : « un fond électromagnétique diffus, vestige du commencement de l’univers, indique que l’univers a commencé par un état de densité infinie constitué par des particules élémentaires libres »[14]. S’il est vrai que le temps des origines était caractérisé par une immobilité, cela veut dire que l’espace et le temps ne font pas ménage de tout temps. En effet, la cosmologie égyptienne parle beaucoup d’espace durant la période des origines mais ne fait aucunement mention du temps, jusqu’à ce que la fonction organisatrice et réglementatrice du démiurge entre en jeu. C’est lui qui fait passer la matière de l’éternité pour le devenir où elle subira des mutations. C’est « une espèce de milieu spatial, avant le temps et l’espace, au-delà du temps et de l’espace, et tout le sensible s’exprimera à partir de ce milieu et dans lui »[15]. Le lien entre espace et temps commence à apparaitre dans l’œuf originel, œuf mère considéré comme aurore du monde en train de naitre. C’est lui qui contient le souffle de la vie.
Le NOUN ou Existant est amour, c’est la raison pour laquelle il amène les autres êtres à l’existence ; il est volonté car c’est son initiative qui amène la multitude à l’existence, et ce par la puissance. Il est aussi création, vu que la totalité existe préalablement par son projet. La création plonge l’existence tout entière dans la dialectique de l’un et du multiple. La génération est une forme de manifestation de l’être. Il est donc génération, car « se manifester à l’existence pour l’Existant, c’est faire être d’autres modes d’existence, c’est créer, produire »[16]. Ce n’est qu’avec la création que l’on peut commencer à saisir la double articulation espace-temps comme cadre de la manifestation du devenir. L’univers venu de la création du démiurge (Râ) conscience devenue conscient d’elle-même, est un univers actif, qui perpétue à travers le temps et l’espace, l’œuvre de la création initiée par le démiurge.
L’on ne saurait faire mention des origines sans faire référence à la parole, qui fut l’instrument du démiurge et qui fait entrer toute chose dans le temps et dans l’espace. En effet, « dans l’ancienne Egypte, le démiurge a créé le monde en prononçant les noms des choses et des êtres. La parole souveraine suffit à constituer toute la réalité par le seul énoncé du nom »[17]. L’on voit bien que, des siècles avant la tradition judéo-chrétienne, la parole avait déjà pris une place importante dans le processus de génération des êtres. Le rapprochement qu’effectue OBENGA avec les cultures africaines nous permet de mieux comprendre la place de la parole dans le processus de génération. « Appeler quelqu’un en citant son nom, c’est, en Afrique noir profonde, le faire apparaitre comme homme, c'est-à-dire, un homme de tel village, de telle ethnie, de tel lignage, de telle famille, ayant eu de telles ancêtres : il s’agit de le situer dans le temps et dans l’espace, au même moment, pour le faire être vraiment, en son entier »[18]. Ceci nous permet de dire que c’est la parole qui crée le temps et l’espace, non pas l’espace originelle, mais l’espace tel que nous le connaissons. Exister pour un être, c’est donc entrer dans la dimension e l’expérience simultanée de l’espace-temps.
I. L’ESPACE-TEMPS ET LA RELATIVITE ; vision macrocosmique

Au 16e siècle, une nouvelle compréhension de l’univers est proposée par Nicolas Copernic qui affirme que le soleil était immobile au centre de l’univers et les autres planètes décrivaient des orbites circulaires dont il était le foyer. Un siècle plus tard Johannes Kepler et Galileo Galilée vont défendre la même thèse en la modifiant grâce aux nouveaux télescopes de l’époque. Cette révolution copernicienne va contrecarrer l’ancienne compréhension qui soutenait que la terre était plate et d’autres planètes tournaient autour d’elle.
L’explication fut fournie seulement en 1687 lorsque Isaac Newton expliqua comment les corps se mouvaient dans l’espace et dans le temps. Il propose également la loi de la gravitation universelle selon laquelle tout corps dans l’univers est attiré par tout autre corps selon une force d’autant plus grande que les corps sont plus massifs et plus proches ; ce qui fait que les objets tombent sur sol. Cette découverte le conduit à maintes questions parmi lesquelles la finité ou l’infinité de l’univers. D’autres penseurs après lui, comme avant, vont également s’interroger la cosmogénèse de cet univers : A-t-il eu un commencement et aura-t-il une fin ? S’ils n’arrivent pas à s’accorder à une seule théorie, au moins ils s’entendent sur le fait que l’univers est en évolution et qu’il évolue avec le temps. Aussi comme Aristote, Newton croyait en un temps absolu, complètement séparé et indépendant de l’espace. (…qu’on pouvait mesurer l’intervalle de temps séparant deux événements et que cet intervalle serait le même quelle que soit la personne qui le mesure. C’est pourquoi si une particule lumineuse X se déplace d’un point A à B, tous les observateurs seront d’accord sur la distance que la particule aura parcourue.
Cette découverte va marquer Emmanuel Kant qui atteste que la physique newtonienne est la vraie physique. Pour lui (Kant), l’espace et le temps sont des formes aprioris de la sensibilité. Aucune expérience ne peut se faire en dehors de l’espace et du temps. C’est pourquoi, il va affirmer que la métaphysique est impossible comme science expérimentale puisqu’elle traite des questions abstraites comme Dieu, l’homme et le monde. En plus, dans sa monumentale Critique de la Raison Pure, Kant va appeler « antinomies » ou « contradictions » de la raison pure toutes ces questions relatives à la naissance de l’univers dans le temps. D’après lui, il existe autant d’arguments irréfutables en faveur de la thèse d’un univers ayant commencé un jour que de son antithèse, un univers ayant existé depuis toujours.
C’est pendant le 20e siècle qu’un autre scientifique Albert Einstein va dépasser Newton avec sa nouvelle théorie de la relativité, où l’espace et le temps ne sont plus déterminants mais plutôt, relation. Ceci pour dire qu’un corps peut se mouvoir indépendamment de l’espace et du temps. En relativité, tous les observateurs sont d’accord sur la vitesse de la particule lumineuse en mouvement, mais pas sur la distance parcourue et non plus sur la durée du trajet, étant donné que le temps n’est plus absolu ! « Nous devons accepter que le temps ne soit pas complètement séparé de l’espace de ni indépendamment de lui, mais qu’il se combine à lui pour former un objet appelé ‘espace-temps’»[1]. En relativité, il n’y a pas de temps absolu unique, parce que chaque individu a sa propre mesure personnelle du temps qui dépend du lieu où il est et de la manière dont il se déplace. L’espace et le temps sont maintenant des quantités dynamiques.
« L’ancienne notion d’un univers fondamentalement sans changement, qui aurait existé et qui continuerait à exister, a été remplacé pour toujours par la notion d’un univers dynamique, en expansion, qui semble avoir commencé il y a un temps fini, et qui pourrait se terminer à un instant donné dans le futur »[2].
II. L’ESPACE-TEMPS EN AFRIQUE
V.1. La conception africaine de l’espace
L’ontologie africaine nous révèle les caractéristiques spatio-temporelles qui traduisent toutes le lien étroit entre l’espace et le temps dans la conception Négro-africaine traditionnelle. Ces caractéristiques vont de l’origine du monde à sa forme en passant par ses dimensions. Ainsi on parlera de la monogenèse du monde, d’un principe gémellaire et la forme de l’espace.
V.1.1. La monogenèse du monde
La monogenèse désigne la naissance à partir d’une entité unique. Ainsi, les mythes et les traditions africaines nous apprennent que le monde est né soit de l’éclatement soit de l’éclosion d’une entité unique qui est une graine, pour les uns, et un œuf pour d’autres. C’est ce que soutient le professeur Robert Nbebi Biya lorsqu’il affirme : « Nous nous représentons le monde au départ comme un infiniment petit extrêmement concentré et tendu, la première graine ou l’œuf initial dont l’éclosion a libéré un géant : notre monde en perpétuel surgissement »[3]. Il en ressort que la graine ou l’œuf primordial contenait, en germe et en puissance, toutes les réalités. Et puisqu’il est en perpétuel surgissement, nous pouvons dire qu’il n’est pas né, mais qu’il naît depuis les origines.
Il s’agit d’un dynamisme que l’espace épouse. L’espace a dû se dilater et semble continuer à se déployer en même temps que le monde. D’ailleurs les deux réalités tendent à se confondre. Mais, « en ce qui concerne l’espace, c’est le contenu qui le définit »[4], nous disent Soter Azombo et Pierre Meyongo. Au regard des naissances, des morts et des renaissances des êtres, on serait tenté de postuler la saturation ultérieure de l’espace. Mais nous constatons que non seulement l’espace de se remplit pas, il ne diminue pas non plus. En effet, nous dit le professeur Ndebi, cela est dû au fait que l’alternance de vie et de mort des êtres du monde détermine le balancement de l’espace qui se dilate ou se contracte selon le cas[5].
Si nous admettons que le monde est issu d’un principe unique, comment l’africain explique-t-il l’émergence des contraires à partir d’une entité primordiale homogène ?
V.1.2. Le principe gémellaire
Pour l’africain, la graine ou l’œuf primordial était constitué par l’union de la voûte céleste et de la calotte terrestre. Ces deux réalités représentaient respectivement « les principes mâle et femelle en état de copulation dont le fruit est notre monde gigantesque actuel »[6]. L’admission de la gémellarité de l’entité primordiale a comme conséquence, l’orientation de l’espace. Celui-ci aura désormais un haut et un bas, une droite et une gauche représentant les principes mâle et femelle.
V.1.3. La forme de l’espace
Le monde provient d’une graine ou d’un œuf sphérique. C’est pourquoi il sera sensiblement arrondi (cercle, ovale, ellipse, spirale). Toutefois, il arrive aussi que l’africain reconnaissent une forme quadrilatérale au monde. Loin d’être une contradiction, le professeur Ndébi estime qu’il s’agit plutôt d’un « autre profil de la réalité, une autre manière d’appréhender ce même monde, commandée par d’autres préoccupations qui sont en fait le besoin de traduire la vie que manifeste le monde »[7].
L’africain décrit le monde comme étant un vivant. Bien qu’il en parle en pensant à l’homme, il est important de noter que, malgré tout, l’africain saisit l’espace en trois dimensions, auxquelles il en ajoute une quatrième constituée par l’espace sacré. Ce dernier est très important en ce sens qu’il contrôle tout le cosmos. C’est la dimension des initiés.
V.2. La conception africaine du temps
Pour les africains, le temps est une réalité issue du principe primordial et, qui d’ailleurs, y existait depuis les origines. Il est le fils ainé de Dieu qui, affichant ses prétentions à la solitude et à l’autosuffisance, abusa de son droit d’ainesse. La descendance de la réalité primordiale se révolta contre les règles édictées par cet ainé orgueilleux au profit de la totalité. La répression qui s’ensuivit s’accompagna d’une réorganisation de la totalité. Ceci aura pour conséquence de donner deux visages au temps. Le temps primordial et le temps après la faute.
Le temps après la faute est le nôtre. C’est le temps historique dans lequel tout devient événement. C’est, comme le note le Professeur Ndébi, « le schéma commun de tous les récits évoquant le paradis perdu de l’âge préhistorique, destin heureux aboli par une faute originelle inaugurant l’ère événementielle »[8].
En réalité, puisque l’univers et tout ce qu’il contient sont issus de l’éclatement du premier principe, nous pouvons dire que ce dernier contenait le mouvement ou la vibration. Or cette substance primordiale éclatée (l’univers ou l’espace) est toujours en mouvement. Et ce sont ces mouvements du monde qui déterminent la conception africaine du temps.
Le temps en sa totalité est constitué par le jour, la nuit, le mois, les saisons et l’année qui reviennent périodiquement. Ils relèvent respectivement des cycles du soleil, pour le jour et la nuit, du cycle de la lune pour les mois, et des constellations pour les saisons et l’année[9].
Ainsi, nous constatons que l’espace et le temps relèvent de l’unique réalité primordiale considérée sous son aspect statique ou dynamique.
III. ILLUSTRATION : L’espace-temps chez les Bassas du Cameroun

Pour les Basa, l’espace-temps n’est qu’un contenant mais un contenant étant nécessairement contenu. Le contenu dont il est question ici c’est la culture. Cette dernière ne comprend pas seulement l’action humaine ; il y a également le rapport de l’homme avec son milieu ambiant qui s’y contient. Pour les Basa, l’espace-temps est le « mbok ».
VI.1. Le « mbok » comme espace :
Au dire des peuples Basa, l’espace est un lieu par excellence. C’est la « grotte »[10], un lieu qui existe, lieu des ancêtres et des héros d’antan. C’est un contenant mais « contenant contenu »[11] c’est un lieu déjà réalisé, lieu qui contenait un objet supprimable et déjà supprimé. L’objet ici ce sont les ancêtres et les héros d’antan, et la culture. C’est le lieu modèle pour nous les hommes actuel et par rapport à notre milieu actuel (topos). Pour les Basa, les autres lieux comme la famille, le village, le pays,f le sol qui contient le vin ne sont pas l’espace quand c’est pris indépendamment de espace « mbok » : ils n’existent pas puisqu’ils sont actuels. Cependant, lorsque ces derniers sont subsumes dans l’espace « mbok », ils sont automatiquement considérés comme l’espace « mbok ». Pour les Basa la situation géographique de « mbok », espace c’est le bas, l’ouest. Bien a noter que ce qui est au centre de « mbok » espace c’est l’homme ; mais l’homme ancien Basa.
VI.2. Le « Mbok » comme temps :
Le temps c’est avant tout une durée. Pourtant il existe trois types de temps à savoir le temps des nos ancêtres, le temps actuel(notre temps) et celui de notre progéniture. Or pour les Basa le vrai temps et le temps existant c’est le temps de nos ancêtres. C’est le temps par excellence. C’est le temps de la vie dans la « grotte ». c’est un temps modèle sur lequel repose notre temps. Il est également comme espace « mbok » contenant et nécessairement contenu. Et le contenu comme nous l’avons mentionne est la culture. Le temps « mbok » est une durée parfaite puisqu’il a été déjà résolu. Notre temps peut rencontrer les bouleversements ou les changements a n’importe quel moment. Soit notre temps ou celui de notre progéniture n’existent pas selon la conception du peuple Basa. En fait, ces deux derniers ne sont considérés comme le temps « mbok » qu’à la condition d’être subsumés au temps parfait , celui des ancêtres.
VI.3. Le « mbok » comme espace-temps :
Selon les Basa l’espace temps « est un »[12] et « unitaire ». Pour eux l’espace et le temps ne sont pas de contresens, c’est-à-dire ils sont de natures différentes par le fait que l’espace explique lieu et temps, la durée. Cependant, ils sont unitaire et un par le fait qu’ils ne sont que du contenant mais un contenant nécessairement contenu. C’est-à-dire espace et temps par excellence ne peuvent être perçus sans la culture. D’ailleurs, entre l’espace-temps et la culture, il faut que l’un détermine l’autre même si les deux sont nécessairement et simultanément perçus. En réalité, c’est l’espace-temps qui commande et détermine la culture.
VI.4. L’espace-temps comme génération culturelle
Comme nous l’avons dit plus haut, c’est l’espace-temps par excellence qui détermine la culture, même si les deux se perçoivent nécessairement et simultanément. Cependant, notons qu’a la naissance, l’homme (enfant) entre en contact avec son milieu ambiant caractérisé par des aléas. Une fois dans cette situation, il doit chercher à adopter certains comportements pour survivre. Cela effectivement nous fait comprendre que la culture ne comporte pas seulement les actions des hommes. Elle implique aussi le milieu ambiant dans lequel il s’intègre et qui ne dépend pas de lui. Ses actions et son rapport au milieu ambiant ne s’accomplissent que dans une durée parfaite. Or c’est à l’intérieur de l’espace-temps que naît la culture. La culture dont il est question ici est celle des ancêtres, un modèle pour l’homme actuel. Elle est un savoir que l’on acquiert à partir d’une expérience de survivre. Ce savoir va donc perdurer dans l’espace-temps, « mbok ». Puisque l’espace-temps s’insère dans la culture et que celui-ci la détermine, il s’avère clair que c’est l’espace-temps qui génère la culture. Voila pourquoi nous pouvons poser le « mbok » espace-temps comme génération culturelle.
CONCLUSION

Au terme de notre travail, il ressort que les notions d’espace et de temps sont saisies par tous les peuples qui essaient chacun d’y apporter une explication.
Dans la Grèce antique, l’espace et le temps étaient considérés comme des dieux amis se présentant toujours ensemble. Il s’agit du principe de permanence (Hestia) et du principe de mouvement (Hermes). Platon partira de ce substrat pour dire que le temps est ce par quoi l’éternité se manifeste. Le temps est irréversible, parce qu’il consiste en un mouvement permanent, contrairement à l’espace. Aristote quant à lui montre que le temps n’est pas le mouvement mais qu’il ne peut pas exister sans lui. Il commence à poser le problème du temps physique, continu et visible, et du temps psychologique qui n’existe que par la conscience que l’on en a.
Newton viendra démontrer que tous les corps se meuvent dans le temps et l’espace. Il influencera ainsi des penseurs comme Kant qui dira que l’espace et le temps sont des formes apriori de la sensibilité. Aucune expérience n’est par conséquent impossible en dehors de ces formes.
L’ontologie africaine quant à elle nous montre un lien très étroit entre l’espace et le temps. De la genèse au déploiement, l’espace et le temps sont liés. Ils révèlent en réalité le principe primordial considéré dans ses aspects statique et dynamique.
En somme pour tous, le temps et l’espace sont liés. Si le temps a un rapport avec le mouvement, il s’en distingue néanmoins. L’espace quant à lui désigne la permanence.
BIBLIOGRPHIE
ARISTOTE, La Physique, Bruxelles, Ousia, 1998.AZOMBO S. et MEYONGO P., Précis de philosophie pour l'Afrique, Paris, Nathan, 1981.
BIYA Ndebi R., Etre, pouvoir et génération ,Paris, Harmattan, 1987.BIYA Ndebi R., L'être génération. Essai critique d'une ontologie africaine, Strasbourg Université des sciences humaines, 1995.
HAWKING S., Une Brève Histoire du Temps - Du big bang aux trous noirs, Paris, Flammarion, 1989.
HESIODE, Théogonie. La naissance des dieux, Paris, Belles lettres, 1999.
KAGAME A., La Philosophie Bantu comparée, Paris, Présence Africaine, 1976.
MBITI S. J., African Religions and Philosophy, New York, Anchor, 1970.OBENGA T., La philosophie africaine de la période pharaonique 2780-330 avant notre ère, Paris, L'Harmattan, 1990.

TABLE DES MATIERS


INTRODUCTION- 1
I. L’ESPACE ET LE TEMPS SELON PLATON ET ARISTOTE- 2
II. ESPACE-TEMPS DANS LA PENSEE EGYPTIENNE- 4
III. ESPACE-TEMPS ET GENERATION DU MONDE- 5
IV. L’ESPACE-TEMPS ET LA RELATIVITE ; vision macrocosmique- 7
V. L’ESPACE-TEMPS EN AFRIQUE- 9
V.1. La conception africaine de l’espace- 9
V.1.1. La monogenèse du monde- 9
V.1.2. Le principe gémellaire- 10
V.1.3. La forme de l’espace- 10
V.2. La conception africaine du temps 10
VI. ILLUSTRATION : L’espace-temps chez les Bassas du Cameroun- 11
VI.1. Le « mbok » comme espace : 11
VI.2. Le « Mbok » comme temps : 12
VI.3. Le « mbok » comme espace-temps : 12
VI.4. L’espace-temps comme génération culturelle- 12
CONCLUSION- 13
BIBLIOGRPHIE- 14

EXPOSE 2 : L’ANTHROPOLOGIE AFRICAINE

INTRODUCTION


Etude ou discours sur l’homme, l’anthropologie est une discipline qui occupe une place importante dans la philosophie, car « comprendre l’histoire présente c’est comprendre l’homme ; penser à l’homme, c’est évoquer une espérance ; s ‘attacher à le comprendre, c’est scruter poliment les signes qui manifestent l’éclosion d’une réalité toujours neuve et surprenante »[13]. L’anthropologie s’attache à l’espèce humaine en tant que celle-ci présente des différences avec l’espèce animale. Elle est plongée dans un dynamisme diversifié qui lui permet d’avoir une image pluraliste sur l’homme. Or, étant donné que la philosophie est fille de son temps, du contexte et du milieu dans lequel elle évolue, parler de la philosophie africaine reviendrait d’abord à comprendre l’homme africain. Cela se justifie par le fait qu’il joue un rôle capital dans la réflexion africaine. Alors, pourquoi une anthropologie africaine ? Quelle est sa spécificité ? Et quelles peuvent être ses contributions dans l’anthropologie philosophique ?
Pour répondre à ces questions qui constituent le fil conducteur de notre analyse, notre réflexion s’étendra sur cinq parties. Dans la première partie, noue aborderons la différence anthropologique ; dans la seconde nous exposerons la conception occidentale de l’homme, dans la troisième nous présenterons l’anthropologie Africaine dans tout son ampleur, dans la quatrième, nous analyserons l’organisation socioculturelle de l’Africain. Et dans la cinquième, nous porterons une appréciation critique sur notre travail de recherche.

I- LA DIFFERENCE ANTRHROPOLOGIQUE

Du point de vue biologique, l’homme partage en commun avec l’animal la chair, le sang et l’os. Ce qui fait qu’il est considéré sur le plan de la nature comme un animal à part entière. Il est aussi soumis à toutes les lois biologiques telles que : manger, boire, dormir, etc. Pourtant, l’artifice lui donne un caractère d’étrangeté qui caractérise son existence par rapport aux autres êtres vivants. C’est donc qu’il y a entre l’homme et l’animal, une différence anthropologique du point de vue du corps et de l’artifice. Mais, pour l’homme, nature et artifice vont de pair, car le corps offre un ensemble de possibilités qui permettent à l’existence humaine de surgir.
Il s’agit alors pour nous de « découvrir dans quelle mesure l’organisation propre au corps humain permet en elle-même de rendre compte à la fois de la proximité qui rapproche le vivant humain des autres vivants et de l’écart qui sépare son mode d’être de celui de toutes les autres productions naturelles »[14].

I.1. Le corps

Sur le plan physique, le corps de l’homme est différent de celui des animaux. Alors que ceux-ci naissent avec un corps performant, et que leur enfance est courte, l’homme, lui, naît avec un corps non spécialisé, déficitaire et une station verticale et bipède. Mais l’handicap de l’homme s’avère à la longue être un avantage puisqu’il devient par la suite plus performant que les animaux grâce au développement du cortère cérébrale ; il devient apte à maîtriser son environnement. « L’homme n’est pas un animal perfectionné, mais réalise autre chose, un autre type d’être, une autre modalité de l’être que ce qui s’organise dans la forme naturelle de l’animal »[15].
L’homme a une mémoire spécifique. Il a conservé les caractères morphologiques qui ont été transitoires chez les autres animaux, c’est par exemple la perte des poils et le taux élevé du cerveau. Or, la particularité de l’organisme des animaux détermine leur activité de façon contraignante, c’est pourquoi l’animal fait toujours le même geste. Tandis que l’homme a un éventail de possibilités de par la généralisation. Il change d’activité grâce à la médiation nécessaire de l’apprentissage, de la mémoire non somatique comme le souligne Tinland :

« Station verticale, polyvalence des membres antérieurs, conservation des traits infantiles, extrême lenteur des croissances et donc dépendance prolongées par rapport aux parents corrélatifs qui définissent les grandes lignes d’une insertion dans le monde, d’une originalité telle qu’elle introduit à une différence d’un autre ordre que celle qui différencie les espèces »[16].

La station droite de l’homme lui est avantageuse pour l’aptitude au développement visuel et à l’écoute, c’est aussi là une des conditions d’apparition des systèmes symboliques : «Les effets du geste et de la parole (sont) plus encore humanisant qu’humains »[17]. Ainsi, l’homme se forme continuellement et le jeu de l’artifice prouve sa supériorité face aux autres vivants.

I.2. Le jeu de l’artifice

L’outil, la règle et le langage sont des artefacts, car ils ne peuvent être fabriqués que par le cerveau qui chez l’homme est très développé. Ainsi pourvue d’intelligence, l’homme est à même de transformer les choses de la nature à sa propre guise.

a) L’outil
Il y a quelque chose dans l’action de l’homme qui est propre à son espèce et à son héritage filial. C’est le statut de l’outil comme artefact. « Il y a corrélation entre le progrès de l’outillage et la variable somatique jusqu’à la stagnation de l’évolution biologique, moment où la technicité s’envole plus loin »[18]. Chez les hominiens, il y a contrairement aux autres espèces qui vivent selon l’instinct, une programmation naturelle de la fabrication technique inscrite dans le cerveau et la main. A chaque temps d’évolution correspond un outil, ainsi la raison se manifeste au niveau de l’outil. Grâce au cerveau, l’homme a une prise sur le monde qu’il manifeste à travers la technique. Mais, « c’est à partir d’une information extériorisée dans la tradition transmise par l’apprentissage et peut être sous forme des rites initiatiques, que la forme stéréotypée de l’outil est possible »[19]. L’outil est donc né de la nécessité et comme le souligne si bien le professeur Ndébi : « La technique comme prolongement de l’outil, n’était pas inscrite préformée dans le biologique de l’homme. Elle permet de comprendre par son évolution parallèle à celle du corps de l’homme que celui-ci est nanti d’un dispositif cérébral lui permettant d’inventer et d’avoir prise sur le monde »[20].
L’homme se sert de l’outil parce qu’il lui est utile et celui-ci ne cesse de se perfectionner dans le temps à la grande satisfaction de tous. C’est ainsi que l’homme devient maître et possesseur de la nature. Les innovations technologiques en sont des exemples patents. Mais sur le plan social, il faut des normes pour la régulation de la vie commune.

b) La règle
La règle impose l’ordre extérieur par essence au jeu du désir et améliore les conditions de vie. Elle aide l’homme à une organisation rationnelle. Comme paradigme de la règle, prenons le cas de l’inceste. Il est dans toutes les sociétés interdit de pratiquer le mariage entre un homme et sa mère, sa fille ou sa sœur. Dans ce cas, la règle arrache l’homme à l’aspect uniquement biologique par un ensemble de prescriptions et d’interdits permettant d’assumer « dans la communication humaine la fonction architectonique de l’échange »[21]. Cela ne relève nullement de l’ordre biologique, mais de l’ordre social issu de la pensée symbolique à travers le langage. « La règle, plus encore que l’outil, exprime une nécessité immanente au mode d’être au monde que son corps fait à l’homme »[22].
En Afrique traditionnelle, les règles varient selon les ethnies et ont un caractère coercitif car elles préexistent à l’individu. Celui-ci doit se conformer à ce qui lui vient de Dieu, des ancêtres et des aînés. Les règles ont pour rôle de régir le comportement des individus au sein de la société ainsi que les rapports entre les Hommes et les choses. C’est dans ce sens que Pierre Erny, en parlant du fonctionnement des règles en Afrique traditionnelle, stipule que celles-ci « ont apparemment un caractère arbitraire, mais en fait elles se tiennent entre elles, se renforcent l’une l’autre en amenant la personne à adopter un type d’attitude précis et cohérent qui se répercute jusqu’au niveau de la posture corporelle et des réflexes les plus enracinés »[23]. C’est l’exemple d’une personne qui s’incline légèrement et tend ses deux mains à la fois pour recevoir quelque chose. Le respect de la coutume, des prescriptions des ancêtres et celles des aînés est fondamental pour l’Africain. En cas de défaillances vis-à-vis de certaines règles, la coutume prévoit des sanctions voire des rites pour réparer la faute commise.

c) Le langage
Le langage a une emprise sur le naturel. Il est à la fois naturel et humain, c’est – à- dire qu’il est symbolique. Selon Lalande, en effet, le langage renvoie à « tout système de signes pouvant servir de moyen de communication »[24]. Ainsi, tout organe de sens peut servir à la création d’un langage. Mais au sens strict ce système renvoie à la communication entre les hommes. Il peut renvoyer à un système de signes vocaux ou graphiques, de symboles ou de règles et de gestes pour l’emploi du langage. Le langage est donc un système propre à l’homme et la parole est « l’acte individuel par lequel s’exerce la fonction linguistique »[25]. Il peut contenir des dits et des non dits, des ironies, des vérités, etc. Cela prouve que si les animaux ne parlent pas, c’est par défaut de penser et de raisonner, qui est une faculté proprement humaine. Le langage humain est intentionnel, il a un sens, exprime des notions abstraites, des possibilités de combiner des mots de façon infinie ou d’altérer le sens d’un signe, ce que les animaux ne peuvent pas faire. C’est est une capacité inhérente à l’homme qui a à la fois un aspect social (la langue qui est extérieure à l’individu, car on peut l’étudier hors de tout acte) et un aspect individuel (la parole qui est un acte volontaire). La langue est aussi un artefact qui manifeste ce qui n’est pas naturellement uni (une déhiscence). Le langage a le privilège d’accompagner la règle et permet d’échanger la pensée.
Pour l’Africain marqué par la tradition orale, la parole revêt une importance capitale. C’est la raison pour laquelle le professeur Ndebi pense que « la parole est créatrice du monde ou de l’univers et ses manifestations ; elle se manifeste dans tout le vécu de l’homme avec ses sens : la vue, l’ouï, l’odorat, le toucher et le goût, autrement dit, elle s’incarne et devient chair »[26]. Et, comme le souligne Théodore Mayi-Matip dans l’univers de la parole, la parole est liée à l’existence.
L’outil, la règle et le langage permettent à l’homme de réaliser par le cerveau développé, une performance surpassant celle de tout organisme spécialisé des autres vivants. Il est par conséquent capable de s’adapter et de survivre même dans les milieux hostiles grâce au cerveau doté d’une grande capacité d’inventer les solutions adéquates pour surmonter les défis. Ainsi, l’artifice concerne le caractère d’étrangeté qui caractérise l’existence humaine tandis que la nature concerne l’unité de l’homme comme être de chair, d’os et de sang. L’homme qui est, originairement fait de limites et de possibilités acquiert dans le temps une supériorité incommensurable sur les autres vivants dans l’univers.

I.3. L’homme comme principe archétypal de l’univers

Pour l’africain, l’homme est conçu comme ‘’microcosmique’’. Cela signifie que qu’il est d’abord appréhendé comme image du monde, et ensuite comme « modèle archétypal, à partir duquel le monde a été créé ou est créé »[27]. C’est pourquoi dans les cultures africaines, d’après le professeur Ndébi approuvant Memel Fote dans Présence africaine, n°73 de 1980 : « Le monde a une signification, il est un homme sexué et l’homme aussi est le monde »[28]. Nous retrouvons aussi cette analogie chez les fali du nord-Cameroun où la tête, le tronc, le sexe et les membres correspondent aux quatre points cardinaux et spécifiquement les régions de leur territoires. L’homme se démarque alors comme « cause de l’univers » parce que c’est lui qui fait exister l’univers ainsi que toutes les choses qui s’y trouvent.
Du point de vue de l’anthropologie philosophique, les approches concernant le composé humain sont diverses selon les visions occidentale et africaine de l’homme.

II. LA CONCEPTION OCCIDENTALE DE L’HOMME

La conception anthropologique Occidentale est le fruit d’une longue réflexion qui s’étendit depuis l’antiquité jusqu’au temps modernes. Nous présenterons la pensée Occidentale de l’homme en partant de son historique pour aboutir à son contenu.

II.1. L’historique anthropologique
La réflexion anthropologique fut une préoccupation qui prit naissance depuis l’antiquité pour se définir avec exactitude au fil des temps.
En effet, dans l’antiquité, la conception dualiste des choses amena à concevoir l’homme comme un être composé de l’âme et du corps. C’est ainsi que Platon, présenta l’homme à partir de deux éléments distincts : le corps qui est la partie sensible de l’individu et l’âme la partie supérieure, indestructible, immortelle, qui après la mort retourne vers les dieux si elle est vertueuse ou se réincarne dans un corps animal si elle est vicieuse[29]. Et le corps est le tombeau de l’âme, la partie inférieure, qui a des relations avec le sensible. Quant à Aristote, la dualité anthropologique est une continuité dans la mesure où l’âme est unie au corps comme la matière à la forme[30]. L’âme que Aristote appelle encore intellect donne la forme au corps. Par conséquent, Corps et âme sont deux entités liées pare que le corps reçoit sa forme de l’âme
Avec la scolastique, sous l’inspiration du néo-aristétolicisme tracé par Thomas d’Aquin, l’homme est défini comme individu possédant un corps et une âme inséparables[31]. C’est dans cette logique que la substance de l’homme est l’âme et son corps est le lieu de la manifestation de cette-ci.
Chez les modernes[32], le dualisme anthropologique continue sa réflexion. C’est ainsi que Descartes avec son cogito « je pense donc je suis », définit l’homme à partir de son corps et de son âme. Pour lui, le corps est la substance étendue tandis que l’âme est la seule pensée. La conception cartésienne souligne que ces deux composantes de l’homme existent mais de manière séparée, parce que l’âme est le siège de la connaissance et le corps n’est que la matière qui se meut. La fraction des deux réalités humaines amènera Spinoza à les concilier comme attributs de l’unique substance qui est Dieu.

II.2. La conception anthropologique

La philosophie Occidentale comme nous venons de le voir définir l’homme comme une dualité constituée d’une réalité psychique et corporelle. Cette dualité a fait l’objet de plusieurs débats avec des opinions différents sur l’indissociabilité de ces deux dimensions humaines. C’est à la lumière de la pensée scolastique que l’Occident finit par définir l’homme comme un être constitué d’une âme et d’un corps indissolubles.

a) L’âme
L’âme vient du latin anima et du grec psyché qui veut dire souffle ; elle est le principe de la vie et de la pensée, différente du corps, elle manifeste son activité à travers lui[33] . L’âme est en d’autres termes un esprit individuel qui est une réalité pensante.
Elle est définie par Fromaget comme « un ensemble de fonctions ou de facultés faisant qu’un être est en vie, faisant que les plantes croissent et respirent, que les animaux sont doués de mobilité, distincts, de sensibilité, que les hommes pensent, parlent, rêvent imaginent »[34].
Pour Thomas d’Aquin, l’âme est le principe vital qui demeure dans chaque être vivant, végétal, animal et l’homme[35]. Ce principe est animateur et donneur de vie, c’est pourquoi il est encore appelé esprit.
L’âme, ne suggère aucune corporéité dans la mesure où elle n’est pas une réalité palpable, visible mais elle est subsistante et demeure éternellement. C’est dans cette logique que Thomas d’Aquin souligne que seul l’homme possède une âme qui est douée de raison et d’intelligence, ce qui n’est pas pareille pour les animaux et les plantes[36]. En effet, l’âme de ces derniers n’a pas d’activités propres vue qu’elle est liée à l’instinct animal et à la nature, par conséquent meurt avec l’animal et la plante. Deux passages bibliques étayent davantage la différence existante entre l’âme humaine, l’âme animale et l’âme végétale : « Que la terre produise l’âme des vivants » et, « Dieu a soufflé sur son visage un souffle de vie »[37].

b) Le corps
Le corps est un concept polysémique qui traduit la matière en physiologie et la subjectivité en psychologie. Anthropologiquement parlant, le corps est cette réalité qui permet à l’homme d’être dans le monde, d’entrer en contact avec les choses et autrui. Il permet à l’individu de percevoir, de réfléchir, d’éprouver des sensations, des sentiments. C’est dans cette même logique que Merleau Ponty fait la différence entre le corps matériel (korper) et le corps humain ou corps propre (leib) définit comme « un système de puissance motrices ou de puissances perceptives dans la mesure où notre corps n’est pas un objet pour un je pense mais un ensemble de significations qui va vers son équilibre »[38] . Le corps est cette réalité humaine animée par l’âme qui est en même temps un moyen qui permet à l’individu d’exister, d’être présent dans le monde, d’appréhender les choses et les toucher, de faire l’expérience avec la réalité sensible et l’altérité. Le corps est l’expressivité de l’âme d’où l’indissociabilité qui existe entre ces deux dimensions humaines.
En somme, l’homme Occidental est défini comme un individu composé d’une âme et d’un corps liés par une relation d’indissociabilité. L’âme est le principe vital du corps qui se manifeste extérieurement à travers certaines facultés cognitives (perception, intelligence), facultés affectives (sentiments, émotions) et les facultés instinctives (pulsions, besoins) ; et intérieurement par la conscience du je d’être une individualité qui a un corps et une âme indissociables[39] . L’âme est le siège de l’intelligence, de la volonté, de la sensibilité et de la liberté. Le corps est le moyen par lequel l’homme fait l’expérience de lui-même, avec ses semblables et avec les réalités sensibles.
L’indissociabilité de l’âme et du corps, renvoie à la particularité et à la singularité qui caractérise l’individu. Dans la mesure où l’âme qui est le principe vital est unique et propre à chaque être humain, d’où cette différence qu’on retrouve dans le développement physique, dans les sentiments, la manière de penser et la manière d’être Raison pour laquelle, personne ne ressemble à personne. Toute entreprise ou projet sur l’homme en Occident est invité à tenir compte des dimensions physique et psychique de l’homme

III. LA CONCEPTION AFRICAINE DE L’HOMME

En Afrique, contrairement au dualisme occidental, l’homme a au moins trois dimensions formant une unité visible et invisible. La multiplicité des éléments se situe surtout sur le plan invisible. Nous faisons ici l’aperçu de l’homme dans quelques cultures : Egypte Antique, Tchad, Congo, Nigeria, Rwanda, etc.

III.1. L’anthropologie égyptienne

Pour les égyptiens de l’antiquité, l’homme est une réalité complexe formant une synthèse, composé de trois cercles divisés chacun en trois, il forme une tri-unité : « L’image et le miroir du macrocosme-univers »[40]. Nous sommes dans l’Egypte de la période pré pharaonique et l’Egypte pharaonique, les égyptiens reconnaissent déjà à la personne humaine un tout indivis mais composé de neuf éléments[41] rangé en trois grandes catégories : le plan physique, humain et divin. Ainsi la formule se résume en 3 x 3 = 9.
De façon distincte, cela donne : Le KHAT/ DJET ou le corps physique, est l’unique composante matérielle de l’homme. Il est périssable et dégénère après la mort, c’est cette partie qui doit être momifiée.
Le AKH ou AKHOU c’est l’esprit lumineux et impérissable du défunt qui rejoint les dieux. Il contribue à la survie de la personne dans l’au-delà. Le BA / BAÏ ou esprit ou encore âme, quitte le corps après la mort, c’est la force vitale. Comme un fantôme volant, la Ba sort de la tombe, survole les lieux chers fréquentés par le défunt de son vivant pour le faire participer à la vie extérieure. Il est ainsi à l’extérieur de la momie tantôt dedans, lieu où il se pose. Ces deux instances sont des composantes immatérielles et impérissables.
Le KA c’est la force vitale qui n’est utile pour l’homme que lorsqu’il est en vie. C’est elle qui soutient et garde en vie l’homme, lui conférant nourriture, santé, bonheur. Elle le quitte juste avant la mort, c’est une substance immatérielle périssable une force vitale transcendantale, le double de l’individu l’entourant en permanence. Le IB ou AB c’est le cœur, le siège de la pensée, centre de la mémoire et de la conscience morale, qui n’est opérationnelle que lorsque toutes les facultés de l’homme sont encore vivantes. C’est la conscience intime. Le KHAIBIT ou le SHOUT, c’est l’ombre qui accompagne le vivant et ne le quitte qu’après sa mort. On l’appelle aussi l’ombre du défunt, capable de sortir du tombeau. Le SEKHEM traduit par puissance, dit l’autorité du vivant qui s’anéantie après la mort. C’est l’âme ou énergie spirituelle. Le REN ou NYI se traduit par nom[42] : différent de l’étiquette, « c’est l’élément fondamental de la personne (…) il assure la spécificité du moi et le prononcer, c’est agir sur l’être »[43] du porteur de ce nom ; il exprime aussi tout un programme de vie, voire même la vocation du porteur. C’est le nom ou parole caché qui révèle l’essence de l’être. Le SAHOU, c’est le corps éthérique, double éthéré, corps spirituel[44].
Cette totalité de l’homme représente une ontologie systématisée, qui laisse croire que les égyptiens avaient une profonde maîtrise de l’histoire naturelle, de l’astrologie et de la médecine[45]. Ainsi, ayant en lui une dimension divine, l’homme est prédisposé à la transcendance. Il a donc les capacités de sortir de son corps matériel pour devenir immatériel et se situer dans le monde de la sorcellerie selon le langage africain. L’homme est par là même une réalité faite de l’humain et du divin, du ciel et de la terre, dans cette optique, il est à la fois passager et immortel, en bref, c’est une réalité pleinement cosmique. Dans l’Egypte antique, la vie de l’homme était réglée par les principes mâatiques impliquant le savoir vivre. L’homme appartient ainsi à deux monde, celui des vivants et celui des morts. Il est esprit, animal, végétal, minéral. Il est feu, eau et vent. Nous constatons après cette brève analyse de l’Egypte ancienne, qu’elle a un fond commun, beaucoup de similitudes avec l’Afrique noire dont nous allons développer quelques aspects.

III.2. La notion de personne et ses composantes chez les Sara du Tchad[46].

Chez les Sara, la personne est composée de deux entités principales : le « ro » qui signifie corps, matière et le « ndil » qui renvoie à l’esprit. Les deux mots s’accompagnent toujours du complétif « m », pronom réfléchi exprimant la possession et rattachant l’objet à la personne qui parle. Ainsi pour parler de son corps on dit : « ro-m » ou « ndil-m », l’un désigne le moi visible et l’autre le moi invisible. Celui-ci renvoie encore à deux principales entités qui peuvent être traduit en français par l’ombre et le double. L’ombre, quand il s’agit de ce qu’on voit sur le sol quand il y a le soleil ou l’image reflétée dans l’eau, le miroir et même sur une photo. Le ndil est le double immatériel qui se détache parfois de la personne sous l’emprise d’une émotion surtout quand il s’agit d’une grande frayeur ou d’une angoisse. Ce double dit-on, peut être pris par les sorciers ou « mangeurs d’âme », parce que quand le corps se repose la nuit, il le quitte pour pratiquer les activités qui ont occupé le corps pendant la journée en ajoutant d’autres. Cela explique les rêves qui sont les reprises des activités de la journée précédente. A coté de ce double, il y a un autre qui est différent, invulnérable et immortel. C’est ainsi qu’après la mort d’une personne, son double quitte le village pour aller habiter le village des ancêtres une fois que toutes les cérémonies funéraires sont accomplies. Autrement, ce double circule dans le village et apparaît de temps en temps aux membres de la famille. Il peut soit avoir un pouvoir bénéfique, soit un pouvoir maléfique selon les expériences vécues de son vivant. Le m est donc ce qui renvoie à l’aspect global de la personne qui est un tout.
Chez les Sara, le corps s’appréhende aussi à travers les aspects du « moi ». Dans ce cas, un membre du corps est identifié à la personne tout entière et cela se traduit dans le langage.
- le moi social identifié à la bouche
La qualification des relations qu’on a avec les autres se traduit par l’expression : bonne ou mauvaise bouche. Ainsi dans l’aspect relationnel, la personne est identifiée à sa bouche. Avoir une bonne bouche signifie être une personne de dialogue, sachant prodiguer de bons conseils et vivant en harmonie avec l’entourage. Dans le cas contraire, celui qui a des difficultés relationnelles avec son entourage est qualifié de mauvaise bouche. Il existe des bouches légères et des bouches lourdes, les unes sont bavardes et les autres timides.
- le moi orienté vers le monde
Il s’agit du moi synonyme des yeux. Il concerne surtout les personnes envieuses, avares ou cupides, jalouses. Pour parler des choses étonnantes, qui émerveillent, on dit qu’elles « fatiguent les yeux ». Quant à la compassion ou la pitié, elles se traduisent par la souffrance des yeux : « mes yeux souffrent avec lui ».
- le moi agissant
Il est identifié à la main. Beaucoup de noms masculins ou de proverbes contiennent le mot « dji-m » qui signifie main. Cela exprime la puissance ou le pouvoir d’action de l’homme et sa responsabilité face à la nature qu’il doit domestiquer et transformer.
- le moi intellectuel
Ici, il s’agit de la tête. Le mot « do » qui signifie tête se trouve souvent dans des expressions faisant allusions à un fait, à la mémoire, l’intelligence, l’équilibre mental, la rectitude de l’esprit, la liberté ou l’autonomie. Dans la défaillance de ces facultés, le mot tête s’accompagne d’une expression négative.

III.3. Les composantes de la personne dans « la puissance du sacré » de Faik-nzuji
Dans son aspect corporel, la personne est une réalité très complexe. Chez plusieurs peuples en Afrique, on parle tantôt du double, de l’esprit, du fantôme, etc. dans l’ouvrage de Faik-nzuji, il est beaucoup plus question de la conception de la personne chez les peuples vivants le long des rivières Kassaï et Luluwa du « Zaïre » (l’actuelle République démocratique du Congo). Ici, les mythes représentent la personne comme un être composé de deux sortes de corps : l’un « immatériel » et l’autre « charnel ».
Le corps immatériel renferme trois éléments différents : L’esprit qui est une chose parfaite et de nature divine ; le double, chose imparfaite et spécifiquement liée à la nature humaine ; le fantôme qui est la partie animale de l’homme. Le corps humain, dit l’auteur, est un « habitacle », c’est-à-dire le siège de tous les éléments spirituels mentionnés ci-dessus. Il est également ce qui fait la frontière entre le cosmos et la personne elle –même, c’est encore le premier symbole donné à l’homme pour communiquer avec les autres et avec le cosmos. C’est pourquoi symboliquement quand on possède une particule prélevée sur le corps, c’est la personne même qu’on possède. L’auteur le souligne si bien dans son ouvrage Les Symboles graphiques en Afrique noire, quand il dit que « des éléments du corps (cheveux, bouts d’ongles, morceaux d’os, etc.) sont prélevés pour servir de symboles dans les pratiques magico-religieuses »[47]. Même les habits ou autres objets ayant appartenus à quelqu’un peuvent aussi rentrer dans cette catégorie. Agir sur ces choses c’est agir sur la personne même.
III.4. la personnalité africaine chez les Yoruba du Nigeria : Unité et pluralité de la personne

Chez les Yoruba, la personne est constituée des composantes matérielles, des composantes immatérielles périssables et d‘autres impérissables. Les composantes matérielles sont faites du corps (ara) qui est la partie intégrante du moi et qui étant fait d’argile se transforme en poussière après la mort. L’ombre (ojiji) est une autre composante qui accompagne le corps. Il périt après l’inhumation du cadavre. Toute action portant sur l’ojiji vise la personne toute entière. Un autre aspect est celui de « distributeur de nourriture » ou ikpin-ijeun. Louis Vincent attire ici notre attention pour nous montrer qu’il ne s’agit pas seulement de l’intestin à l’intérieur de l’homme, mais tout l’intérieur du corps.
Quant aux composantes immatérielles périssables, elles se réduisent à l’iye ou esprit qui se situe au niveau de la tête, derrière le front. Distingué de l’ero qui est l’intelligence ou la réflexion, la folie fait perdre à l’home son esprit[48].
Les composantes immatériel impérissable selon l’auteur sont au nombre de trois : l’okan ou cœur, c’est le lieu où se situe la valeur profonde de la personne. « C’est l’instance la plus représentative de la personne dans sa totalité bien qu’il puisse quitter le moi durant le sommeil »[49]. C’est l’instance qui parviendra au jugement dernier pour être châtié ou recevoir une récompense selon ses œuvres. Ensuite, nous avons l’emin qui est le souffle vital. Celui-ci abandonne le corps lorsque s’arrête la respiration. Il va rejoindre l’Etre Suprême à qui il appartient. Nous avons enfin l’ori qui est la tête ou encore olori (seigneur de la tête). Cette partie se réincarne dans le nouveau né qui est envoyé des ancêtres.

III.5. La conception rwandaise de la personne
Les Rwandais conçoivent que c’est le cœur, Umutima qui caractérise l’homme ; c’est l’intérieur de celui-ci. Le cœur est ainsi le siège de la vie affective, émotionnelle, intellectuelle et volitive.
Pour le rwandais, la personne est composé du : Corps, Umubili, l’ombre, Igicucu et la vie, Ubuzima[50]. Pour ce faire, Janheinz Jahn, perçoit que dans la langue Kinywarwanda, il existe trois mots pour désigner la vie : Bugingo pour exprimer la durée d’une vie ; Buzima qui consiste en la réunion du corps et de l’ombre, ce qui donne naissance à la vie et la mort survient lorsqu’il y a séparation de ces deux éléments. Donc le Buzima c’est la vie biologique et le Magara, l’expression de la vie spirituelle. Le Magara et le Buzima sont donc en l’homme. Celui-ci partage avec l’animal le buzima. Un homme sans vie devient pour les Rwandais un Muzimu. Le Magara, étant affectée par la mort, ne disparaît pas sans laisser de trace, c'est-à-dire le « Nommo » (parole, eau, sperme) qui est la force vitale, c’est ce qui persiste dans l’homme ; ce qui a formé sa personnalité, que Tempels a appelé le Muntu. C’est la raison pour laquelle Kagame distingue, dans sa langue, vivre et exister. Pour lui les défunts ne vivent plus, ils existent. Nous comprenons, alors pourquoi pour les africains les morts ne vivent pas mais ils existent à des forces spirituelles[51]. Raison pour laquelle l’ancêtre reste en étroite collaboration avec sa descendance et Jahn, reprenant l’expression de Tempels affirmera que « l’ancêtre demeure en liaison avec sa descendance pour (…) faire bénéficier celle-ci de l’efficacité de sa puissance vitale. C’est seulement lorsqu’il n’a plus de descendant qu’il est vraiment mort »[52].

III.6. Les trois instances communément admises en Afrique selon Hebga
Dans son livre intitulé La rationalité d’un discours sur les phénomènes paranormaux, le professeur Hebga propose d’analyser les trois instances communément admises en Afrique. Il s’agit du corps, du souffle et de l’ombre. Contrairement aux occidentaux, il a une vision triadique de la personne humaine car selon lui, les instances de la personne sont en nombre variable selon les différentes traditions culturelles africaines.

a) Le corps

C’est une instance matérielle nommée en Bassa, Nyuu, en Duala, Nyolo, en Ewondo, Nyol, (langues du Cameroun). C’est la seule instance de la personne qui tombe sous les sens, qui se présente et se laisse appréhender comme tout le vivant. Le corps est l’épiphanie, l’extériorité de la personne. Se référant ainsi à la tradition africaine, Hebga affirmera que « le corps dans les différentes traditions africaines apparaît, comme le dehors de la personne, mais il est avant tout, le signe sensible de la personne, en tant qu’offerte à la prise des sens »[53]. Cette instance disparaît avec la mort. Elle est détruite par la terre, les animaux et les personnes.
b) Le souffle

Le souffle, en Bassa Mbulu et Mudi en Duala, relève des instances invisibles de la personne. Mais, il ne s’agit pas du souffle des narines ordinaires, précise l’auteur. Le souffle revêt ici une signification abstraite. Car, « le souffle des narines n’est pas le souffle vital ; il en serait plutôt le signe. La vie ne tombe pas formellement sous les sens, mais à travers une série de signes qui l’annoncent plutôt qu’ils ne la montrent. Elle se laisse deviner plus qu’elle ne se fait voir »[54].
Dans la vision des langues africaines, il désigne une certaine réalité : « Réalité qui n’est pas une partie intégrante de la personne, mais la personne tout entière en tant que douée de vie »[55]. Le souffle est donc un aspect fonctionnel de la personne représentant la fonction de la vie et de la persévérance dans le temps. Tandis que « l’ombre interne, c’est toute la personne vue sous l’angle de la mobilité, de l’agilité, de la maîtrise de l’espace, de ce qu’on nomme immatérialité ou spiritualité »[56]. C’est l’homme quand il échappe à la pesanteur et à la saisie par les sens. L’ombre déborde le corps et peut agir au-delà de sa sphère d’action normale. C’est le souffle qui reste dans la personne qui dort tandis que l’ombre peut sortir et voyager.

c) L’ombre

L’ombre relève également du domaine invisible. Pour Hebga, l’ombre est différente de la silhouette reflétée par le corps d’où cette explication :

« Certains africains, et Kagamé nous assure que c’est le cas chez les rwandais, croient pouvoir distinguer entre l’ombre portée d’une personne et celle projetée par un animal ou un objet. Or me semble-t-il, ce n’est pas au niveau de l’ombre elle-même en tant qu’image silhouettée du corps qu’il faut placer la différence, mais celui de l’être représenté et qui est lui-même invisible de même que le souffle des narines »[57].

L’ombre est ainsi cette réalité dynamique qui agit au-delà du corps. Cette instance est en puissance et s’actualise par ordre de la personne.

L’addition de l’ombre et du souffle procure une autre instance appelée le double qui n’est pas du tout une appellation africaine. Le double désigne la personne dans sa totalité sous le signe de « l’agilité », de « la subtilité », de « la maîtrise du temps » et de « l’espace ».
Hebga, parlant du cœur, se réfère aux anthropologues et philosophes africains qui le considèrent comme une instance de la personne au même titre que l’ombre et le souffle. Le cœur est ainsi le siège de l’intelligence, de la volonté, de la sensibilité. Cette instance est immatérielle et spirituelle.
Nous constatons qu’en Afrique noire, le corps constitue un aspect de la personne parmi tant d’autres (double, ombre...), c’est le lieu de symbolisation des valeurs de la culture. Un Muntu en vie se manifeste ainsi comme corps, souffle, ombre, cœur. Toutes ces instances sont inséparables car la personne est un tout. C’est à travers cette conception pluraliste que Hebga rend intelligible les phénomènes paranormaux sans recourir à la science.
Pour illustrer ses propos au sujet de cette conception commune, l’auteur présente le panorama de quelques traditions africaines. En effet dans l’ouvrage, La mort et ses résonances dans la vie des Alladian d’Addah, Eugene Nevry (Ivoirien) définit l’homme comme le vivant constitué de trois éléments, un élément visible, le corps ou edouwoulou (peau du corps, qui renvoie aussi au corps), un autre élément invisible qui est l’âme ou wuawua et un troisième élément qui est le double ou inhin.
Quant au zairois Bimwenyi Kweshi, le corps n’est pas « l’image de l’homme tant que celui-ci est vivant, il est lui-même, l’être même visibilisé. Il n’est donc pas un simple chariot, mais le muntu muine en tant qu’il est présent au monde sublunaire »[58]. C’est la même conception dans plusieurs autres sociétés où le corps est l’expression du tout, pouvant aussi exercer « la fonction métaphysique d’exprimer le mobile de l’action et sa finalité »[59]. C’est le cas chez les fong du Bénin, les basaa, duala et ewondo du Cameroun.
Le corps représente aussi l’extériorité c’est- à- dire la peau, l’enveloppe. Cette vision n’est pas exclusivement africaine, on la retrouve chez tous les peuples. Le professeur Hebga invite aussi à saisir le corps « comme fonction de toute la personne ; fonction de la sensibilité, de l’ouverture au monde »[60].


IV. L’ORGANISATION SOCIO-CULTRURELLE DE L’AFRICAIN

L’homme Africain vit dans une société qui est bien structurée, avec pour objectif de former son identité et sa personnalité afin qu’il se socialise et s’intègre dans son milieu socio-culturel et cosmique. Cette organisation se réalise à trois niveaux : politique, morale et culturel.

IV.1. L’organisation politique
Il est important de préciser au préalable que l’Afrique traditionnelle a une forte organisation politique. En effet, après avoir assuré le minimum vital pour l’ensemble du peuple, la société se donne comme choix politique d’administrer les hommes.
Le système politique de l’Afrique traditionnelle est identique malgré la différenciation dans la pratique selon les formes d’appropriation collective du sol et la culture d’un peuple. Cette gestion politique se vit autour d’un chef, des dignitaires et sacrificateurs, des assemblées et des réunions.
Le chef doit, dans l’exercice de son autorité, obéir plus encore que tout autre, à la coutume qui est la source de sa légitimité. Il a pour « fonctions essentielles de conférer à l’ensemble d’appareil administratif et judiciaire un découpage de circonscriptions territoriales ; la délimitation des compétences entre les autorités locales, l’établissement de règles »[61].
Les dignitaires et les sacrificateurs travaillent, dans ce système au service des assemblées. Les dignitaires sont chargés de mettre en œuvre les décisions prises en commun. Les sacrificateurs effectuent quant à eux les opérations symboliques nécessaires à la reproduction de la société. Ils sont indispensables dans la mesure où l’intervention rituelle est un élément nécessaire du processus d’appropriation de la nature par l’homme.
Les assemblées administrent les affaires de la collectivité. Les problèmes multiples sont mis en débat. A coté des litiges entre particuliers à propos des limites de leurs lopins ou des querelles concernant les priorités accordées dans l’irrigation des basses terre.
Les réunions ont aussi pour objet de promouvoir des initiatives collectives : la réfection des chemins, l’organisation des sacrifices, par exemple. On y traite des questions intéressant l’ensemble de la collectivité, comme les rapports avec les autres terroirs.
Seule l’assemblée est à mesure de prendre des décisions engageant la vie de la collectivité. La participation à l’assemblée est ouverte à tous les hommes. Dans cette organisation, les dignitaires jouaient un rôle prépondérant. Par exemple dans le royaume de Douala (Cameroun) où ils se partageaient la responsabilité des taches communautaires, Jean Bruyas affirme que :
«La confrérie Djengu fut active dans la construction de la royaume Magique et de ses mythes inspirateurs. Elle contrôlait le culte d’Etat et parvint, par le biais des confréries dans les Etats voisins, tel l’Etat Bamoum, à exercer son contrôle sur ceux-ci. La confrérie Ngé emprunté à l’ethnie Basa fournissait les fonctionnaires d’encadrement et les gardes territoriaux,-Le Mangi exerçait le pouvoir de police. La confrérie Mbwéorganisait, tout au long de la cote, les guildes, des marchands, c’est- dire les chaînes commerciales »[62].

Il résulte de préciser que la structure centralisée des royaumes implique une hiérarchie territoriale : les groupes d’habitation sont alors reliés entre eux pour former des cantons ou des districts qui peuvent constituer une province.

IV.2. La morale dans la tradition Africaine
La morale dans la tradition africaine est anthropocentrique. C’est une morale respectueuse de la personne humaine et de sa dignité. La vie morale vise à contribuer à la cohésion sociale en limitant les délits publics.

La dignité de la personne humaine et la place de la femme : certains proverbes d’ailleurs l’expriment clairement :
« En swahili par exemple on dira mtu ni mtu pour signifier que l’homme, quel qu’il soit, est avant tout un homme. Ou encore mtu si nyama c’est à-dire que l’homme n’est pas un animal. En langue shi, on dit ogay’owabo arhamujira muntu qui se traduit par celui qui hait son semblable ou son prochain ne le considère pas comme un homme. Un proverbe luba dit batu basambuka mutshi, kabatu basambuka bantu, c’est-à-dire on enjambe les arbres et non les hommes. Les kongo disent : Bantu, imbantu, bintu mbitu. En d’autres termes, les hommes sont bien différents des choses. En kiwoyo, on dira d’un petit enfant qui a rendu un service : mbwa mbwa, muntu muntu. Ce qui signifie : le chien est chien, l’être humain est être humain »[63].

Ces proverbes et expressions montrent l’importance de la personne humaine. La personne humaine ou le muntu, comme disent les Bantu, vaut plus que toutes choses. Quel que soit son âge, son sexe, son origine clanique, l’être humain est différent d’un animal. Par conséquent, il est interdit de lui faire subir des traitements dégradants. Néanmoins, cette perspective ne supprime pas les différences entre hommes et femmes. Ces différences ne sont pas synonymes des inégalités.
Un regard critique sur les traditions africaines révèle qu’elles sont aussi anthropocentriques c’est-à-dire l’être humain masculin est placé au sommet des hiérarchies. En langue tshiluba, au Kasaï, an République démocratique du Congo par exemple, « ce qui est gauche (côté considéré comme faible) est dit féminin, tandis que ce qui est dit droit (côté fort) renvoie au masculin »[64]. Cependant, l’homme seul ne constitue pas réellement une personne humaine.
Certaines études de la tradition africaine révèlent l’apport particulier de la femme comme agent de la culture et de la civilisation originale :

« La femme Africaine, du moins dans la société précoloniale, n’est ni un reflet de l’homme ni une esclave. Elle n’éprouve aucun besoin d’imiter l’homme pour exprimer sa personnalité (…) Mais sa civilisation, parce qu’authentique féminine, s’est révélée heureusement complémentaire de l’authentique civilisation masculine pour former une seule civilisation négro – africaine »[65].

La procréation rend absolument complémentaire l’homme et la femme. Dans les sociétés traditionnelles africaines, les enfants sont les bourgeons de la société, et chaque naissance est comme le début des pluies. « La vie jaillit et la communauté prospère »[66]. la naissance d’un enfant ne concerne pas seulement ses parents, mais un grand nombre des membres de sa famille, les vivants comme les défunts.
La grossesse est la première indication de l’arrivée prochaine d’un nouveau membre de la société. « La future mère devient alors un être à part. Ses voisins et ses parents la traitent d’une façon particulière et leurs égards se poursuivront après la naissance. Dans certaines sociétés, le mariage n’est complètement reconnu ou consommé qu’au moment où la jeune femme a eut un enfant»[67]. La première grossesse est donc le sceau définitif du mariage, le signe d’intégration totale de la femme dans la famille de son mari.
Malheur à la stérile car, en dépit de toutes les qualités qu’elle peut avoir, son incapacité à mettre au monde des enfants est pire qu’un meurtre : « Elle est devenu l’impasse de la vie humaine, non seulement pour la lignée généalogique, mais également pour elle-même. Lorsqu’elle meurt, il n’y a personne issue de son sein pour se souvenir d’elle, pour la conserver dans l’état de survie personnelle, elle sera purement et simplement oubliée »[68]. Il se peut qu’elle ne soit pas responsable elle-même de cet état de choses, mais cela ne l’excuse pas aux yeux de la société. Son mari peut, dans une faible mesure remédier à cette situation en ayant des enfants avec une autre épouse, mais la femme stérile porte une marque indélébile.
Dans les sociétés traditionnelles africaines, la vie véritable n’est pas celle de l’individu, mais celle du groupement : grande famille, clan ou ethnie. La destinée individuelle repose sur le salut collectif, c’est-à-dire la sauvegarde de l’unité mystique globale. « L’homme Africain traditionnelle ne découvre donc de signification à sa propre vie qu’en relation avec la vie globale du groupe, hors de laquelle il n’espère pas pour lui – même de survie »[69].

La vie en communauté : pour garantir l’harmonie, la cohésion et la sécurité du groupe, il existe des obligations et des interdits concernant notamment les objets dont on ne peut se nourrir, les personnes avec lesquelles on ne peut contracter de mariage ou entrer en relations sexuelles, les lieux ou l’on ne peut se rendre, les mots que l’on ne peut poncer. « Lorsqu’un être humain viole un de ces tabous, tout se passe comme s’il accumulait sur lui, et donc sur la société elle-même, une saleté magique capable de compromettre au sein du groupe l’équilibre des forces »[70].
Parmi les interdits, certains découlent logiquement du corps de croyance : par exemples, la prohibition de l’inceste, ou le vol d’objet sacré. D’autres se sont forgés après l’arrivée d’un malheur considéré comme un châtiment. Les contrevenants sont exposés à des peines comme par exemple être exclu du groupe jusqu’à ce qu’il puisse laver sa culpabilité par des purifications. « Afin de rétablir l’ordre perturbé, le Diola de la base Casamance (Sénégal), doit recourir à la confession qui lui renseignera sur l’interdit qu’il a enfreint (peut être par méconnaissance ou par oublie) et se livrer à la purification qui le réconciliera avec l’esprit courroucé»[71].

Les délits publics : dans les sociétés traditionnelles, aucun événement ne peut se produire sans qu’un antécédent en soit la source. « Tout événement qui menace la destinée du groupe social – blessure, mort subite d’un de ses membres comme aussi épidémie, sécheresse, incendie par la foudre a nécessairement une cause intentionnelle »[72].
Sont aussi considérés comme délit publics l’atteinte à la personne des chefs ou des dignitaires, à leur santé, à leur dignité, à leur vie, à leurs proches, aux interdits collectifs, d’un manquement aux rites cultuels, d’un recours aux maléfices conçus comme entraînant l’infructuosité de la chasse ou de la pêche, l’infécondité de la terre.
Par opposition aux précédentes, d’autres infractions sont considérées comme ne portant pas atteinte à la collectivité globale. C’est au groupe particulier qui se trouve lésé qu’il appartiendra d’aviser au sujet de telles infractions. La famille ou le clan atteints auront le choix entre diverses attitudes :
« Ils pourront mener une action contre la famille ou le clan auquel appartient l’auteur de l’acte ; une telle action, défensive et offensive, est une forme de guerre et sera menée jusqu’à la victoire ou jusqu’à une paix de compromis peut-être après que plusieurs générations se seront succédées »[73].

Lorsqu’une peine de mort est prononcée, c’est un proche parent qui doit assurer l’exécution. « Ainsi en est-il, chez les kikouyou du Kenya, qu’il s’agisse d’étrangler le coupable ou, dans le cas de crime de sorcellerie, de mettre le feu au bûcher »[74].
Dans les sociétés traditionnelles africaines la séduction, le rapt, l’inceste et l’adultère sont rigoureusement sanctionnés. Certains peuples font recourt à des peines corporelles. Ainsi chez les Nkoudos (R.D.C) « la femme nue dans un carcan, fer aux chevilles, subissait les morsures des fourmis ou les brûlures d’un lavage intime à l’eau pimentée »[75]. Les Zoulous (Afrique du sud) mutilaient l’organe avec un cactus.
Mais selon de nombreuses coutumes, les jeunes gens et les jeunes filles concevaient une très grande liberté de conduite tant qu’ils n’étaient pas encore passés au crible des épreuves d’initiation qui feraient d’eux des membres effectifs de la communauté.
Les autres infractions telles que le vol d’animaux de ruches et du bétail étaient généralement punies avec une relative sévérité. A l’obligation de restituer et au paiement d’une amende, pouvaient s’ajouter des peines corporelles rigoureuses : fustigations, voire ablations d’un membre.
Hormis les cas d’évidence et fragrant délit, le suspect était soumis aux épreuves consacrées par la tradition. C’est le recours à l’ordalie, celui qui y résistait prouvait son innocence.
L’ordalie, « elle est une épreuve physique dont le résultat permet de connaître le jugement des dieux, des esprits lorsqu’un malheur (maladie, sécheresse, mort, vol important…) frappe la collectivité. Elle permettra de désigner le coupable, puis de le retrancher du groupe pour libérer celui-ci de la souillure. »[76]
Parmi ces épreuves, il ya : les épreuves par la flamme, par le fer rouges, par l’eau bouillante ou le poison.
« Chez le sérer (Sénégal) comme en bien d’autres régions, un fer rouge était appliqué sur la langue du suspect. Lorsque le fer occasionnait une brûlure profonde, l’homme était roué de coups sur place et chevé. Chez les toupouri (Cameroun), le suspect doit retirer un outil au fond d’une bassine remplie d’eau bouillante. S’il est innocent, il retirera l’objet sans brûlure. Chez d’autres peuples, notamment en côte d’Ivoire, on verse de l’eau brouillant sur l’avant – bras de l’accusé. S’il ne se produit pas de cloque il sera déclaré innocent»[77].

L’épreuve par le poison était très répandue, surtout chez les peuples bantous. « Au Cameroun et ailleurs, sont employés notamment l’euphorbe candélabre, le strophantus preussi, le kura (poison extrait du cactus), le fiel de crocodile »[78].Les piments étaient souvent utilisés chez les Bamiléké du Cameroun. « Les suspects de vol ou de magie noire étaient astreints à « boire la pierre », c’est-à-dire à l’humecter de salive et y aspirer du piment qui s’y trouve frotté »[79].

IV. 3. L’organisation culturelle
La culture se définie comme un ensemble de manière de vivre, de faire et de penser propre à un groupe. Elle est une totalité complète qui contient les connaissances, croyances, arts, lois et tout autre capacité ou habitude acquise par l’homme en tant que membre de la société. Généralement elle a pour but la sauvegarde d’un patrimoine propre à une collectivité donnée. Nous voulons dans notre analyse relever les différents éléments qui se retrouvent dans l’univers culturel africain.
- Le culte des ancêtres ou des morts : La conviction de ce culte repose sur l’idée que les morts ne sont pas morts, ils vivent d’une existence différente de la nôtre. En effet, en Afrique Noire la vie ne cesse pas avec la mort. Le mort est un vivant d’une autre espèce qui a besoin de se nourrir. Ainsi les ancêtres que nous considérons comme héros du passé demeurent toujours présents prêts de nous cependant ils font parti du divin. Les ancêtres et les morts sont toujours présents avec les vivants. Ils se manifestent aux vivants soit par des événements heureux, soit dans les sinistres. Désormais prêts à protéger les vivants qui s’acquittent envers eux de leurs devoirs et qui les honorent. Ces morts sont aussi prêts à combattre les ennemis de leurs descendants parce qu’ils bénéficient de certains privilèges auprès de Dieu. En effet, ils participent du divin et un culte actif leur est dû. C’est pourquoi il faut les honorer afin de bénéficier de leur constante protection. Pour ce faire, il faut célébrer leur mémoire à travers « pratiques quotidiennes, cérémonies fréquentes, fêtes solennelles »[80]. C’est dans ce sens que « le culte des ancêtres et des crânes parait constituer tout le fétichisme des Bamiléké. Les rites qui le célèbrent semblent avoir pour base la crainte et le souci de se soustraire à la vengeance des défunts »[81]. Ce culte est assuré par le patriarche de la famille et généralement se termine par un repas partagé, qui symbolise la communion des vivants entre eux et des vivants avec les morts ; ceci témoigne aux yeux de tous qu’ils sont une communauté intime et sacrée.

- La préoccupation quant aux forces naturelles et le culte des génies de la nature : de même que les ancêtres, les esprits de la nature ou forces de l’univers sont conçus comme dotés de conscience, volonté et aptes à emprunter diverses formes physiques, c’est pourquoi il faut être en harmonie avec elles, ainsi, l’homme doit se mettre en accord pour éviter de les frustrer en respectant les interdits et les rites culturels. Cependant l’homme doit pouvoir « compter avec elles pour satisfaire ses besoins essentiels : nourriture, abri, vêtements »[82]. En effet, les forces de la nature octroient un climat favorable pour la récolte et la survie du groupe.

- La participation de l’homme au dynamisme universel : pour l’homme africain, toute activité ou manifestation est un acte comportant une signification car « tisser, cultiver, c’est participer à la création qui obéit à des lois surnaturelles. Danser, chanter, sculpter, c’est accomplir un rite dont le geste, le mouvement est symbole »[83]. En effet, les manifestations extérieures sont des représentations du monde invisible qui devient visible à celui qui détient la clé de la lecture ou de l’interprétation. En tissant par exemple, l’homme devient co-créateur de Dieu. C’est pourquoi il faut s’acquitter sainement de sa tâche pour être en communion avec Dieu. Il en résulte donc qu’il faudrait que chacun agisse avec efficacité dans l’univers en s’acquittant dignement et raisonnablement de ce qu’il a à faire pour rendre favorable la destinée de l’homme. Cette notion de participation engendre une impression de certitude, de solidarité, de confiance ce qui naître en l’homme une volonté de prendre appui sur la réalité universelle pour agir avec efficience. Cependant, il y a aussi dans cette participation de l’homme au dynamisme universel, la croyance à certains phénomènes comme la lycanthropie qui « est la faculté de revêtir des formes diverses animales ou fantomatiques et, le cas échéant, d’accomplir ainsi des méfaits en cachant sa véritable identité »[84]. C’est ainsi que quelqu’un peut prendre la forme d’un animal pour faire du mal et parfois même du bien. Notons aussi la croyance à l’envoûtement qui « consiste à établir une représentation d’un être sur lequel on souhaite agir (…) et d’effectuer sur elle des pratiques qui porteront effet sur la partie correspondante de l’être réel, ou à s’emparer de quelque chose qui a été en liaison étroite avec lui »[85]. Nous trouvons aussi la bilocation qui est « la faculté (…) de sortir de leur corps notamment pendant le sommeil et d’accomplir dans un autre lieu, parfois éloigné, des actes dont peut être quand ils retrouveront l’usage de leurs facultés, ils n’auront pas conscience »[86].

- L’initiation : c’est le point de départ d’un cheminement, l’entrée dans un processus, qui conduit à la plénitude de l’Etre suprême (qui renvoie à une transcendance, à Dieu ) et de l’être en particulier qui est homme[87]. Cette période est un temps qui apparaît comme une nouvelle vie au cours de la quelle le candidat doit acquérir de nouvelles valeurs et des connaissances, sures et certaines. En effet, l’initiation consiste à procurer les moyens de vivre au candidat et de le mettre en contact avec les génies et les ancêtres. Pendant ce temps de l’initiation, le candidat doit passer du monde ancien au nouveau ceci symbolise le passage de la mort à la vie pour rejoindre le principe premier. En effet, au cours de l’initiation le candidat meurt dans le monde ancien pour renaître à un nouveau monde au sein duquel il acquiert tous les secrets de sa communauté. Ce passage annonce à l’initié qu’il devient adulte, mais lui annonce en même temps qu’il est mortel. Les rites d’initiations ont des significations multiples et ont pour but principal d’introduire les jeunes générations dans l’art de la vie quotidienne. Les jeunes reçoivent une instruction secrète et reviennent au sein de la société pour incarner ces valeurs en tant qu’adulte pouvant désormais participer aux activités des aînés.
Dans les rites d’initiation notons la donation du nom. Le nom est « la réalité même de l’individu »[88]. Car il vérifie la puissance du verbe dans la civilisation africaine dont l’oralité est primordiale et souligne l’aspect participatif et dynamique de la personne. Participatif puisque le nom connote le lien entre celui qui le porte avec les éléments qu’il réincarne. Dynamique puisque les principales étapes de la personne marquée par les rites sont parfois spécifiés par le port d’un vocable révélateur. Ainsi, en donnant un nom à l’enfant, les parents le sortent de l’anonymat, et on le distingue dans l’ordre social, ce qui lui confère une identité et permet aussi de se dévoiler. Chez les Fon du Dahomey « le nom exprime la vocation première de l’enfant »[89]. Parce que chaque nom a une signification.
Dans le rite d’ouverture au monde l’accent est plus mis sur la circoncision. En fait, on cherche à débarrasser le jeune garçon de sa féminité, de lui ouvrir l’esprit et de le libérer d’un facteur d’ignorance d’obscurcissement, d’opacité.


V. L’INTERETS PHILOSOPHIQUES

a) Les mérites
La pensée Africaine est anthropocentrique, elle met l’homme au centre de sa réalisation et conçoit tout à partir de lui. L’anthropologie Africaine nous montre que l’homme de la naissance à la mort est une épiphanie, une révélation qui se manifeste progressivement. C’est pourquoi les rites ne consistent pas seulement à forger le caractère de l’homme mais plutôt l’aide à sortir de sa coquille[90] . C’est dans cette logique que l’homme reçoit un nom à sa naissance, lequel lui permet de s’identifie à un lignage et au cosmos.
Contrairement à l’Occident, qui perçoit l’homme dans une individualité formée d’une âme et d’un corps, l’anthropologie Africaine nous présente l’homme comme une pluralité constituée d’un corps, d’un souffle et d’une ombre. Celui-ci est un microscome qui appartient non seulement au macroscome qui est l’univers mais aussi à une fraternité multiple. En Afrique, le corps humain est un habitacle qui est le siège de tous les éléments spirituels qui constituent la frontière cosmique entre l’homme et l’univers.
Cependant comprendre l’homme Africain, c’est saisir la signification du contexte dans lequel il se réalise, des paroles qu’il prononce, des gestes qu’il pose, des symboles qu’il utilise. L’anthropologie Africaine nous donne une large perspective d’appréhension de l’homme qui dépasse ainsi le paradigme dualiste Occidental qui tend « à condamner l’homme à se concevoir et à vivre emprisonné dans les limites étroites de son moi et de sa personne…et par là même l’éloigne et le coupe inexorablement de son intériorité véritable et du monde extérieur, tant des animaux que des fleurs tant des autres humains que de Dieu parce que »[91] .
C’est pourquoi la conception tripartite de l’homme Africain peut être un grand apport dans la compréhension de l’homme. Car celui-ci est un labyrinthe dont la seule réduction aux réalités psychiques et corporelles fausse son entendement intégral. Raison pour laquelle, la valorisation de l’anthropologie Africaine est d’une grande nécessité dans la mesure où elle est un enrichissement pour la pensée philosophique, scientifique et médicale. Et l’une des preuves de son apport repose sur les travaux du Révérend père Hebga qui a rendu intelligible les phénomènes paranormaux sans faire recours à la science.
b) Les limites

Bien que l’anthropologie Africaine soit anthropocentrique, nous remarquons qu’elle réduit le statut de la femme à la capacité de procréation. En effet, seule la femme qui à enfanté est respecté, la femme stérile est isolée de la société.
L’homme dans la conception Africaine est éduqué à cultiver le moi social au détriment du moi personnel. C’est ainsi qu’il se retrouve aliéné par son lignage et l’univers dans lequel il vit. Cette interdépendance entre l’homme et la nature suscite un sous-développement mental qui entraîne une peur vis-à-vis de cette nature à laquelle il est lié.
La valorisation des pratiques comme l’ordalie, l’excision, l’autopsie traditionnelle, l’emploie de forces naturelles pour faire le mal est une atteinte à la dignité de la personne humaine. Réalités existantes encore de nos jours. De telles situations quotidiennes nous montrent que l’homme n’est plus un être précieux pour l’Africain. Raison pour laquelle sa revalorisation s’impose pour vaincre les forces du mal sur le bien.

CONCLUSION

Sans prétendre avoir épuisé toute la réflexion sur la question de l’homme dans la philosophie africaine, nous allons clore notre travail en affirmant de prime à bord qu’il apparaît clairement que, la conception anthropologique africaine n’est pas dualiste comme celle de l’Occident. Nous remarquons en effet, que dans la pluralité des composantes de l’homme africain, il n’y a de différence qu’au niveau de l’appellation, à cause de la diversité linguistique. Ainsi, après un travail ardu, le philosophe et anthropologue Hebga a su faire la synthèse de cette pluralité en mettant en évidence une conception triadique de l’homme communément admise en Afrique, et qui facilite la possibilité d’une certaine compréhension des phénomènes paranormaux, fonction du schéma du composé humain. Il s’agit du corps (qui porte et véhicule l’esprit), du souffle (vital) et de l’ombre qui est une entité maîtresse de l’espace-temps. L’homme en tant que principe archétypal de l’univers est le prototype de l’espace-temps. Il est le secret même de l’univers.
De ce qui précède, nous constatons que parler de la philosophie africaine revient donc, dans notre contexte d’étude, non seulement à différencier l’homme sur le plan biologique avec l’animal, mais aussi, différencier l’anthropologie africaine de l’anthropologie occidentale. Cela montre que celle-ci n’est pas universelle car comme l’affirme encore le philosophe Hebga cité par Lado : « L’universalité, la vraie, est au mieux un idéal ou une asymptote vers lesquels tendent toutes et chacune des œuvres philosophiques, qui sont structurellement et irrémédiablement particulières, limitées et situées »[92].
Le mobile de notre réflexion nous a aussi montré que l’homme africain émerge dans une société dont l’organisation socioculturelle marque sa particularité par rapport aux autres sociétés. Bref avec Louis Vincent Thomas, nous notons que « La notion de personne résume et cohère les idées-forces de la pensée négro-africaine traditionnelle. On y retrouve, en effet, l’exigence de pluralisme, les réseaux de participations et de correspondances qui relient le sujet au groupe et au cosmos, les dimensions verbales, le dynamisme et l’inachèvement, la richesse et la fragilité, le rôle important dévolu au milieu et la référence inévitable au sacré »[93].


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TABLE DES MATIERES


INTRODUCTION……………………………………………………………………………..1
I. LA DIFFERENCE ANTRHROPOLOGIQUE………………………………………… ...2
I.1. Le corps…………………………………………………………………………….2
I. 2. Le jeu de l’artifice…………………………………………………………………3
a) L’outil…………………………………………………………………………...3.
b) La règle………………………………………………………………………….4
c) Le langage……………………………………………………………………….5
I.3. L’homme comme arcxhétype du monde…………………………………………...6
II. LA CONCEPTION OCCIDENTALE DE L’HOMME……………………………………6
II. 1. L’historique anthropologique…………………………………………………….6
II. 2. La conception anthropologique ………………………………………………….7
a) l’âme………………………………………………………………………….7
b) Le corps……………………………………………………………………....8
III. LA CONCEPTION AFRICAINE DE L’HOMME………………………………………..9
III. 1. L’anthropologie égyptienne…………………………………………………………9
III. 2. La notion de personne et ses composantes chez les Sara du Tchad………………..11
III.3. Les composantes de la personne dans « la puissance du sacré » de Faik-nzuji……………………………………………………………………………………….12.
III. 4. La personnalité africaine chez les Yoruba du Nigeria : Unité et pluralité de la personne…………………………………………………………………………………..13
III. 5. La conception rwandaise de la personne…………………………………………...13
III.6.Les trois instances communément admises en Afrique selon Hebga……………………………………………………………………………………..14
a) Le corps…………………………………………………………………………...14
b) Le souffle…………………………………………………………………………..15
c) L’ombre…………………………………………………………………………….15
IV. L’ORGANISATION SOCIOCULTRURELLE DE L’AFRICAIN……………………...17
IV. 1. L’organisation politique……………………………………………………………17
IV. 2. La morale dans la tradition Africaine……………………………………………..18
IV. 3. L’organisation culturelle…………………………………………………………...22
V. L’INTERET PHILOSOPHIQUE………………………………………………………....26
a) Mérites……………………………………………………………………………...26
b) Limites……………………………………………………………………………..26
CONCLUSION……………………………………………………………………………….28BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………....











EXPOSE 3 : LA QUESTION DE DIEU EN AFRIQUE

Introduction

Affirmer l’existence de toute créature revient implicitement à affirmer celle du Créateur incréé de toute chose ; cet « Être absolu, en soi et par soi, principe d’être et/ou d’existence »[94], diversement désigné selon les cultures, mais toujours présent chez tous les peuples. C’est lui qui, désigné par Dieu, est aussi garant et salut de toute chose, notamment dans les religions monothéistes. Si en Occident et dans d’autres régions à religions monothéistes la question de Dieu apparait plus claire et bien structurée, qu’en est-il de L’Afrique ? Comment Dieu est-il perçu dans les traditions et philosophies africaines ? Contrairement à ceux qui nient toute croyance en un Être suprême à l’africain[95], l’expérience objective et historique montre que l’Afrique n’a pas beaucoup à apprendre sur la question, mais plutôt elle a son acception du même Être qui mérite l’attention de tout chercheur sérieux. Dans la philosophie africaine en effet, Dieu est aussi présent et revêt plusieurs représentations et manifestations à travers des noms, des objets de la nature, voire des phénomènes sporadiques ou énigmatiques. Actuellement, une conception assez réaliste de la religion traditionnelle africaine conduit immanquablement à l’affirmation du monothéisme. Ce qui amène Laleye à affirmer que « le monothéisme est aussi ancien que l’Afrique »[96] et Delumeau de renchérir ironiquement que « les missionnaires se sont trompés sur le diable africain »[97].
Mais L’apparente multiplicité de Dieu en Afrique, tant dans son langage que dans sa liturgie, jette comme un flou dans tout effort de compréhension. Et pourtant, au regard de la grande diversité africaine, de la pluralité de ses rites religieux et de ses ancêtres plus ou moins redoutés, il y a bien une unicité de Dieu qui fonde la multiplicité des pratiques religieuses apparentes. D’où l’importance de cette étude qui se propose d’éclairer et de préciser l’identité conceptuelle de Dieu dans la pensée africaine ; question d’affirmer rationnellement, autant que faire se peut, son essence, sa richesse et son esprit. Ce faisant, nous observerons quatre moments dans notre exposé : La conception occidentale de Dieu, la conception africaine de Dieu, le sacré comme signe de la permanence de Dieu et l’intérêt philosophique.
I. Conception occidentale de Dieu
Selon Lalande, Le concept de Dieu dans la philosophie grecque antique revêt plusieurs sens. Théos est considéré comme un principe d’explication. Du point de vue ontologique, il est principe unique et suprême de l’existence et de l’activité universelle. Il est soit comme une substance immanente des êtres, soit comme cause transcendante créant le monde hors de lui, soit comme fin de l’univers[98]. Du point de vue logique, Dieu est principe suprême de l’ordre dans le monde, de la raison dans l’homme et de la correspondance entre les pensées et les choses. Dire Dieu est une difficulté non négligeable. D’ailleurs Einstein répondant à une interview portant sur sa foi en Dieu disait : « définissez-moi d’abord ce que vous entendez par Dieu »[99]. Il n’y a presque pas de consentement universelle sur le terme Dieu ; il a recouvert et recouvre encore des croyances diverses.
I-1. Le théisme traditionnel
C’est la conception de Dieu qui semble la plus familière, parce qu’elle est celle des grandes religions (juives, chrétiennes, musulmanes) issues de la Bible. Cette conception de Dieu créateur de l’univers, transcendant au monde crée et source de tout ce qui existe est aussi partagé par certains philosophes. Ceux là reconnaissent un Dieu personnel, tout puissant et parfait. Cette considération qu’ont les philosophes de Dieu a longtemps été sujet de débat surtout contradictoire, du fait que l’acception générale n’admet pas que le dieu des philosophes soit identique à celui des chrétiens. Mais « il s’agit beaucoup plus d’une opposition portant sur les moyens de connaître ce Dieu, d’être conduit à son existence que d’une opposition sur le concept même de Dieu. »[100].
En fait il y a d’autres attitudes philosophiques que le théisme. Nous examinerons aussi le panthéisme, l’athéisme et l’agnosticisme.
I-2. Le panthéisme
De son étymologie, le mot vient de deux mots grec pan (tout) et théos (Dieu) il se traduirait par dieu est partout. Pour les panthéistes, Dieu n’est ni créateur du monde, ni extérieure et supérieur (transcendant) au monde. Mais Dieu se confond avec le monde ou encore le monde est en Dieu, non à l’extérieure de lui. Ils insistent sur l’infinité divine et n’admettent pas de Dieu créateur. Car si Dieu avait crée quelque chose à l’extérieure de lui-même, il n’aurait pas été la Totalité, l’Absolu Infinité. L’univers est en Dieu et non hors de Lui : Dieu est immanent à l’univers.
I-3. L’athéisme
C’est la négation complète de Dieu : les tenants de cette pensée conçoivent que le monde n’a pas été crée par une personne transcendante, il ne procède pas davantage d’une unité immanente, d’un principe dont il serait le développement. Le monde ne tendrait ni vers un but, ni vers une fin posé comme son terme et son accomplissement. Le monde serait éternel, sans commencement, ni fin.
I-4. L’agnosticisme
Les tenants de ce courant pensent qu’on ne peut se faire une idée de Dieu encore moins une idée de son existence. Pour eux, l’univers est mystérieux. Qu’il soit crée ou non, qu’il n’ait ni commencement ni fin, ce sont des choses également incompréhensibles. Le problème des origines et des fins dernières ne sont pas à la portée de l’homme. D’ailleurs Litré le signifiait en ces termes : l’absolu « est un océan pour lequel nous n’avons ni barque ni voile »[101].II- Conception de Dieu en Afrique
Apres avoir exposé la pensée occidentale sur Dieu, nous retenons que toute l’occident, ne parvient pas a avoir une conception unique et universelle de Dieu. En Afrique, malgré l’apparente multiplicité des divinités qui friserait le polythéisme, le peuple a sa manière propre de dire Dieu.
II.1. Apparente pluralité de Dieu

Oser parler de l’apparente pluralité des dieux, revient à affirmer d’emblée l’unicité de Dieu. Toutefois dans le contexte africain, s’il faut parler de la multiplicité des dieux, cela se comprend et peut se justifier suivant les situations et les réalités de chaque peuple.
D'après l'historien Hérodote telle que nous le présente Oum Ndigi, les Égyptiens sont les plus religieux des hommes[102]. Ils connaissent plusieurs dieux. Parmi ces dieux, ils reconnaissent Quatre dieux majeurs. Atoum/Rê d'Héliopolis, Ptah de Memphis, Amon-Rê de Thèbes et Osiris sont les quatre principales divinités du pays. Chacun des dieux est lié à une ville. Il n'y a pas une ville ni une simple bourgade qui n'honore son dieu. Les prêtres en font un démiurge en lui attribuant l'œuvre des grands dieux créateurs. Pour les prêtres de Memphis, qui mettent au point le troisième mythe de la création, le démiurge n'est autre que Ptah, dieu à forme humaine. Ptah crée le monde par la parole. Il conçoit d'abord les hommes, les animaux et la végétation dans son cœur, qui est, pour les Égyptiens, le siège de la pensée et de l'intelligence[103]. Il prononce ensuite leur nom pour les faire exister.
Une fois l'univers formé, le Noun ne disparaît pas. Le monde est menacé de retourner au chaos si le culte n'est pas régulièrement rendu aux dieux dans les temples.
Notons que chaque dieu égyptien reçoit une vénération particulière suivant sa fonction : Soleil, créateur du monde, Rê est l'un des plus anciens dieux d'Égypte. Dans la journée, il traverse le ciel et éclaire la terre. Le soir, transformé en vieillard, il s'enfonce sous terre, dans le monde des morts où il navigue toute la nuit. Après avoir triomphé de tous les périls, il renaît le matin à l'horizon, sous la forme du scarabée. Il est vénéré dans le temple d'Héliopolis.
Ptah reçoit un culte dans le temple de Memphis (aujourd'hui détruit), qui est l'un des plus grands du pays. C'est un dieu créateur et le patron des artisans.
Amon-Rê, dieu de Thèbes, s'impose comme le chef de tous les dieux et le protecteur de la royauté et de l'empire.
Osiris, enfin, est le très populaire dieu des morts.
Ces dieux sont toujours présents. Parmi les divinités les plus fréquemment figurées dans les temples, se rangent Thot, dieu de l'Écriture et de la Sagesse, messager des dieux ; Hathor, déesse de la Joie, de l'Amour et de la nécropole de Thèbes ; Sekhmet, épouse de Ptah à tête de lionne, qui répand la maladie et les épidémies mais les guérit aussi ; Khnoum, à tête de bélier, vénéré à Éléphantine, où il a créé les hommes sur son tour de potier et où il veille sur la crue du Nil ; Anubis, à tête de chacal noir, le dieu des Morts et de l’Embaumement ; Isis et Nephtys, les sœurs d'Osiris, qui l'aident à ressusciter les morts ; Hapy, le dieu du Nil et de la fécondité, qui a l'aspect d'un homme avec une poitrine de femme ; Maât, femme avec une plume sur la tête, qui est l'incarnation de l'équilibre du monde créé par les dieux et de la Vérité[104].
Aussi, en Centrafrique, notons que le dieu ngakola est vénéré par la danse, pour symbolisé le visage pacifique et joyeux de dieu[105].
Par exemple au Sud du Tchad, avant d’aller en guerre, il y a un dieu à qui on rend culte lequel dieu intercède auprès de Dieu suprême pour permettre de mener à la fois un combat terrestre et aérien.
Chez les bamiléké du Cameroun, le peuple connaît la vénération de plusieurs divinités. Par exemple à l’entrée de certaines concessions, nous rencontrons de petites maisons construites en l’honneur du dieu protecteur de la famille.
Par ailleurs dans L’Etre comme génération, nous apprenons que :

« Dans les pays du golf, les sacrifices sont offerts à des entités divines différentes du Dieu unique. Elles sont orisha. C’est les vodou, ce terme en langue fon, signifie mystérieux, inconnaissable. Les vodou sont nombreux : les célestes comme le couple Mawi-lisa, les terrestres Fa ou protecteurs individuels. Le problème, le même, se pose ici avec plus de clarté, celui du rapport entre le couple céleste entrevu comme le Dieu suprême unique et les dieux terrestres Fa. »[106].
Nous sommes tentés de dire que les dieux suscités prennent la place de Dieu. Or ces dieux conçus par les différents peuples africains, peuvent être qualifiés d’intermédiaires. Ce qui amènerait à écarter l’idée du polythéisme. Toutefois, on peut penser un éclatement de monothéisme primitif pour parler de l’émergence du Dieu supérieur à partir d’un polythéisme.

II.2. L’unicité de Dieu

La question de l’unicité de Dieu en Afrique, semble ne pas être appréhendée par tous de la même manière. Ceci serai du à la grande considération que les africains auraient des divinités, des médiateurs et même la grande importance qu’ils attachent aux rites d’initiation bref, au sacré (au point où celui pour qui le rite est fait semble être oublié). Ce caractère sacré et le respect dû est si poussé Dieu ne peut se mélanger à la sphère des hommes, il est retiré et l’on ne peut désormais l’atteindre que par des rites et sacrifices. Ce Dieu qui vit en retrait est semblable à l’Un de Plotin :

« Nyambe est Un, si purement un qu’on ne peut pas l’exprimer ni le penser de sorte qu’à la fin on ne puisse pas dire qu’il est Un, ni même qu’il est, d’une part, mais aussi, on ne peut dire qu’il est l’Un qui est toute chose »[107].

On ne peut clairement dire ce qu’est Dieu pourtant, l’africain ne garde pas silence comme le ferrait Wittgenstein « Ce qui peut être dit peut être dit clairement ; et ce dont on ne peut parler, il faut le passer sous silence»[108]. Par des attributs, l’africain dit Dieu, exemple, Dieu est Puissant, parfait, bon, créateur. « Il n’ya qu’un seul Dieu qui a tout créé, qui est toute puissance et toute volonté. Toutes les puissances, toutes les volontés des génies et des ancêtres ne sont que des émanations de Lui »[109]. Cette compréhension de Dieu en Afrique favorise la présence réelle des êtres intermédiaires qui mettent l’homme en contact avec Dieu.
Selon Vincent Mulago, Dieu est en relation avec les hommes à travers les esprits. « Nyamuzinda est essentiellement bon mais il existe entre lui et les hommes des Bazimu. Ce sont ces derniers qui influencent immédiatement la vie. Avec Nyamuzinda, l’homme peut et doit avoir les moyens de s’attirer la bienveillance de esprits et de décliner leurs coups »[110].
Une autre illustration de l’idée de Dieu dans la vie de l’homme africain c’est dans la culture rwandaise. Et là nous partons du témoignage de Nothomb: « …à mon tour, après tant d’autres Européen arrivant au Rwanda je n’ai pu ne pas être impressionné par la place qu’occupe Dieu dans la culture rwandaise »[111]. D’après son témoignage, cette prééminence se remarque par la place qu’occupe le nom de Dieu dans celui des hommes. Etant donné le sens du nom Dieu « Immana », plusieurs noms contiennent ce mot comme suffixe : C’est le cas de « Habyarimmana », c’est Dieu qui engendre, « Hahingimmana », c’est Dieu qui cultive…
De même dans le langage courant, on rencontre souvent des expressions comme « Immana ikulinde », que Dieu te protège.
Ce Dieu apparemment lointain, est aussi le tout proche. Cette proximité est comprise par le don des noms théophores, la permanence de la présence du nom de Dieu dans toutes les circonstances de la vie.

« Le nom de Dieu (Eso) ne se perd jamais dans la bouche de l’homme ; si tu veux voyager demain, en allant te coucher tu te dis : que Dieu me réveille bien demain ; as-tu heurté une pierre, c’est d’abord le nom de Dieu que tu invoques ; as-tu trouvé quelque chose en chemin, tu t’écries Dieu m’a donné »[112].

Le nom de Dieu invoqué ici est celui du Dieu unique qui ne peux être confondu aux divinités encore moins aux êtres intermédiaires.
Nous sommes en présence de deux réalités dans la conception africaine de Dieu. Ce sont des réalités extérieurement paradoxales. Il n’en est pourtant pas question. Le dieu africain est unique et mystérieux du fait qu’il est à la fois accessible et peu familier. Cette approche paradoxale partagé par la quasi-totalité des africains n’est qu’un chemin ouvert sur l’unique Dieu car « l’esprit bantu concilie aisément le Un et les Uns, c’est-à-dire, l’unicité et la multiplicité parce qu’il admet que l’Un est au dessus de toute chose et en toute chose »[113].
Dieu est le principe fécondant, dans ce sens, il y a lieu de parler de son unicité. D’après la compréhension du professeur Robert Ndebi Biya, le principe fécondant attribué à Dieu se définit comme simplicité et non comme composition[114]. La problématique est que dans le contexte africain, on parle de Dieu ou de plusieurs dieux. Mais il y a un seul Dieu qui est l’origine et la substance de toutes choses ; il est en dehors et au-delà de sa création, et d’autre part, il est personnellement engagé dans cette création de sorte qu’elle n’est pas en dehors de lui ou hors de son atteinte. Dieu est ainsi à la fois transcendant et immanent. Pour John Mbiti : « Il y a environ trois cents peuples de toute l’Afrique, à l’exclusion de communautés fortement chrétiennes ou musulmanes, sans une seule exception, les hommes connaissent un Dieu qui est l’Etre suprême »[115] C’est la notion la plus concise et la plus fondamentale de Dieu ; nous pourrons même dire qu’on la retrouve dans toutes les sociétés africaines.
Comme ailleurs dans le monde, l’africain manifeste sa croyance en Dieu par l’appartenance à une religion. Cette dernière a une grande influence sur la société africaine. Mais en Afrique, il n’y a pas qu’une seule religion. L’animisme, religion primitive, considère tous les êtres comme vivants et intentionnés. Cette religion est sans clergé sinon le responsable de la famille. Selon J. Ki-Zerbo, les animistes croient en un Dieu absolu et suprême. Ce dernier n’est invoqué qu’en des circonstances particulières, lorsque les autres dieux restent impuissants. Ces dieux sont des objets ou fétiches. Les gens croient qu’ils ont des vertus bénéfiques sur ce qui les portent ou maléfiques dans certains cas. « Si vous leur demandez d’où vient cette force, cette activité, ils vous répondront que c’est Dieu (Nyamuzinda) lui-même qui l’y a mise »[116]. Dieu est donc unique en Afrique malgré son apparente pluralité.
Le sacré comme signe de la permanence du divin
III.1. Ancêtres

Dans la pensée africaine la vie ne se laisse jamais séparer de la mort. Ceci étant, les conceptions mortuaires sont extrêmement complexes et se présentent de manière fort variable dans les différentes sociétés. Selon l'anthropologue africaniste Louis-Vincent Thomas (1922-1994), pour la majorité des africains, la mort ne semble pas constituer « la négation de la vie, mais plutôt une mutation »[117]. Les morts ne sont pas vivants, certes, mais comme nous le constatons dans les vers de Birago Diop, ils continuent d'exister sous forme de forces spirituelles et sont en interaction avec les vivants :

« Ceux qui sont morts ne sont jamais partis ;
Ils sont dans l'ombre qui s'éclaire,
Ils sont dans l'ombre qui s'épaissit...
Les morts ne sont pas morts ;
Ils sont dans l'ombre qui frémit;
Ils sont dans le bois qui gémit ;
Ils sont dans l'eau qui coule ;
Ils sont dans l'eau qui dort ;
Ils sont dans la case; ils sont dans la foule...
Les morts ne sont pas morts… »[118].

Avant d’arriver au monde des défunts, l’on distingue en Afrique la mort bonne (normale) et mauvaise (anormale). La mauvaise mort touche un homme qui meurt soit jeune, soit de manière imprévue (un accidenté), soit d’une maladie désintégrant le corps ou la psyché. Cette mort est souvent conçue comme une punition ou une malédiction. On cherche donc sa raison et son responsable pour qu’elle ne frappe plus les autres. Parfois on refuse dans ce cas un enterrement normal. La mort bonne concerne un homme vieux qui a laissé une descendance. Il doit mourir d’une maladie naturelle (sans une dégradation physique ou psychique) et bien conscient de son état[119]. Normalement, on n’appelle pas cela la mort et l’enterrement se transforme en une fête triomphale en faveur du défunt qui acquiert le statut de l’ancêtre[120].
Avant d’arriver dans le monde des ancêtres, le défunt doit effectuer un long et difficile voyage à l’instar d’une démarche initiatique. Comme il n’a plus la possibilité de rebrousser chemin, il est obligé de parvenir au bout pour pouvoir continuer sa vie dans la paix. Il est accompagné par son groupe familial et social qui, par des actions symboliques imposées par la tradition, l’aide à achever sa route et à obtenir le statut d’ancêtre.
L’arrivée du défunt au village des ancêtres est célébrée avec les secondes funérailles qui marquent la fin du deuil. Cependant ce ne sont pas tous ceux qui entrent dans ce pays qui obtiennent le statut d’ancêtre. Dans certains cas, surtout s’il s’agit de mauvaise mort, les ancêtres peuvent même exclure quelqu’un de la communauté ethnique. L’exclu sera condamné à errer autour du village sans pouvoir y entrer. Suspendu entre les deux mondes, il cherchera à retourner au pays des vivants sous différentes formes[121]. Le pays des morts porte des noms bien différents qui expriment surtout son altérité. Car c’est le domaine de l’invisible, des esprits. Mais il n’est pas « localement différent de notre monde. Car les morts restent avec nous; ils se mêlent à notre vie ; ils nous voient; ils nous suivent, même si nous ne les voyons pas »[122].
Ceux qui ont obtenu le statut d’ancêtre occupent une place importante parmi les puissances de l'au-delà. Selon un principe général, l'autorité croît avec l'âge. De ce fait, les ancêtres, avec à leur tête l'Ancêtre aïeul fondateur du peuple, occupent un rang supérieur à celui des plus anciens de leurs descendants vivants, mais inférieurs aux dieux et surtout au Dieu Suprême ou Créateur, Ancien par excellence.
A l'instar des anciens vivants, ils conseillent les leurs (dans les rêves), prennent soin de leur bien-être, assurent la fécondité des hommes, des animaux et des champs et veillent au strict respect de l'ordre traditionnel par leurs descendants. Ils avertissent ceux qui les négligent par des signes et des mésaventures et frappent les coupables d'une maladie, d'un accident, de pertes matérielles ou de la mort.
Tous les vivants ont donc un intérêt vital à maintenir de bonnes relations avec eux, grâce notamment au culte des Ancêtres. On s'adresse à eux avec des prières et on leur offre régulièrement des dons sacrificiels pour les nourrir, mais on les invite aussi aux grandes et petites fêtes célébrées au sein de la famille ou de la communauté entière pour commémorer leur gloire, pour les régaler, pour les amuser avec des chants et des danses et pour leur faire de riches cadeaux au moment de leur départ.

III.2. Médiateurs

Le contact avec la divinité ne se réalise pas comme celui avec un ami ordinaire. Il passe par des médiations et comme dans toute religion, l’Africain dans sa particularité religieuse s’élève à Dieu ou mieux encore, rentre en lien avec son Dieu de façon plus concrète, à travers des médiateurs. C’est dans ce sillage qu’on s’intéressera à voir qui sont ces médiateurs et que font-ils ?
Le dictionnaire Petit Robert définit médiateur comme une « personne qui s’entremet pour faciliter un accord entre deux ou plusieurs personnes ou partis »[123]. On pourrait alors dire tout simplement que c’est celui qui facilite le lien entre les hommes.
Par ailleurs, l’Etre suprême étant trop éloigné des hommes de par sa grandeur, il faudrait s’adresser à des agents intermédiaires, qui sont comme des véhicules appropriés pour transporter jusqu’à lui, des doléances et les louanges des hommes. A ce titre, les médiateurs (dans le monde religieux de l’Africain) sont principalement les prêtres et les ancêtres. Ainsi ces médiateurs assurent le lien entre le visible et l’invisible. Bref, ils jouent le rôle de « pont » qui relie le monde visible et le monde invisible. Cela dit, on pourrait s’interroger sur ces médiateurs.
Ces prêtres sont choisis au milieu du peuple et consacrés ou initiés pour remplir des taches spécifiques, ou encore, ils sont issus de famille sacerdotale des clans spécifiques et remplissent les fonctions qui leurs sont assignés. C’est donc en vertu de leur consécration et fonction qu’ils offrent des sacrifices à Dieu au nom du peuple : soit en action de grâce, soit pour invoquer les bénédictions de Dieu (ou des dieux) soit pour apaiser sa colère, car Dieu se fâche lorsque le peuple commet des dérives. Ainsi une fois institué le prêtre utilise des matières telles que du vin, du sang de poulets, de chèvre ou de bœuf et bien d’autres animaux et objets significatifs suivant les cultures.
En outre, poser un acte religieux nécessite certaines dispositions. C‘est ainsi que le prêtre de la religion africaine au pied de l’autel, sous un arbre, ou en un autre lieu avec un aménagement sommaire où s’effectue la rencontre avec la divinité, doit d’abord être propre : sa bouche, précise Amadou Hampaté Ba, doit être rincée et parfumée au moyen de plantes appropriées ou de résines spéciales[124].
D’autre part, les ancêtres contrairement aux prêtres ne sont, ni choisis par le peuple ou consacrés ou par lui, et n’offrent pas de sacrifice au nom du peuple. Cependant, ils intercèdent devant Dieu pour le peuple. Mais qui sont ces ancêtres ? Ils sont des membres défunts du lignage, forces invisibles et autonomes, disposant de la possibilité de favoriser la poursuite du bonheur de leurs descendants comme ils peuvent aussi causer du tort à leurs entreprises si les vivants le négligent ou transgressent les tabous. Ils sont donc les intercesseurs les plus proches et les plus efficaces grâce au lien du sang qui les relie à leurs descendances. Ceci dit, ce n’est donc pas tout défunt qui devient automatiquement médiateur (ancêtre). Il faut bien de conditions à remplir parmi lesquelles une intégrité physique étique et psychique, qui d’après Samboue,

est la première condition fondamentale pour espérer devenir ancêtre. C’est pourquoi certaines personnes considérées comme anormales (fou, lépreux) ou incapables d’assumer leur vie et leur maturation dans et par l’initiation ne peuvent pas espérer être élevées à l’ancestralité.[125]

L’ancestralité n’est donc pas un domaine accessible à toute personne mais à ceux-là qui la méritent.
En somme, disons que s’élever dignement et ordinairement à la divinité dans le contact africain nécessite des médiations et les médiateurs sont essentiellement les prêtres et les ancêtres.

III.3. Initiation

De toutes les autres étapes de la vie humaine comme la naissance, la mort, l’initiation est la plus capitale et la plus déterminante de toutes. Elle se vit à l’âge d’adolescence. Etymologiquement, le mot initiation du vient latin initium, initiare, initiatio, qui signifie commencement, entrée.
D’après Louis Vincent Thomas et René Luneau, l’initiation se définie sous deux angles: individuel et collectif. Individuellement, l’initiation est comprise comme :

« Un ensemble complexe de techniques visant à humaniser (culturaliser et socialiser) l’être humain par le biais de la connaissance libératrice et des épreuves bienfaisantes, afin de l’orienter vers ses responsabilités d’adulte, de spécifier son statut et ses rôles qu’un tel passage ne manque pas de provoquer (sécuriser) ; il permet le cas échéant au sujet qui le subit (sens passif) d’accéder aux formes les plus hautes de la spiritualité créatrice (sens actif) »[126].
Par contre socialement, elle est :
« Un ensemble de procédés ou le profane ( fêtes, accélération des processus économiques) côtoie le sacré ( rites de passage mais aussi rites religieux, par lesquels la société, directement ou par la médiation de groupes spécialisés ( sociétés initiatiques, sociétés culturelles, prend en main son destin, soit qu’elle assure la continuité et la succession des générations, soit qu’elle lutte contre l’usure du temps et les effets dissolvants de la mort, soit enfin qu’elle favorise sa propre unité »[127].

Ainsi, partant de cette définition, nous pouvons dire que l’initiation est individuelle et sociale. Elle vise plusieurs objectifs. Elle a pour but d’aider le jeune à s’intégrer dans le groupe social. Elle permet la croissance du jeune en l’insérant dans le monde des adultes. Elle joue un rôle éducatif et religieux dans la mesure où elle prépare les jeunes à la sexualité, au mariage, à la procréation et aux responsabilités familiales. Elle met le jeune au contact du sacré, qui peut favoriser l’union avec Dieu. Pendant l’initiation, le jeune entre dans la case initiatique des ancêtres qui sont considérés comme sacré et qui sont le signe visible de Dieu. Le jeune prend connaissance des secrets cachés du monde.
L’initiation est constituée des rites ; or qui dit rite dit mythe et ce dernier est « La source des archétypes intemporels qui codifient les croyances et modèlent les comportements des groupes qui s’en réclament »[128]. C’est dans cette perspective que nous pouvons comprendre Ndebi Biya lorsqu’il dit :

« Par la médiation de l’initiation, l’homme, comme individu ou genre se réalise en accédant au rapport avec l’être originaire divin. L’initiation de l’homme consiste à toucher ce Divin, à s’en imprégner, et par contagion à le transmettre, à le semer à tout vent, pour la survie de l’individu et de la société »[129].

L’initiation constitue donc la porte d’entrée dans le système religieux traditionnel qui est inséparable aux récits mythiques et aux archétypes symboliques qui nous conduit vers l’être plénier. A travers l’initiation, l’homme incarne en lui le divin puis le communique à son tour afin de faire vivre l’individu et la société.
D’une manière générale, nous considérons que l’initiation est le fait religieux par excellence dans la mesure où elle rassemble le groupe social. De façon stricte elle l’est, dans la mesure où elle se vit à travers les rites sacrés tels que

« prières de demande et d’action de grâces, rites d’union (sacrifices, offrandes), rites de réparation (confession, purification), rites de consécration (à l’ancêtre éminent, à tel génie, à Dieu), techniques de divination mais aussi liturgies de la naissance et de la mort »[130].

La présence de ces rites sacrés est le signe visible de la présence de Dieu. Nous pouvons à travers tout ceci nous rendre compte de l’idée de Dieu dans la pensée africaine. Nous allons essayer d’explorer cela à travers le rite d’initiation ‘‘So’’ des Fang du Cameroun et du Gabon.
Le rite d’initiation ‘‘So’’ est fondamentalement un cheminement pédagogique. C’est une méthode à travers laquelle le jeune fait connaissance de Dieu par lui-même, tout en favorisant l’atmosphère. Au cours de cette initiation, on n’a l’impression que l’on ne pas fait pas référence à Dieu, que Dieu est absent dans les cérémonies initiatiques. Il n’y a pas de prière et des sacrifices à offrir au Dieu des Fang. Ceci pour permettre au jeune de percevoir ou de découvrir seul Dieu. Mais Pourtant si l’on regarde bien ce rite revêt un caractère religieux « Elle suppose partout la présence de Dieu »[131]. Ce rite en soi parle de Dieu, c’est pour cette raison qu’il ne fait pas allusion au nom de Dieu, du fait qu’il intervient de façon directe dans chacune de leurs cérémonies. L’initié sera conduit à découvrir seul la présence de Dieu, dont le grand prêtre du So lui fera découvrir l’existence à la fin.

Intérêt philosophique
Il y a un intérêt réel à dégager de cette étude sur Dieu en philosophie africaine. Elle offre dans l’ensemble une spécificité africaine de concevoir Dieu et de le vivre au quotidien. Remarquons une fois de plus que Dieu dont il est question en Afrique est le même affirmé partout ailleurs, en vertu du fait que c’est une propriété humaine que d’affirmer Dieu et d’entrer en relation avec lui à travers des rites liturgiques.
Vue de l’intérieur, l’unicité de Dieu ne se confond pas avec la multiplicité de ses manifestations et de ses intermédiaires. L’Africain ne confond pas non plus la sainteté de Dieu avec la sacralité de tous les objets intermédiaires qui interviennent dans sa vie spirituelle. Dieu est conçu comme celui qui se situe bien au-delà de toute créature et production humaine ; Il est par conséquent supérieur à toute créature, bien que présent dans la vie et pourvoyeur de tout. L’importance de certains intermédiaires dans la liturgie traditionnelle africaine est capitale parce qu’elle témoigne du rattachement ancestral de la religion et d’une certaine continuité où l’idée de la fidélité à l’authenticité originale est de mise.
Vue de l’extérieur Dieu en philosophie africaine est confusément perçu, voire complètement ignoré par certains non africains. En fait ce ne sont en principe que de personnes ignorantes de la religion africaine et le plus souvent mal intentionnées qui refusent à l’Africain la capacité à concevoir véritablement Dieu comme Être transcendant et incréé. Or une religion se vit d’abord et ensuite l’on peut mieux la comprendre et la théoriser ; c’est en vivant selon les orientations liturgiques de la religion qu’on la conçoit mieux. Nous comprenons alors pourquoi certains observateurs extérieurs à la pratique et à la conception de Dieu en philosophie africaine peuvent ne pas dire exactement ce que vit et pense l’Africain en ce qui concerne l’Être suprême, Dieu transcendant. La raison en est toute simple : il ne suffit pas d’observer les pratiques religieuses africaines pour les comprendre, il faut les pratiquer, les vivre de l’intérieur.
La particularité de la conception africaine de Dieu, qui obéit manifestement à une diversité et à une multiplicité des pratiques, est un apport dans la religiosité de toute l’humanité. Il n’est pas forcément dit que Dieu doit être conçu et vécu uniformément chez tous les peuples. L’égalité des peuples ainsi que leur différence facilitent sans doute l’acceptation de la diversité des pratiques religieuses en Afrique. Ce qui ne constitue en rien une ignorance quant à l’existence de Dieu et de ses caractéristiques propres.
CONCLUSION
Au terme de notre réflexion sur Dieu en philosophie africaine, il est davantage évident que Dieu est non seulement présent dans la pensée africaine, mais il est également le même que celui admis dans bien d’autres religions monothéistes ou pas. Dieu est unique et incomparable avec les autres divinités et différents intermédiaires qui jonchent toute la liturgie traditionnelle.
Une observation studieuse et sans a priori de la pensée religieuse africaine devra sans doute aboutir aux mêmes conclusions que celles affirmées ailleurs, telle en Occident par exemple, à savoir que l’homme est capable de Dieu. L’homme Africain, en tant qu’homme tout court, est naturellement capable de Dieu. A la différence de Sartre qui ni l’existence de Dieu en affirmant que tout part de l’homme qui n’est rien d’autre que ce qu’il se fait[132], l’Africain pose au préalable une nature humaine voulue par Dieu. Il s’est avéré alors normal et logique que ce Dieu Créateur soit bien présent dans la vie de l’Africain et ce presque à tous les instants de son existence. En effet, Dieu pour l’africain est un être transcendant. Ce caractère de transcendance fait de lui un être si éloigné que pour l’atteindre il y a une réelle nécessité de passer par des dieux. Chacun de ses dieux en son domaine de compétence, tient lieu et place de Dieu : ils sont des lieutenants. Aussi, ce Dieu transcendant africain est en même temps un Dieu immanent.
Comme tout homme, l’Africain porte en lui une dimension universelle qui fonde sa vision d’une religion universelle et bien communicable à toute personne de bonne volonté. Ainsi, pense Laleye, le Dieu de la religion africaine n’est pas propre aux Africains, il est le Dieu universel vécu et conçu différemment dans toutes les religions[133].

BIBLIOGRAPHIE

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Dictionnaires
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LALANDE A., vocabulaire technique et critique de la philosophie, Quadrige, P.U.F., 2002.
TABLE DES MATIERES
Introduction.. 1
I. Conception occidentale de Dieu.. 2
I-1. Le théisme traditionnel 2
I-2. Le panthéisme. 3
I-3. L’athéisme. 3
I-4. L’agnosticisme. 3
II. Conception de Dieu en Afrique. 4
II.1. Apparente pluralité de Dieu. 4
II.2. L’unicité de Dieu. 6
III. Le sacré comme signe de la permanence du divin.. 9
III.1. Ancêtres. 9
III.2. Médiateurs. 11
III.3. Initiation. 12
IV. Intérêt philosophique. 15
CONCLUSION.. 17
BIBLIOGRAPHIE. 18
TABLE DES MATIERES. 19


EXPOSE 4 : La parole : dévoilement de l’être ou théorie de la être ?



TABLE DES MATIERES
Introduction ……………………………………………………………..……………………2
I- LA PAROLE COMME DEVOILEMENT DEL’ÊTRE…………………….....………..3
1. Pour une compréhension de l’origine de la parole en Afrique…………….………3
2. Effet et efficacité de la parole africaine ……………………………………….…..5
3. Implications sociologiques de la parole en Afrique. ………….……….…..……..6

II- ESSAI SUR L’APPROCHE EPISTEMOLOGIQUE DE LA PAROLE……………..8
1- La parole comme véhicule de la tradition. …………………..……………………..8
2- L’implication du « Je » dans le langage de la formule de bénédiction…...….…......9
2- L’activité onirique, parole ouïe comme véhicule de message ………..…….……10
III- APPROCHE CRITIQUE DE LA PAROLE EN AFRIQUE……...…………………11
- LANGUAGE, TRUTH AND REASON ………………….………..……….……...….12

CONCLUSION……………………………………………………………………………14
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………..15













INTRODUCTION
L’homme africain est fondamentalement un Homo loquens, « homme de parole ». Il est avant tout un être qui parle. La parole est donc le signe distinctif de l’Africain. C’est pourquoi la parole joue un rôle important dans l’existence de ce dernier. Parler, ce n’est pas seulement faire usage d’une langue établie, en respectant toute l’architecture qui l’entoure, c’est surtout signifier quelque chose. La parole n’est pas seulement une simple traduction verbale, elle sert d’instrument favorable à l’harmonie de l’homme. Elle est l’être même dont tout génère. L’être ici peut être ramené à la divinité, à la totalité. Cependant, il ne s’agit pas de l’être de Platon car pour ce dernier, de l’être il ne peut y avoir génération. Nous sommes plutôt séduits par l’être plotinien qui renvoie à la conception africaine de l’origine et de la force de la parole mystique en Afrique. Plotin met en exergue l’Un il remplace l’être premier par celui-ci et donc le Vrai Beau provient de lui. L’être ou l’inconditionné est principe de génération dans le cosmos, dans la mesure où tout provient de quelque part. Il en est de même pour la parole dans sa réalisation effective. La parole met en évidence l’immédiateté qui respecte une certaine structuration, qui fait intervenir l’émetteur du message et le récepteur. Ainsi, par le biais de la parole, l’Africain établit un lien avec son entourage qui est proche ou éloigné. L’ancêtre devient l’élément privilégié qui fonde l’organisation sociale. Quels sont les points de repère qu’offre la parole dans l’existence de l’Africain ? Peut-on toujours établir une correspondance entre l’usage de la parole et sa réalisation ? Nous visiterons ces alternatives d’abord en parlant de la parole comme dévoilement de l’être, puis nous scruterons certains aspects du verbe africain et enfin nous poserons un regard critique sur la parole.

I-LA PAROLE COMME DEVOILEMENT DE L’ÊTRE.
1. Pour une compréhension de l’origine de la parole en Afrique
Dans la culture africaine bantou, au commencement était le verbe et le verbe était récit oral. C’est à travers le mythe de Eyo que le narrateur épique Nje-Nguema présente l’origine du monde. Il nous montre Eyo, « L’Être des commencements se parlant à lui-même et se demandant comment quelqu’un pourrait éternellement vivre seul. Eyo prend conscience de sa solitude. Il réfléchit. Mais sa réflexion n’est pas encore devenue le Verbe Créateur, le discours qui sort les choses du néant. Eyo se contient. On a l’impression qu’il va éclater en libérant le verbe ».[134] Voici le passage dans lequel nous voyons Eyo opérer. Ainsi le narrateur poursuit :« Tout ce qui vit sur cette terre a une même origine. Mais nous ignorons ce qui est au commencement. Les blancs ne le savent pas. Nous les noirs nous ne le savons pas. Les Esprits des morts l’ignorent eux aussi (...) Nous savons que son nom était Eyo. Personne ne peut savoir dans quelle position ni en quel endroit il se trouvait. C’est lui qui a donné le nom de Eyo »[135]. Ensuite par sa seule intelligence, de sa propre réflexion, il donna le nom de vie. Après qu’il eut donné ce nom, il se parla à lui-même : Comment vais-je rester seul dans la vie ? Personne n’a l’habitude de rester seule. Je vais faire quelque chose qui me tienne compagnie. Il respira. Son ventre se gonfla, énorme. Après qu’il eut complètement ramené son souffle, cette terre sur laquelle nous nous tenons debout sortit de son ventre, gigantesque. La terre se répandit dans toutes les directions. Elle est l’enfant de Eyo. Il lui donna le nom de Si-Eyo. Il réfléchit de nouveau et dit : Nous voilà seulement deux. Cela ne va pas encore. Il respira de nouveau. Le souffle qui lui sortit de la bouche et des narines s’éleva : le nuage. Il le nomma Nkur-Eyo. Cette terre a des bras, une tête et des pieds. Eyo se leva et regarda. Il contempla son œuvre. C’est alors qu’il dit : Maintenant, il me faut partir. Qu’il reste deux.
Il dit à la terre : j’ai fait ce que j’avais à faire. Reste à t’occuper toi aussi du monde. Il disparu. Nous ne savons pas où il est parti. Nous ne pouvons pas le voir[136].
Le narrateur décrit les phénomènes qui accompagnent le discours par lequel les choses furent. Mais ces phénomènes rappellent également un accouchement. Le Verbe est enfant de la réflexion. Il met l’être en activité, car le discours est participation de tout l’être. Il crée parce qu’il est l’outil par lequel l’Intelligence ou l’Etre des origines opère.
L’adhésion à la totalité vient ensoleiller l’être de l’Africain. Dans cette voie, Ndébi explique que Dieu est principe fécondant, générateur du monde. La créature est l’incarnation même de cette surnatalité en tant que être d’adhésion. « La croyance à un être suprême, créateur ou potier du monde s’occupant très peu lui-même des affaires des hommes (…) il se manifeste comme principe fécondant : l’œuf mère ou la graine primordiale »[137].
Dans nos rites et nos chants cultuels Dieu n’est pas nommé. Les désignations suivantes ‘’BAO’’ chez les Sara du Tchad, ‘’Tara’’ chez les fang du Gabon et Cameroun qui signifient Père ne renvoie nullement à Dieu mais uniquement à l’ancêtre. L’équation ‘’BAO’’, ‘’Tara, Nzame’’ = Dieu est la conséquence des manipulations des légendes africaines par les missionnaires. L’Au-delà ne se présente pas pour l’africain comme une rencontre avec Dieu, mais comme une rencontre avec les ancêtres. L’herméneutique de la puissance de la parole en Afrique provient de cette essence métaphysique. De ce fait, cette parole est non seulement un art mais aussi l’être et comme souligne Ndebi Biya, c’est : « le principe fécondant de tout, le créateur ou le premier organisateur (démiurge) de la totalité »[138]. C’est pourquoi certains mythes comme celui que nous avons cité au début de notre analyse montrent que le monde est né d’une parole. Soulignons que l’accentuation de la parole ou son effectivité lie les membres d’une même famille ou d’un même village. L’homme étant issu d’une descendance a un pouvoir surnaturel qui le lie à ses ancêtres et devient un homme sacré. En fait, la vision philosophique et religieuse du monde pour les Bantous en général, et pour les Tsogo et Apindji du Gabon en particulier, repose sur : « une cosmologie qui considère l’univers, (…) une somme de forces hiérarchisées, interdépendantes et en perpétuelle mouvance et interaction. Elle diffère à ce point de vue de la vision Occidentale ou certaines substances sont regardées comme inertes »[139]. Chez l’Africain, toutes les créatures peuvent être douées de force vitale, l’étant, est habité par un esprit, ou simple esprit et dans ce cas, la parole joue un rôle primordial. C’est elle qui fait la transition, la médiation la substance même de la chose. Les religions traditionnelles africaines adhèrent à une divinité suprême, qu’elles célèbrent dans le visage des ancêtres d’où l’origine transcendantale de la parole. Alors si la parole est d’essence transcendantale comment peut- elle influencer l’existence humaine ?

2- Effet et efficacité de la parole africaine
La parole tient une place privilégiée dans la société africaine, c’est pourquoi il y a tout un cérémonial autour d’elle. La parole enracine l’Africain dans sa tradition et donne sens à son existence. « Puisque le monde existe par la parole créatrice, connaître le monde, c’est connaître la parole. Cette dernière devient donc réduplication ou plutôt en tant que créatrice, c’est le monde qui en est la réduplication. Connaître le monde, c’est appréhender sa parole, sa parole devenue chair qui se manifeste à l’Africain à travers ses différents sens »[140]. La parole africaine se révèle ainsi agissante. Elle peut influencer la vie de manière positive ou négative.
De ce fait, en tant que force vitale, la bonne parole est conçue comme une bénédiction pour l’Africain, un encouragement, un souhait, en vue de la prospérité, la vie, la fécondité et le bien. Par contre la mauvaise parole introduit ou entraîne la malédiction et renvoie à toutes implications négative : échec, maladie malheur, haine, jalousie, souffrance psychosomatique, mort, etc. Chez les Fang du Gabon, quand un père dit à son fils : « je te maudis, il avale la salive. En avalant celle-ci, il retient en même temps son souffle »[141]. Cette attitude accompagnée de la suspension de la salive et l’arrêt du souffle symbolise la rupture que le père marque entre celui sur qui la malédiction est prononcée et Lui. Par ce geste, le père met à mort, symboliquement, le fils devenu un être nuisible, capable de détruire la société. Deux alternatives s’ouvrent au coupable : soit il choisit de mourir pour revivre, ou il demeure dans sa révolte. Dans le cas où il se repent, il prie les voisins d’aller implorer pour lui le pardon de son père. Pour éradiquer la malédiction, le père exige que le fils lui offre un gros bouc pour le manger. Le fils maudit donnera donc un bouc aux intermédiaires qui, eux-mêmes, le remettent au père. Il le tue et le mange avec les anciens.
Le lendemain matin, avant le lever du soleil, à jeun, le père va derrière les maisons cueillir une fleur de bananier non épanouie. Il la pile devant les assistants avec de la poudre de bois rouge. Par la suite, il appelle son fils et s’adresse à lui en ses ternes : « Je déclare, ô mon fils, que je t’ai engendré pour que tu fasses le bien. Mais tu es méchant, Tu m’as insulté. Tu as insulté ta mère, c’est pour cela que je t’ai maudit. »[142] Après cela, il prononce la formule de bénédiction. Elle peut se traduire en ses termes : J’enlève comme on enlève un gros morceau de cuivre toutes les transgressions.
Je redresse comme on redresse un gros morceau de fer.
Je rends droit comme une flèche d’arbalète.
Je prends la colonne vertébrale du chien mort.
Je ramène mon fils des lieux sale.
Je te conduis vers des lieux propres. Je tire mon fils des malchances.
Je nettoie. Comme on nettoie les teignes.
Que tout soit complètement enlevé !
Que tout soit complètement nettoyé !
Quelle qu’ait été la destruction.
Que tout s’en aille en aval de la rivière ! Tout est vraiment effacé[143]
Après avoir dit cette formule de bénédiction, il crache aux pieds de son fils, par terre, puis dans la pâte préparée à l’avance, il enduit la poitrine de ce dernier. Il libère en même temps son souffle. La malédiction est ainsi levée. Le fils se sens délivré du poids qui pesait sur lui. Il peut ainsi se réaliser sans crainte dans la société et au milieu de ses frères. Il devient un être nouveau. Si l’offenseur décide de demeurer dans sa révolte, il n’entreprendra aucune démarche et s’enfermera sur lui-même. La malédiction impliquera nécessairement des effets négatifs.
3- Implications sociologiques de la parole en Afrique.
Après avoir parlé de la puissance de la parole en Afrique, nous évoquons dans ces lignes la dimension sociale de cette dernière. Autrement dit, nous voulons appréhender de manière précise l’importance de la parole dans la société africaine. En effet, les considérations socioculturelles permettent aux Africains d’imprimer dans leur univers, la marque de l’organisation sociale qui est la leur. La prise de parole n’est pas seulement l’apanage du chef du village, mais souvent d’un spécialiste de la parole que l’on nomme l’orateur. Il possède un rôle important dans le monde de la parole publique. La pratique publique de la parole révèle ainsi un enjeu politique. Il faut noter que certains aspects tels que le cadre spatial des assemblées, la composition de l’auditoire la tenue et le rôle de l’auditoire a une détermination capitale. Observons de manière succincte ses éléments.
Pour ce qui est du cadre spatial, de manière générale, la parole se déploie dans la cours. Mais elle peut aussi être dite au corps de garde ou derrière la maison. Le professeur Tsala Théodore souligne que : « Dans le passé, l’assemblée se tenait en plein air soit devant les cases d’habitation, soit en brousse sur un terrain préparé ad hoc. Quand il s’agissait d’un palabre qui opposait deux clans ou deux tribus limitrophes, c’était sur leur ligne de démarcation que se tenait des assises »[144]. Le lieu où l’on devait livrer un message avait une signification particulière. Il témoignait de l’importance du message et les plus attentifs pouvaient déjà soupçonner le contenu du message.
De ce fait, pour la grande famille Béti, « Les lieux des rencontres populaires sont en fait des places publiques. En plus de leur grande capacité, d’accueil, ils présentent un autre avantage, celui de donner un caractère public communautaire aux assises. L’opposition qu’on fait entre kobo a nsen (parler sur la cour) et kobo a falag (parler derrière la maison) le confirme ».[145] Ces différentes dispositions recouvrent des significations particulières, allant du caractère publicitaire d’un évènement d’une part, au secret ou au danger d’autre part. Ainsi, la composition de l’auditoire variait selon l’importance du message à véhiculer. Ordinairement, les femmes et les enfants étaient exclus dans toutes les rencontres à caractère spécial. Cependant, les rencontres familiales ou claniques pouvaient réunir vieillards, hommes mûrs, femmes et enfants. Dans ces rassemblements, l’enjeu portait sur la saisie du message. Car le discours de l’orateur n’était pas toujours accessible à tous. Il était donc souvent nécessaire de faire usage de proverbes ou d’énigmes pour que seul l’adulte « Riche en expériences et en sagesse, saisit mieux les méandres du discours que les gens moins expérimentés »[146]. Car pour l’Africain, les nouvelles du village ne sont pas données à l’étranger ou aux enfants. Parce que la parole est sacrée, il est donc important que ce soit une personne digne et initiée à cette tâche qui réalise cet art. Ainsi, ceux à qui il parle lui doivent respect. Leur posture physique et leur attitude morale sont capitales.
Dans les sociétés Fang du Gabon, la position assise est la plus noble lors des rencontres. Elle exprime la disponibilité, la liberté, l’attention et la concentration, en somme, c’est la position d’écoute. Seul celui qui a la parole parle debout. Il impose le silence à l’auditoire et peut lui permettre de s’exprimer. C’est pourquoi dans certaines sociétés africaines, le discours est entrecoupé de réponses rythmées d’interpellations de l’orateur traduisant ainsi l’objectivité des propos. Comme le souligne MAURIER « la parole va du locuteur à l’auditeur »[147]. L’orateur invite l’auditoire à participer au débat. Il existe ainsi une dimension dialogique et dynamique qui crée une atmosphère d’échange public. Le consentement ou non de l’auditoire montre le caractère actif de ce dernier. Il tanise et scrute avec attention les propos de l’orateur. Auxiliaire attentif et silencieux, l’auditoire joue un rôle fécond dans la manifestation de la parole.

II- ESSAI SUR L’APPROCHE EPISTEMOLOGIQUE DE LA PAROLE
1- La parole comme véhicule de la tradition
La parole est déjà là quand, un enfant naît. La parole livre à chacun la tradition de sa société. On dit quelque fois que la tradition est une parole des anciens. Et de la personne qui est supposée sage, on dit : c’est un homme de parole ou celui qui connaît la parole. La parole de la tradition règlemente la vie en société. En spéculant sur l’origine de la parole, les Bambara soutiennent que la parole révèle peu à peu la sagesse des ancêtres. Cette révélation permet également la transmission du savoir vivre aux jeunes générations.
Le monde est régi par les relations. L’homme peut sortir de l’inhumain grâce à la parole. Donc, il n’y a pas de sociétés sans relation, sans tradition et sans parole. La parole est comme la projection sonore dans l’espace de la personnalité de l’homme. La parole révèle la personne. Dans la même perspective, Henri Maurier affirme : « Les Bambara pensent que les quatre éléments (l’eau, l’air, feu, et terre) qui forment le corps humain, interviennent aussi dans la parole. La parole en récapitulant l’homme, récapitule le cosmos (…) La personne étant reliée dans l’être même, aux géniteurs c’est la parole qui récapitule la personne, la plonge dans la tradition »[148]. C’est ainsi que la parole entendue est comme une eau qui fait germer les graines de l’auditeur. Sa personnalité enracinée dans la tradition. C’est pourquoi quelqu’un qui oublie sa langue maternelle est comme celui qui se renie et renie sa famille, ses origines et sa propre culture. Comme nous l’avons dit dans la première partie de notre analyse, la parole relie l’homme à ses ancêtres. Pour mieux cerner cette dimension nous pouvons faire une herméneutique du langage de Bénédiction chez les fang.
2- L’implication du « Je » dans le langage de la formule de bénédiction
Nous choisissons de porter un regard sur la formule de bénédiction parce qu’elle est conçue dans une perspective positive. La formule dans ses premières lignes nous donne : « J’enlève comme on enlève un gros morceau de cuivre toutes les transgressions. Je redresse comme on redresse un gros morceau de fer ».[149] L’usage du ‘’ je ‘’ dans cette partie est capitale. Le fait d’être acteur de la bénédiction se justifie dans la mesure où le père se sait être le lien entre les ancêtres et sa descendance. Peu importe ce qu’il est socialement, riche ou pauvre, sa fonction de géniteur l’élève au rang de ceux qui, par leurs paroles, possèdent un pouvoir de vie et de mort. Le ‘’ je ’’ par lequel l’être de finitude qu’est le père prend ici une signification infini, éternelle. Celui qui s’affirme et se pose comme singularité se voit prisonnier du temps et de l’espace. Mais son discours et son message renvoient de par leur pouvoir, à la fois au commencement et à la fin des temps. Ils appartiennent au temps des mythes. Le ‘’ Je ‘’ du père est d’hier parce qu’il fut prononcé par ses ancêtres. Il est d’aujourd’hui et de demain parce que, à travers ses descendants il est transmis.
Ainsi se présente une harmonie entre le présent et l’avenir. Mais la faute rompt ces liens entre les Ancêtres et le transgresseur. Dans cette perspective, Ndebi Biya affirme que « (…) les échecs de la vie proviennent de ce que l’on s’entête à produire ce qui n’est pas conforme à sa graine »[150] . Le mal conduit le coupable à une existence diminuée. De par ses conséquences, la malédiction poursuit l’individu dans toutes ses entreprises. Pour se représenter les conséquences du mal dans la vie, le fang utilise les anneaux de cuivre.
En effet, les Fang portaient aux pieds, aux bras, au cou, de gros anneaux de cuivre qui entravaient le dynamisme de leurs mouvements. Les conséquences de la faute dans l’existence du coupable sont semblables aux difficultés de mouvements de celui dont les pieds, les bras et le cou sont cernés par de gros anneaux de cuivre. Enlevé, l’anneau de cuivre rend la vie. L’homme étant le prototype idéal du monde selon l’épopée Fang du « mvet » la terre a des pieds, des bras, une tête. La terre est soutenue en son milieu par un pilier principal et à chacun des quatre coins par un pilier secondaire. Le village africain a la même configuration. L’extrémité de chacun des deux rangées de maisons forme un coin. La cour constitue le centre ; l’entrée est, la tête. La maison avec son pilier central et les quatre piliers secondaires des quatre coins sont proches du cosmos donc de l’homme. Schématiquement nous pouvons avoir :
- tête= Est = Entrée du village.
- membres = quatre coins= quatre pilier.
- sexe= pilier central = cour du village.
L’homme est donc au centre de tout. Le monde, le village, la maison se révèlent à lui comme faisant partie de son être propre. D’où sa purification redonne vie au cosmos.

3- L’activité onirique, parole ouïe comme véhicule de messages
L’activité onirique se déploie dans la perspective de la parole entrevue. Elle n’a pas une forme usuelle de communication à proprement parler comme le langage articulé. Mais dans sa réalisation la parole se déploie. La parole entrevue est efficace et en même temps effective en Afrique. Elle résulte de la combinaison de différents éléments pour donner un sens. Elle se matérialise à partir des faits et situations de la nature où existe l’homme. Par illustration, dans le domaine de la médecine traditionnelle, c’est à travers le rêve que le tradipraticien ou le guérisseur reçoit souvent le nom de la plante curative.
Pour ce qui est de la réalisation du rêve, nous pouvons dire qu’elle est la voie de transmission de messages. Son contenu peut être clair où énigmatique. Dans ce dernier cas, il nécessite une interprétation particulière. Le rêve est un haut lieu de communication dans l’univers non physique. Toutefois, son implication et sa réalisation sont souvent dans le monde des vivants. Il y a donc dans l’existence de l’Africain une influence du monde invisible sur le visible. L’Africain n’est pas totalement ignorant de cette réalité. D’ailleurs elle se donne à lui comme un monde véritable, un monde réel qu’il visite. En plus de révélation et d’enseignement le rêve est aussi le lieu où les ancêtres favorisent la réconciliation des hommes entre eux et des hommes avec la divinité. La parole ouïe ou mythe en Afrique unit la société. Elle instruit les hommes avant de les accueillir comme membres à part entiers de cette communauté. Les mythes constituent les fables de la moralité, des légendes pour les enfants des cris de pleureuses officielles du village et des devinettes imaginatives. Contrairement à la parole entrevue, le mythe est du domaine de la parole ouïe donc entendue. Le mythe évoque des paroles divines c’est - à- dire émanant du divin. Ce n’est pas seulement le récit historique qui explique métaphysiquement les évènements, il traduit la pensée, la pensée africaine qui vise à suggérer le réel gardant précieusement son mystère. Dans les récits mythiques, l’auditoire assiste à une génération dans le sens de la création du monde. La parole s’engendre elle- même, donc elle est génération. En effet, ce qui est entendu, provient justement de ce qui est et réciproquement.
Le comportement de l’homme africain se modèle selon le sens orienté par la parole ouïe ou le mythe. C’est ainsi que Ndebi Biya dit : « Par la parole, l’initié chargera un élément matériel de prouver l’innocence ou la culpabilité du suspect »[151]. Pour les Africains, la parole ouïe ou le mythe est tout, elle coupe, accroche, modèle, module, elle perturbe, rend fou, elle guérit ou tue. La parole est fondamentale pour l’existence dans la société.

APPROACHE CRITIQUE DE LA PAROLE EN AFRIQUE.
Very frequently African beliefs and thoughts are manifest in artistic expressions which African philosophers call the indigenous language of African belief and thought. Words therefore have much value in African thought. This is because the form of art is always the expression of the ideas that inspired it. And despite the fact that there is limited written literature, Africans have a retentive memory whereby traditions of generations are repeated by modern practices, particularly in religious rituals and cults. Thus we cannot underestimate the power of the word and the influence and challenge it gives to the theory of knowledge in African philosophy.
A useful study might be made of the impact of the word in the mythical world. Quoting Maurice Leenhardt, Senghor states: “ the black word uttered under the shock of emotion…surpasses that emotion. Coinciding with the real, it is not only an expression of knowledge, but knowledge itself, ready for action, already action. `The word `…is thought, speech, action.”[152]We can from this see the impact or force words have in African philosophical thought. Equally, it is fitting to mention that the word has some direct link to mythical action and word as symbols. Everything can be symbol for something depending on how it is spoken: natural events, accidents, words, dreams and even looks. There is always the anxiety about the possible influence of supra-human and invisible forces being at work in the most ordinary and common event. Even among Western educated Africans this fear is often present. University students who suffer from some mysterious illness or simply from overwork and nervous strain, may suspect witchcraft, even though they may have the scientific tools for investigating their condition.[153] Words also impact blessings depending on the person uttering them. In divinations, rituals, ceremonies of great magnitude, words either bestow blessings on the subject or curses if some rule is violated. It is worth noting too that the author of the words could equally invite ancestral punishment to himself if no cleansing or purification is done before they are uttered or spoken. This is a positive aspect of the force of the spoken word , as even curses could be broken with the efficacy of the word.[154]
Parinder confirms this by saying In picture language there is much traditional wisdom, and assumptions Become apparent that reveal much of attitudes towards the world and life. All peoples have myths, stories which try to explain the origins of the world And men, the mysteries of birth and death, and the activities of celestial and Mundane beings.”[155] What is important to note is that in African thought, there is no major separation of the sacred from the profane. As for its mode of expression, art is a means of expressing a basic philosophy of life and power, and of all the powers that work together for good in a harmony that must be maintained. Because of this closeness, ideas in traditional societies are expressed in myths, proverbs, songs and rituals. In this way, thinking as a necessary aspect of human existence (expressed in words), can be said to be applicable to Africans as it is to any other people the world over.
LANGUAGE, TRUTH AND REASON.
The foregone literature has to a larger extent, tried to justify the various tenets about the force of the word in African philosophical thought. This has much limits as shall now be seen in our analysis of language, truth and reason. According to Kwasi Wiredu, an ardent positivist African philosopher, there is no meaning of language other than in terms of what it signifies and refers to. In themselves, he says, words are sheer physical existences exactly like chairs, tables, and trees. They are simple conventional signs made into a system to impart information. Their significances, then derives from the ideas which are connected to that which they signify or to which they refer. There is no magical connection between the word and sort of thing that it refers to.[156] A philosopher, according to Wiredu`s assertion, must of necessity direct his search for the meaning of words only to their relationship with the objects or situations they stand for. If we apply this statement to the evaluation of Griaule`s description of “nommo” as both word and force, as both an utterance and a primordial principle of unity, Wiredu would certainly dismiss the theory as belonging not to a philosophical analysis but to mysticism. And the latter, according to him, is frequently contradictory and defies the rules of meaning and the laws of logic.[157] A contrast to this theory of “nommo” is to be found in the famous work of Robin Horton, “African traditional thought and Western science.” Hortorn observes that one central characteristic difference between traditional African worldviews and scientific theories is that the former treats words as if they are able to produce the things for which they stand. In other words, “ the words of men are granted a certain measure of control over the situations they refer to.”[158]
In this way, Horton thought, Africans personalize the causal forces in nature in contrast to the impersonal forces operational in scientific explanations. Traditional people therefore believe in the power of words, in the sense that words, when uttered in appropriate circumstances, are capable of bringing into being the events or states they stand for.
This traditional attitude to words, says Horton, is radically different from that of the scientist of epistemology. The scientist, he says, believes the power of words to rest only in their explanatory and prediction functions in relation to reality. Horton`s epistemology scientist is compelled to reject the magicians view of words; why? Note the following reasons that he gives: “ he has come to know better: magical behaviour has been found not to produce the results it claims to…” Because of this, the scientist does not even bother to test the magical causal claims. He finds this futile to test, because the magical world depends on human whims.[159]Admittedly, Horton and other philosophers are right to assert that sometimes traditional utterances exhibit beliefs in causal claims which contrast sharply with scientific claims. The consistency of these traditional utterances, however, does show one important thing: that at the level of ordinary life, traditional people have not been interested in theory in any form, whether scientific or symbolic. However, although weaknesses are abound, there is much to learn from the place of the word and its efficacy in African epistemological and logical sphere.

Conclusion
Au terme de notre travail sur la parole comme théorie de connaissances en Afrique, il est nécessaire pour nous d’interroger l’origine de cette dernière avant d’aboutir à son effectivité dans la vie de l’Africain. La parole a de multiples connotations en Afrique. C’est grâce à elle qu’on peut dire la vérité des choses et leur essence. Notre objectif était de saisir l’univers visible et invisible par le biais de la parole.
Après avoir abordé la puissance de la parole, nous avons montré l’aspect épistémologique de celle-ci. C’est au moyen de la parole que les anciens transmettent le savoir aux jeunes générations. La parole se révèle parfois par le rêve et le mythe. Elle joue le rôle de transmission et d’enseignement. Elle rapproche l’Africain de la divinité. Elle peut en même temps réconcilier les vivants entre eux et les vivants avec les morts. Elle devient source de l’être comme génération et d’entente entre le monde visible et le monde invisible.
En somme, nous pouvons dire qu’en Afrique toute parole est porteuse de message et de connaissance. C’est en lien avec les ancêtres que les paroles se font entendre. La question philosophique qui demeure est celle-ci : Est-ce que la parole reste le seul élément favorable au bonheur de l’Africain?



BIBLIOGRAPHIE
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[1] S. HAWKING, Une Brève Histoire du Temps - Du big bang aux trous noirs, Paris, Flammarion, 1989, p. 44.
[2] Idem, p. 54.
[3] R. Ndebi BIYA, L’être comme génération. Essai critique d’une ontologie d’inspiration africaine, Strasbourg, Université des sciences humaines, 1995, p. 50.
[4] S. Azombo et P. Meyongo, Précis de philosophie pour l’Afrique, Paris, Nathan, 1981, p. 40.
[5] Cf., R. Ndebi Biya, op. cit., p. 51.
[6] Ibid.
[7] Idem, p. 54.
[8] Ibid., p. 56.
[9] Cf., Ibid., p. 65.
[10] R. Ndebi BIYA, Etre, pouvoir et génération, Harmattan, Paris, 1987, p. 101
[11] Idem, p. 99
[12] Idem
[13] J.Y. Jolif, Comprendre l’homme. Introduction à une anthropologie philosophique, Paris, Editions du Cerf, 1967, p. 102.

[14] F. Tinland, La différence anthropologique. Essai sur les rapports de la nature et de l’Artifice, Paris, Aubier Montaigne, 1977, p. 24.
[15] Idem, p. 45.
[16] Ibid., p. 76.
[17] Ibid., p. 115.
[18] Cf. Cours d’Anthropologie philosophique du professeur R. N. Biya, Université catholique d’Afrique centrale, Institut de Yaoundé, 2006, inédit.
[19]F. Tinland, La différence anthropologique, Essai sur les rapports de la nature et de l’Artifice, op. cit., p. 177.
[20] R. Ndebi Biya, L’Être comme génération, Strasbourg, Les Cahiers du Cérit, 1995, pp. 201-202.
[21] Idem, p. 202.
[22]F. Tinland, La différence anthropologique, Essai sur les rapports de la nature et de l’Artifice, op.cit., p. 77.
[23] P. Erny, L’enfant et son milieu en Afrique noire, Paris, L’Harmattan, 1987, p. 157.
[24] A. Lalande, vocabulaire technique et critique de la philosophie, vol 1, a-m, Paris, P.U.F., 1997, p. 554.
[25] Collectif, Pratique de la Philosophie de a à z, Paris, Hatier, 1994, p. 197.
[26] R. Ndebi Biya, Sans perdre de vue…Culture et Techno – science –intégration africaine – Philosophie égyptienne africaine, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 107.
[27] R. Ndebi Biya, Sans perdre de vue…Culture et Techno-science-Intégration africaine – Philosophie égyptienne africaine, op. cit., p. 105.
[28] R. Ndebi Biya, L’être comme génération, op.cit., p. 175.
[29]Cf. M.L.Descolos, Structure des dialogues de Platon, Paris, Ellipses Edition, 2000, p. 109.
[30] Cf. Ibid.
[31] Cf. Dualisme (philosophie de l’esprit), http ://fr. wikipedia.org/wiki/ , le 07-10-2010.
[32] Cf. Dictionnaire de la philosophie, encylopaedia universalis, Paris, Albin Michel, 2006, p. 602.
[33] Cf. A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, P.U.F., 2002, p. 41.
[34] M.Fromaget, Dix essais sur la conception anthropologique « corps, âme, esprit », Paris, L’Harmattan, 2000, p. 13.
[35] Cf. T. D’Aquin, Sommes théologiques, Paris, Les Editions du Cerf, 1999, p. 96.
[36] Cf. Idem, question 75, article 3.
[37] Gn 1, 24 et Gn 2, 7.
[38] M.M. Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Librairie Gallimard, 1945, p. 90.
[39] Cf. M. Fromaget, Dix essais sur la conception anthropologique « corps, âme, esprit », op.cit. , p. 13.
[40] Y. Bayika Bi Yede et M. P. Hebga, Sur l'origine de la philosophie. Le miracle grec mythe et réalité : prolégomènes intellectuels et culturels à la décolonisation radicale de l'Afrique, Paris, éd. Menaibuc, 2005, p.36.
[41] Cf. Oum Ndigi, cours Egyptologie, Université Catholique d’Afrique Centrale, Institut Catholique Yaoundé 2008, inédit.
[42] Le corps humain dans l'Egypte antique, www.aphg.fr/egypte1.ppt, consulté le 16 - 12 – 2009.
[43] S. Azombo et P. Meyongo, précis de philosophie pour l’Afrique, Fernand Nathan, 1981, p. 54.
[44] Cf. Oum Ndigi, cours Egyptologie, op.cit.
[45]Y. Bayika Bi Yede, Sur l'origine de la philosophie. Le miracle grec mythe et réalité : …, op.cit, p. 36.
[46] Les notes inédites du Cours d’ Anthropologie du professeur J. Fedry, donné au Grand séminaire st. Luc de N’djaména en 1986, sont la source de cette inspiration.
[47] C. Faik-nzuji, Les Symboles graphiques en Afrique noire, Paris, Karthala, 1992, p. 52.
[48]L. V. Thomas, Terre africaine et ses religions, Larousse, université, série anthropologie, sciences humaines et sociale, paris, 1975, pp. 27-28.
[49] Ibid., p. 28.
[50] D. Nothomb, Un humanisme africain. Valeurs et pierres d’attente, Bruxelles, Lumen Vitae, 1965, p. 21.
[51] J. Jahn, Muntu. L’homme Africain et la culture Neo-Africaine, Paris, Seuil, pp. 117-120.
[52] Idem.
[53] Ibid., p. 112.
[54] M. Hebga, La rationalité d’un discours sur les phénomènes paranormaux, Paris, L’Harmattan, 1998,
pp. 107-108.
[55] Idem, p. 108.
[56] Ibid., p. 112.
[57] Ibid., p. 125.
[58] Bimwenyi Kweshi, cité par M. Hebga in La rationalité d’un discours sur les phénomènes paranormaux et conception pluraliste du composé humain, Paris, Sorbonne, 1986, p. 99.
[59]M. Hebga, La rationalité d’un discours sur les phénomènes paranormaux et conception pluraliste du composé humain, Paris, Sorbonne, 1986, p. 99.
[60] Idem, p. 104.
[61] J. Bruyas, les sociétés traditionnelles de l’Afrique noire, Paris, l’Harmattan, 2001, p. 58.
[62] Ibid., p. 109.
[63] A. TshibilondI Ngoyi, La philosophie et la problématique du genre, dans alternative sud, vol. X (2003)4,
p. 131.
[64] Ibid., p. 127.
[65] Cf. p. 129.
[66] J. Mbiti, Religions et philosophies africaines, traduit de l’anglais par Chritiane le Fort, Yaoundé, Clé, 1972,
p. 120.
[67] Idem, p. 120.
[68] Ibid.
[69]J.Bruyas, les sociétés traditionnelles de l’Afrique noire, paris, l’Harmattan, 2001, p. 25.
[70] Idem, p. 31.
[71] Idem, p. 31.
[72] Ibid., p. 40.
[73]Ibid., p. 41.
[74] Ibid., p. 43.
[75] Ibid., p. 46.
[76] Ibid., p. 49.
[77] Ibid., pp. 48 – 49.
[78] Ibid., p. 49.
[79] Ibid.
[80] J. Bruyas, Les sociétés traditionnelles de l’Afrique noire, Paris, Harmattan, 2001, p. 17.
[81] S. Azombo Menda et P. Meyongo, Précis de philosophie pour l’Afrique, Paris, Ferdinand Nathan, 1981,
p. 115.
[82] Idem, p. 18.
[83] Ibid., p. 19.
[84] Ibid., p. 22.
[85] Ibid., p. 23.
[86] Ibid., p. 22.
[87] Cf. R. Ndebi Biya, L’être comme génération, Strasbourg, Les Cahiers du Cerit, 1995, p. 129.
[88] P. Tempels, La philosophie bantoue, Paris, Présence africaine, 1949, p. 72.
[89] S. Azombo Menda et P. Meyongo, Précis de philosophie pour l’Afrique, op. cit., p. 55.
[90] Cf. P. Erny, L’enfant et son milieu en Afrique noire, Paris, L’Harmattan, 1987, p. 43.
[91] M.Fromaget, Dix essais sur la conception anthropologique « corps, âme, esprit » , op.cit., p. 7.
[92] M. Hebga cité par L.Lado in F. Eboussi Boulaga (sous la dir.), La dialectique de la foi et de la raison. Hommage à Pierre Meinrad Hebga, Yaoundé, éd. Terroirs, 2007, p. 90.
[93] L.V.Thomas, Terre africaine et ses religions, op. cit, p. 27.
[94] N. BARAQUIN et al., Dictionnaire de la philosophie, Paris, Armand Colin, 2005(3ème éd.), p. 96.
[95] Cf. L.-V. THOMAS et R. LUNEAU, La terre africaine et ses religions. Traditions et changements, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 9.
[96] I.-P. LALEYE, « Les religions de l’Afrique noire », in J. DELUMEAU (sous la dir.), Le fait religieux, Paris, Fayard, 1993, p. 643.
[97] J. DELUMEAU (sous la dir.), Le fait religieux, Paris, Fayard, 1993, p. 8.
[98] Cf. A. LALANDE, vocabulaire technique et critique de la philosophie, Quadrige, P.U.F., 2002, pp. 229-231.
[99] EINSTEIN, cité par D. HUISMAN et A. VERGEZ, Nouveau court traité de philosophie, classes terminales, C, D, E, F11, Paris, Nathan, 1974, p. 457.
[100] D. HUISMAN et A. VERGEZ, Nouveau court traité de philosophie, classes terminales, C, D, E, F11, Paris, Nathan, 1974, p. 459.
[101] LITRÉ cité par D. HUISMAN et A. VERGEZ, Nouveau court traité de philosophie, classes terminales, C, D, E, F11, Paris, Nathan, 1974, p. 463.
[102] Cf. OUM NDIGI, cours Egyptologie, Université Catholique d’Afrique Centrale, Institut Catholique de Yaoundé, 2008, inédit.
[103] Le corps humain dans l'Egypte antique, www.aphg.fr/egypte1.ppt, consulté le 16 - 12 – 2009.
[104] Les notes inédites du Cours d’ Anthropologie du professeur J. FEDRY, donné au Grand séminaire st. Luc de N’djaména en 1986, sont la source de cette inspiration
[105] P. SOLNIER, Peuple d’autrui, une approche anthropologique de l’œuvre pastorale en milieu centrafricain, Pro mundi vita Belgique, 1976, p.62.
[106] R. NDEBI BIYA, L’Être comme génération, CERIT, Paris, 1995, p. 104.
[107] S. AZOMBO et P. MEYONGO, précis de philosophie pour l’Afrique, Paris, Fernand Nathan, 1981, P.122.
[108] L. WITTGEINSTEIN, Tratatus logico philosophicus, Trad. P. Klossowski, Paris, 1961, P.
[109] L. S. SENGHOR, liberté I, Paris, Seuil, 1964, p. 26.
[110] S. AZOMBO et P. MEYONGO, Op. cit., p. 125.
[111] D. NOTHOMB, Un humanisme africain. Valeurs et pierres d’attente, Bruxelles, Edition Lumen Vitae, 1965, p.89.
[112] I. Pahizi, « les noms théophores chez les kabiyedina du nord Togo » in les noms théophores, I, Afrique et parole, décembre 1972, p. 25
[113] S. Azombo, P. Meyongo, précis de philosophie pour l’Afrique, Op.cit., P.123.
[114] R. NDEBI BIYA, Op. cit., p. 103.
[115] J. MBITI, Religions et philosophie africaines, CLE, Yaoundé, 1972, p. 39.
[116] Ibid., p. 123.
[117]L.-V. THOMAS, Cinq essais sur la mort africaine, Dakar, Université de Dakar, 1968, pp. 216-217.
[118] B. DIOP, « Sarzan » dans Les Contes d'Amadou Koumba, Paris, Présence africaine, 1961, p. 180.
[119] Dans certaines cultures africaines, nous pouvons rencontrer des vieux qui sont capables de prévoir le temps de leur décès.
[120] Cf. I. De SOUZA, Le problème de l’au-delà, dans : Regards sur la vie dahoméenne, Fascicule 1er, Les étapes de la vie et la politesse, Cotonou, 1968, p. 93.
[121] Cf. I. De SOUZA, Op.cit., p. 104.
[122] .Idem, pp. 102-103.
[123] P. Robert, Le Petit Robert, Paris, P.U.F., 1967.
[124] A. HAMPATE BA, « Présentation des religions traditionnelles africaines », in COLLOQUE DE COTONOU, Les religions Africaines comme source de valeurs de civilisation, Paris, présence Africaine, 1972, p.77.
[125] E. SAMBOUE, Rencontre et Altérité. Enjeu d’une christianisation milieu Joola, Toulouse, 1983, p.115.
[126] L.-V. THOMAS & R. LUNEAU, La terre africaine et ses religions : Tradition et changement, Paris, Librairie- Larousse, 1969, p.214.
[127] Idem., P. 214.
[128] Ibid., p. 217.
[129] R. NDEBI BIYA, L’être comme génération. Essai critique d’une ontologie d’inspiration africaine, Paris, Cedex, 1995, p. 129.
[130] L.V. THOMAS & R. LUNEAU, La terre africaine et ses religions : Tradition et changement, op.cit., p. 236.
[131] S. AZOMBO-MENO & P. MEYONGO, Précis de philosophie pour l’Afrique, Paris, Nathan, 1981, p.136.
[132] Cf. J. P. SARTRE, sité par J. DELUMEAU, Op. cit., p. 29.
[133] Cf. I.-P. LALEYE, Op. cit., p. 644.
[134] P. Nguema-Obam, Aspect de la religion Fang, Paris, Karthala, 1983, p. 70.
[135] Idem.
[136] Cf Ibid.
[137] R. Ndébi Biya., Sans perdre de vue… Culture et Techno-Intégration africaine-Philosophie égyptienne africaine, Paris, L’harmattan, 2005, p. 96.
[138] Ibid . p. 97.
[139] A. Rantanga-Atoz., les peuples du Gabon occidental. Tome1. Le cadre traditionnel, Libreville, ed. Raponda Walker, 2009. p. 307.

[140] R. Ndébi Biya., Sans perdre de vue…, op. Cit, p. 97.
[141] P. Nguema-Obam, Op.cit. p.31.
[142] Idem.
[143] Cf Ibid., p.10.
[144] T. TSALA, Mille et un proverbes Béti, Ronéotypé, Yaoundé, 1973, p. 88.
[145] J. MBARGA, L’art Oratoire et le pouvoir en Afrique : Le cas des Béti du Cameroun, Yaoundé, Saint – Paul, 1997, p. 22.
[146] Idem.
[147] H. MAURIER, Philosophie de l’Afrique noire, Anthropos-institut, 1985,p. 158.
[148] Ibid. p. 156.
[149] Nguema Obama, op cit ., p. 9
[150] Ndebi Biya, l’être comme génération, Essai critique d’une ontologie d’inspiration africaine, Strasbourg, Cérit, 1995, p. 234.

[151] Ibid, p. 246.
[152] . K. C. Anyanwu, The African World-view and Theory of Knowledge, Ibadan, Landore, 1978, p. 77.
[153] . idem., 79.
[154] . ibid.,
[155]. M. Makumba, Introduction to African Philosophy, Nairobi, Paulines Publication, 2007, p. 170.
[156] .K. Wiredu, “Mysticism, philosophy and reality,” in Universitas vol.2.,no.3, 1973, pp.97-106.
[157] . D.A. Masolo, African philosophy in Search of Identity, Nairobi, East African Pub., 1995, p. 98.
[158] . idem., p. 128.
[159] . ibid.

[1] Cf., Hésiode, Théogonie. La naissance des dieux, Paris, Belles lettres, 1999, p. 67.
[2] Idem., p. 68.
[3] Platon, Timée, 47 e – 69a
[4] Idem., 74a – 78b
[5] Aristote, Physique, 218a – ch. 10§ 1
[6] Idem., §4
[7] T. Obenga, La philosophie africaine de la période pharaonique 2780-330 avant notre ère, Paris, L’Harmattan, 1990, p. 108.
[8] Idem, p. 109.
[9] Ibid., p. 110.
[10] Ibid.
[11] Ibid., p. 29.
[12] Ibid., p. 30.
[13] Ibid., p. 31.
[14] Ibid.
[15] Ibid., p. 34.
[16] Ibid., p. 59.
[17] Ibid.
[18] Ibid., p. 75.

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